Présents depuis l’origine (selon l’étymologie du mot) en Australie, les Aborigènes vivaient tranquilles depuis des millénaires sur un mode ancestral ; ils avaient trouvé un équilibre durable avec la biosphère. Mais face aux 14 000 tonnes d’uranium logées dans les terres septentrionales d’Australie, le géant du nucléaire français Areva nourrissait de grandes ambitions. Cette zone d’une douzaine de km2 avait donc été exclue du parc national de Kakadu, se retrouvant de ce fait privée de protection légale. La bataille des Aborigènes a permis de la classer l’année dernière au patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco, puis de la réintégrer pleinement, en février, au parc national.
Le propriétaire traditionnel de cette terre, Jeffrey Lee, aurait pu devenir l’homme le plus riche d’Australie s’il avait cédé à Areva. Mais il ne l’a pas fait : « Le fait que les Blancs m’offrent ceci ou cela ne m’intéresse pas. J’ai un travail. Je peux acheter de la nourriture, je peux aller pêcher et chasser. J’ai dit non aux mines d’uranium, car je crois que la terre et les croyances propres à ma culture sont plus importantes que l’exploitation minière et l’argent. L’argent va et vient, mais la terre est toujours là, subsiste toujours si nous nous en occupons, et s’occupera toujours de nous.* »
Les aborigènes pensaient qu’au Commencement était le mythe : « Avant il n’y avait pas de séparation entre la femme et l’homme, ni entre l’eau et la terre. Puis il y eut le temps fondateur qui définit les choses et les êtres, et donna aux aborigènes leur place dans le cosmos ». En s’imprégnant de l’esprit de ce mythe, les Aborigènes ont mobilisé toute leur énergie mentale et organisé leurs activités pour laisser le monde dans l’état où il était. Par contre les Blancs changent sans arrêt le monde pour l’adapter à la vision fluctuante qu’ils ont de leur présent. Biosphère nous dit : « Il y a un avenir pour le mode de pensée des Aborigènes, pas pour le niveau de vie des Blancs. »