Notre connaissance du parti socialiste nous permet de l’affirmer, le PS ne peut pas devenir écolo sans y être obligé. Prenons une des deux contributions thématiques qui se déclare explicitement écolo pour le prochain congrès, « Pour un redressement écologique de l’industrie automobile ». Les auteurs n’ont pas du tout perçu l’oxymore, c’est-à-dire la contradiction absolue entre écologisme et automobilisme. La voiture émet des gaz à effet de serre, enferme les travailleurs et les conducteurs hors de la nature, utilise un pétrole en voie de disparition ou des agrocarburants en compétition avec l’alimentation, etc. Alors pourquoi s’ingénier à redresser l’industrie automobile ? Voici quelques extraits de cette contribution et notre commentaire :
« Nous sommes des militants engagés pour faire progresser notre système social et permettre les conditions d’une croissance au service des hommes. »
BIOSPHERE : Le problème du PS, c’est que le social étouffe complètement les préoccupations écologiques et empêche de voir les réalités biophysiques en face. De plus il est significatif que le mot d’ordre de François Hollande, le croissancisme apparaisse ; le PS n’a pas encore compris qu’une croissance économique dans un monde fini est impossible. On ne peut pas continuer longtemps à « servir les hommes » avec une planète dont les ressources diminuent de plus en plus rapidement.
« Nous devons méditer des exemples aussi différents que l’Allemagne, les Pays Bas, l’Autriche… qui ont réussi à développer une compétitivité forte et une capacité d’exportation. »
BIOSPHERE : Dire qu’Arnaud Montebourg se faisait avant le chantre de la démondialisation et qu’il est tombé à bras raccourci en tant que ministre sur le groupe PSA qui avait choisi un enracinement plutôt franco-français ! Il n’y a pas de différence entre la gestion de droite et de gauche, les éléments de langage sont les mêmes, croissance, compétitivité, exportations. Aucune pensée sur la nécessaire relocalisation qui implique une réduction des échanges internationaux.
« Dans ces pays, on note une certaine forme de cohésion nationale sur le sujet, un rôle de « l’Etat stratège », la conscience forte de l’importance de la technologie. »
BIOSPHERE : l’Etat ne peut être stratège en matière de politique industrielle aux mains des grandes firmes transnationales. La BD les indégivrables (LE MONDE du 14-15-16 juillet) est significative : « Que peut faire l’Etat quand une usine ferme ? – Oh ! Nous avons un large éventail : nous offusquer, nous indigner, nous scandaliser, … ». Quant à la technologie, la voiture appartient aux techniques non appropriées dans un monde fini. Il nous faut penser en termes de dévoituration, la marche, le vélo et les transports en commun sont adaptés à la descente énergétique qui s’amorce.
« Nous proposons cette contribution sur l’industrie automobile, pour en faire un acteur essentiel de la révolution écologique : réduire de manière drastique la facture pétrolière des transports, contribuer au développement durable. »
BIOSPHERE : Enfin une mention de l’écologie, mais la façon de réduire la facture pétrolière ne passe pour ces contributeurs que par « l’électrification accélérée et volontariste du parc automobile français ». Ils occultent complètement la manière de produire de l’électricité et le potentiel (limité) des batteries embarquées. Cette contribution pseudo-écolo ne pense ni à limiter la puissance des véhicules en bridant les moteurs, ni aux techniques douces de déplacement, ni à la limitation des mouvements pendulaires.
« Tous les ans sont immatriculés un peu plus de 2,5 millions de véhicules particuliers et utilitaires, et 2 millions sortent de l’immatriculation française pour la casse [1,5 Millions] ou l’exportation. Le recyclage peut se limiter à un broyage pour matériaux de construction. La suggestion serait une incitation positive s’il y a casse déconstruction fine et recyclage « normalisé » du véhicule et une pénalité dans le cas inverse. »
BIOSPHERE : La seule mention vraiment écolo est cette préoccupation du recyclage, ce qui n’est d’ailleurs qu’une partie de l’ensemble du cycle de vie du produit automobile. Pour avoir une voiture écolo, il faudrait que ses éléments constituants puissent à nouveau permettre de fabriquer autre chose, etc. De toute façon, toute opération de recyclage nécessite de l’énergie, et le pic pétrolier est déjà passé (en 2006), l’énergie va manquer. Mais les socialistes ne pensent pas du tout à la sortie du pétrole, ils pensent soutien à l’industrie automobile, à l’emploi présent, sans s’interroger sur ce qu’il faut produire et comment le produire. Les socialistes ne sont pas écolos…
Que fait le gouvernement aujourd’hui ? Il parie sur le capitalisme vert. En proposant les voitures « propres », le gouvernement propose le modèle capitalistique que lui a vendu l’industrie automobile. Les voitures électriques ne changent absolument rien au modèle de la voiture individuelle. Elles ne font que déplacer le problème de la ressource pétrolière à celles nécessaires à la construction des batteries : plomb, lithium, métaux rares etc. Car contrairement à la croyance populaire vendue par le capitalisme vert, si les énergies solaires, éolien, géothermiques etc. sont renouvelables, les supports de transformation de ces énergies (ici les batteries électriques) ne le sont pas. Et je n’aborde là même pas le nombre de nouveaux réacteurs nucléaires nécessaires à l’augmentation de la consommation électrique.
L’écologie est le monde de l’oxymore avec en tête bien sûr le fameux « développement durable ». L’oxymore que évoquez ici : « le redressement écologique de l’industrie automobile » est un de plus. Il n’est pas mal je dois dire. Bien sûr, le fond du problème est que quelles que soient les solutions, nous ne serons jamais riches et nombreux sur cette planète,hors de cette acceptation on ne tient que des discours contradictoires. Il nous faut donc être à la fois beaucoup moins nombreux et plus frugaux. Vaste programme !