Surtout pas de catastrophisme dans l’éducation nationale : « La prise de conscience des questions environnementales, économiques, socioculturelles doit, sans catastrophisme mais avec lucidité, aider les élèves à mieux percevoir l’interdépendance des sociétés humaines avec l’ensemble du système planétaire et la nécessité pour tous d’adopter des comportements propices à la gestion durable de celui-ci (circulaire de juillet 2004, rubrique EEDD, éducation à l’environnement et au développement durable). » Un adepte de la pédagogie de la catastrophe fait-il preuve de lucidité ? Ce n’est pas faire du catastrophisme (termes du texte officiel) que de montrer la réalité aux jeunes que nous éduquons (épuisement des ressources fossiles, choc climatique, stress hydrique, perte de biodiversité… sans compter le poids des dettes que nous léguons en France aux générations futures. La catastrophe va bientôt sonner à notre porte parce que nous aurons été beaucoup trop mous pour s’engager dans une autre voie qu’un croissancisme mortifère. Mais chut, il ne faut pas le dire aux élèves.
« L’histoire des textes officiels en dit long sur la difficulté de l’école à enseigner la transition écologique » dixit de nos jours Anne-Françoise Gibert dans LE MONDE. Apparue en France en 1977, l’éducation à l’environnement a été qualifiée à la rentrée 2019 de « transition écologique ». Mais la transversalité de l’écologie n’est toujours pas au programme, on reste sur organisation bureaucratique « un cours, une matière, un professeur, une classe ». De plus l’école française a une particularité, elle s’inscrit dans une conception de l’enseignement du « vrai »… autant dire que cette conception des savoirs scolaires s’accorde mal avec la réflexion sur l’environnement qui présuppose différents points de vue souvent contradictoires. Patrons et syndiqués peuvent même se retrouver faire cause commune contre les revendications d’ordre écologique. L’enseignement agricole est en avance. Confronté à des questions brûlantes comme les OGM, les pesticides et le bien-être animal, la réforme de 2014 « Enseigner à produire autrement » promeut l’approche agroécologique. Mais nous restons très loin d’une remise en question, au sein de l’éducation nationale, des politiques de maximisation de la production et du profit. Pour en savoir plus grâce » à notre blog biosphere, extraits :
30 mars 2019, L’éducation à l’écologie, déprimante et si nécessaire
Le temps consacré à l’enseignement en relation avec les deux enjeux vitaux à l’échelle planétaire, l’effondrement de la biodiversité et le changement climatique, apparaît très insuffisant au collège comme au lycée…
15 avril 2018, SES, l’avenir de l’écologie passera par le baccalauréat
Le problème de la réforme actuelle du bac n’est pas la suppression des filières L, SES et S**. Le problème de fond, c’est que le tronc commun comporterait les enseignements de français, philosophie, histoire-géographie, enseignement moral et civique, langues vivantes 1 et 2, éducation physique et sportive, humanités scientifiques et numériques. Tout pour les disciplines traditionnelles, rien pour l’écologie alors que cette approche systémique est la seule vraiment transversale, propre à ouvrir nos lycéens à une réflexion approfondie car globale.
1er mars 2016, BIOSPHERE-INFO : spécial « éducation à l’écologie »
La charte de l’environnement de 2005 a été inclus dans la constitution française. Son article 8 explicite clairement que « L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte. »…
23 mars 2013, L’écologie, axe central de l’éducation scolaire
Voici quelques directions à prendre :
– Faire entrer à part entière l’enseignement de la coopération dans les matières enseignées.
– Assurer des passerelles entre les formations et supprimer la hiérarchisation des métiers.
– Placer les activités manuelles, indispensables à l’équilibre général des compétences, au cœur des programmes.
– Mettre au cœur de l’enseignement des enfants, la connaissance, la compréhension, l’interaction avec la Nature.
– Enseigner les cycles du vivant et la dépendance de l’être humain à la Nature.
– Encourager les démarches de transition écologique et humaine dans les écoles de son territoire : rénovation thermiques, cantines bio, recyclage, etc. »
Éduquons nos enfants à la stoïcienne ! Pour ces philosophes il s’agit d’anticiper le pire grâce à la præmeditatio malorum, un « exercice de visualisation négative » (s’imaginer ruiné ou aveugle par exemple), et s’exercer à certaines privations volontaires (sortir en sandales en plein hiver). Se préparer aux possibles revers d’une vie imprévisible est une élégante préparation la catastrophe , l’effondrement de la société thermo-industrielle. Loin de noircir notre existence, cette attitude lui donne du relief et du prix. Ce qui trouble les humains, ce ne sont pas les faits rencontrés, mais les opinions qu’ils en ont . Travailler sur nos représentations, trouver dans le malheur une occasion de progrès intérieur, changer ce qui peut l’être, s’accoutumer à la mort, considérer à l’avance tout ce qui peut arriver comme devant arriver, cela amortit toujours le choc du malheur. Sinon il est trop tard, une fois le danger devant nous, à le supporter en toute lucidité.
Mais on préfère enseigner à nos jeunes à se servir d’une tablette.
Gageons que lorsque les événements se précipiteront , l’ apprentissage de l’ écologie et du respect de la biodiversité seront dispensés en mode suraccéléré !😂😂
Tout se résume en deux mots : Déprimante et nécessaire.
– «L’éducation à l’écologie, déprimante et si nécessaire.» (Biosphère 30 mars 2019).
Ces 12 commentaires présentent bien ce problème. L’enseignement de l’écologie à l’école ressemble plus à une parodie qu’autre chose, une sorte de formalité pour se faire croire qu’on fait ce qu’il faut. Seulement là encore que faire d’autre et comment faire mieux ?
Au sujet de ces «enseignants d’écologie», J-Claude HERRENSCHMIDT demande : «Que voulez-vous qu’ils fassent de cet enseignement ? Nourrir la mélancolie d’un temps qu’ils n’ont pas connu ? » Et il leur suggère : «Enseignez-leur les techniques de survie en milieu hostile […] Apprendre aussi à se défendre des autres humains…. »
Biosphère fait ici remarquer, au sujet de l’enseignement du «vrai»… (je ne pense pas qu’il s’agisse d’une particularité française) : «cette conception des savoirs scolaires s’accorde mal avec la réflexion sur l’environnement qui présuppose différents points de vue souvent contradictoires.» Et cela nous renvoie à nous interroger sur la place qu’ont pris les sciences dans l’enseignement, notamment les mathématiques, au détriment des humanités. Voir aussi à quoi ressemble désormais l’enseignement de la philosophie au lycée. Cette bascule n’est pas si vieille que ça, 50 ans environ. Et comme par hasard elle coïncide avec cette fuite en avant, cette sorte d’aveuglement, ce déni de réalité quasi généralisé que nous ne pouvons que déplorer.
suite du texte de Michel C après troncature à 1500 caractères, maximum impartis aux commentaires sur ce blog :
« Que faire d’autre, de mieux, à l’école ici et maintenant, en attendant ? Rien justement… du moins je ne vois pas. Dans un cadre où le rôle de l’école est de formater de futurs producteurs-consommateurs-compétitifs, l’enseignement de l’écologie c’est comme la charte éthique d’un fabricant-marchand de pesticides, c’est du flan. C’est comme la prière que ferait un mécréant au bout du rouleau, c’est de l’hypocrisie, ou de la naïveté, ou du désespoir… ou un mélange de tout ça. »