Pratiquons la simplicité volontaire, exigeons des grands patrons de faire de même.
1/3) LE MONDE éco&entreprise du 5 mai 2015, Votre patron est-il trop payé ?
Salaire de base, bonus annuel, exceptionnel ou pluriannuel, stock-options, actions gratuites et actions fantômes, prime d’arrivée ou de présence, indemnités de départ, avantages en nature, sans oublier les fameuses retraites chapeaux… A décortiquer les « packages de rémunération » des dirigeants des grandes entreprises, on ne peut qu’avoir envie de dégueuler. L’inégalité des revenus permet à certains d’avoir une empreinte écologique démesurée alors que d’autres personnes vivent en dessous du minimum vital. Qu’est-ce qui justifie cet état de fait ? L’article du MONDE* enfile les perles :
« Personne ne conteste qu’un bon patron est quelqu’un qui peut changer le destin d’une société, et que cela se paye. » Étonnant cette affirmation, « personne ne doit contester » les hautes rémunérations. En général un « bon » patron pratique la restructuration, c’est-à-dire des licenciements. Cela dégage des marges bénéficiaires pour les actionnaires. Faut-il payer cette anomalie ? Un bon patron s’occupe du bien-être des travailleurs et de la satisfaction des clients, il ne demande pas d’être récompensé pour cela, le bonheur des autres suffit normalement à son propre bonheur.
« Quand Carlos Tavares reçoit 2,7 millions d’euros en 2014 pour avoir redressé la trésorerie disponible de PSA, personne ne s’en offusque. » Encore une fois le journaliste prend pour un fait établi que « personne ne s’offusque… ». Or ce n’est pas l’apport de capitaux propres qui redresse une trésorerie, mais « le talent » de M. Tavarès qui a eu la chance d’arriver au bon moment, celui du retournement du marché automobile en Europe et l’expansion des ventes.
Le journaliste ne se pose jamais la question de fond : D’où vient l’argent qu’on donne généreusement à une seule personne ? Aucun dirigeant d’entreprise n’a à lui seul le pouvoir de faire de l’argent. En fait il bénéficie du groupe de travail que constitue l’ensemble des travailleurs de l’entreprise. Sans personne à sa disposition, un patron n’est qu’une personne indépendante qui ne peut compter pour gagner de l’argent que sur ses propres forces, artisans et commerçants travaillent beaucoup et ne gagnent pas grand chose. L’autre aspect est le chiffre d’affaires de l’entreprise, c’est-à-dire l’apport d’argent par les consommateurs. Plutôt que de rémunérer le seul patrons sur les bénéfices, on peut aussi bien distribuer l’argent à l’ensemble du personnel ou, mieux, redonner l’argent en trop aux consommateurs en diminuant les prix de vente. D’ailleurs les montants versés aux dirigeants dépendent moins de leur « performance » individuelle que de la taille de l’entreprise. Plus l’entreprise est grande, plus sa valeur ajoutée permet les fortes rémunérations d’une seule personne… avec la bienveillance d’un conseil d’administration inféodé à ce patron.
2/3) LE MONDE éco&entreprise du 5 mai 2015, « Les bons PDG durent, les mauvais sont virés »
L’ex-PDG d’Essilor, Xavier Fontanet, estime que les rémunérations des grands patrons sont justifiées : « Les Français ne savent pas que les grands patrons sont des gens qui travaillent trois fois 35 heures par semaine. » Admettons qu’un patron travaille 15 heures par jour sept jours sur sept en rêvant la nuit à son entreprise. Donc il ne devrait être payé que trois fois la somme donné au travailleur de base de son entreprise !
Xavier Fontanet verse une larme sur les patrons qui « accumulent 750 000 km de voyage par an et portent sur leurs épaules des pressions concurrentielles intenses ». Cela veut dire qu’en plus du plaisir de voyager en avion classe luxe et hôtels 25 étoiles il faudrait aussi donner de l’argent à ce patron qui coûte déjà si cher ? Quand au burn-out, on sait tous que c’est un risque pour le travailleur de base plutôt que pour un patron qui charge ses sous-fifres du travail encombrant pour aller décompresser sur un terrain de golf.
Xavier Fontanet s’étonne : « Le salaire de nos footballeurs passe très bien dans l’opinion alors qu’une quarantaine d’entre eux gagne plus que nos PDG. » Rien d’étonnant dans un société du spectacle qui conditionne l’opinion publique à aimer ses « champions » sur les stades pour oublier leurs minables conditions de travail et les rémunérations démesurées de certains dirigeants
3/3) LE MONDE éco&entreprise du 5 mai 2015 : Etats-Unis, la rémunération des patrons plus encadrée
« La Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme des marchés financiers aux Etats-Unis, fait désormais obligation de lier la rémunération du patron à la performance de l’entreprise. » Quelle performance ? Il ne s’agit pas de durabilité des produits ou de satisfaction des consommateurs, il s’agit seulement de retour sur investissement pour les actionnaires, en clair l’évolution du prix de l’action de l’entreprise considérée. Triste définition de la performance ! Constatons qu’en 2009, un patron d’une grande entreprise aux Etats-Unis gagnait en moyenne 181 fois le salaire moyen américain. Aujourd’hui le rapport est de 257 fois. Dans le même temps, les ressources naturelles s’épuisent, la biodiversité disparaît et les températures grimpent. Que font les patrons pour éviter cela ? Rien, ils ne sont pas payés pour agir au mieux pour l’humanité et la planète. Ils volent les travailleurs, les consommateurs et l’ensemble des êtres vivants, ils devraient être traités comme des voleurs.
En savoir plus sur notre blog :
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2011/04/06/supprimons-les-inegalites-de-salaires/
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2011/04/07/supprimons-les-inegalites-de-salaires-suite/
Une lecture à faire :
Comment les riches détruisent la planète d’Hervé Kempf (Seuil, 2007)