Si on veut préserver les systèmes vivants, tout ce qu’il est possible de faire ne peut être réalisé. Or, c’est bien ce principe essentiel que les grandes sociétés de biotechnologie se proposent de violer.
L’échange de gènes entre individus se produit pour les êtres sexués lors de la fécondation ; il parait très difficile, pour un homme, de faire un bébé avec un poisson. En effet les échanges sont considérablement restreints dans leurs possibilités par des mécanismes actifs qui empêchent que tout et n’importe quoi ne se produise. Pourquoi de telles restrictions qui conditionnent l’émergence des espèces, si ce n’est pour respecter un principe essentiel qui permet l’organisation. On voit bien, dès lors, qu’une différence fondamentale existe entre l’échange des gènes qui se produit naturellement, processus restreint et historique permettant une évolution structurée du système, et la création d’OGM ou n’importe quel gène ou groupes de gènes est introduit dans n’importe quel génome, à n’importe quelle place, niant ainsi, par principe, la pertinence de l’historicité et de l’évolution ! Il est bien clair que de telles pratiques, si elles devenaient fréquentes et diverses, violeraient ce principe essentiel de restriction et engendreraient nécessairement une désorganisation du système vivant dans son ensemble. De là, certes, un autre système vivant émergerait sans doute, mais il est loin d’être sûr que l’espèce humaine serait encore du voyage.
Quelle que soit la conception philosophique qu’on puisse avoir de la réalité, le sens n’existe pas tel quel dans la nature. C’est bien là, en tant que source créatrice d’un sens, que le scientifique, même le moins technicien qui soit, participe à la forme de la société et de son devenir et, ipso facto, endosse nécessairement la responsabilité bien plus profonde que simplement morale ou juridique, de sa propre intentionnalité créatrice.
extraits de Frédéric Jacquemart, dossier de l’Ecologiste n° 5 (automne 2001), Sciences et techniques, les raisons de la contestation.