On prône au niveau économique la liberté des entreprises et le principe d’innovation contre l’intérêt des générations futures et le principe de précaution. Mais dans le domaine social, on penche pour le zéro risque au détriment de nos libertés. Voici quelques indications sur ce débat crucial, sécurité ou liberté ?
Mireille Delmas-Marty : « Le rêve du risque zéro, qu’il s’agisse de terrorisme ou de pandémie, entraîne inévitablement une surenchère, voire une sorte d’hystérie législative. Rappelons-nous le tournant sécuritaire post-11 septembre 2001. Après les discours musclés annonçant l’éradication du terrorisme, voici les discours savants sur le « Zéro Covid ». Et toujours la même obsession sécuritaire, le même rêve d’un monde sans risque, sans crime et sans maladie. Mais le rêve d’un monde parfait peut rapidement tourner au cauchemar des sociétés de la peur. D’autant plus que de nouvelles technologies ne cessent d’arriver sur le marché, offrant aux décideurs des moyens de surveillance hier inimaginables : reconnaissance faciale, géolocalisation, drones, algorithmes de reconnaissance des émotions et bientôt puçage généralisé. Je suggère d’expliciter politiquement les critères d’acceptabilité sociale des différents risques. »
F.Marin sur le monde.fr : Merci Madame Delmas-Marty ! » Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux » – Benjamin Franklin
Michel SOURROUILLE : Pour la pandémie, on aurait pu choisir politiquement l’immunité collective par acceptation d’une mortalité élevée avec périodes de quarantaines ponctuelles comme cela se faisait autrefois aux temps des épidémies. On respectait (sans en connaître le terme) le critère darwinien de sélection naturelle. On a choisi l’immunité collective par confinement généralisé et vaccination pour ainsi dire obligatoire. Mais au lieu de renforcer la résilience des populations, on provoque l’apparition de virus mutants qui veulent contourner (grâce d’ailleurs au mécanisme de sélection naturelle propre aux virus) l’obstacle vaccinal et qui se révèlent parfois plus dangereux et/ou contaminant. La question de l’acceptabilité sociale, comme l’indique Delmas-Marty, est donc essentielle. Mais l’opinion publique se formate, on aurait pu lui faire accepter un taux de létalité de 1 % si on n’était pas rentré dans une société qui veut le risque zéro à tous les niveaux, y compris les guerres zéro-morts (chez nous)
San-San : N’oublions pas que cette pandémie serait passée complètement inaperçue il y a un siècle (la grippe espagnole n’a pas fait beaucoup de bruit alors qu’elle était bien plus grave). N’oublions pas que cette pandémie ou encore les attentats divers ne sont rien à côté des ennuis qui nous attendent du fait du réchauffement climatique et de la raréfaction des ressources. Il y a de quoi s’inquiéter pour nos libertés comme pour notre sécurité.
Alioca : Je crains qu’il ne soit déjà trop tard, tant les volontés sont anéanties et les âmes anesthésiées. Je trouve qu’on ne met pas assez en avant la responsabilité historique des députés et sénateurs, représentants du peuple, qui ont abdiqué sans cesse leur/notre pouvoir en votant et revotant l’état d’urgence. Sommes-nous conscients qu’à l’heure actuelle la France est gouvernée par un « Conseil de défense » dont les délibérations sont couvertes par le Secret défense ? C’est hallucinant.
Nok nok : Tocqueville avait vu juste quand, imaginant le despotisme en démocratie, il avait prophétisé un « despotisme doux » qui couvrirait la surface de la Terre « d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour ».
Novi : Quand j’étais gosse, il y avait des gardiens de square à Paris, à qui il suffisait d’un geste pour que les malotrus se tiennent bien. Aujourd’hui, les gardiens sortent à plusieurs et ils osent à peine traverser un square.
Puisqu’il s’agit là des mesures liées au Covid et non d’une dissertation philosophique, je dirais que nous vivons une période civilisationnelle inédite, celle où la « bonne santé » de chacun et de tous, est devenue LA valeur unique.
Foin de la liberté, égalité, fraternité, vive la Santé!
Or jamais cet état d’absence de maladie (ou dirait Knock : »cette ignorance de la maladie qui dort ») était devenue ce qui unit les peuples, ravale les autres valeurs au rang de caprices, initie toute mesure politique, paralyse toute pensée personnelle et toute action rebelle.
Nous sommes dans la dictature du cocon, le policier de Guignol ne brandit plus un bâton mais un thermomètre et la terreur du « décubitus ventral en réa » remplace celle des tourments infernaux promis aux pécheurs au Moyen-Age.
Nous avons perdu notre humanité.
C’est exactement cela, on ne pourrait exprimer plus précisément ce qui est en train de se passer.
Certes la «bonne santé». Disons plutôt la forme. En forme de quoi peu importe.
Et pourquoi veut-on être en forme, à tout âge, plaire et bander jusqu’à 100 ans etc. ? Parce que je le veau bien, certes, on me l’a suffisamment répété. Mais encore ? Mais tout simplement, tout connement, parce qu’on a peur. Peur de vieillir, peur du Covid, peur du CO2, peur des pesticides, peur de ceci et peur de cela, peur de l’Autre, peur de tout et de n’importe quoi ! Et là derrière, la peur de la mort évidemment.
Même en phase terminale, aucune autre civilisation n’a jamais eu aussi peur de la mort que la notre actuellement. Nous sommes morts de trouille, nous sommes décadents jusqu’au trognon. Que peut-on attendre et espérer d’un peuple de cadavres à la renverse ?
En attendant, je vais me jeter un p’tit apéro, à votre santé et à la mienne. 🙂
A la vôtre, Michel ! et tant mieux si l’alcool ne nous permet pas de vivre jusqu’à 100 ans !
Merci Teysseire. Hips ! Ben oui, je sais bien qu’un écolo exemplaire ne doit pas boire d’alcool, parce que l’alcool tue lentement et patati et patata. Mais moi je m’en fous, je ne suis pas pressé. Hips ! 🙂
« Et là derrière, la peur de la mort évidemment.
Même en phase terminale, aucune autre civilisation n’a jamais eu aussi peur de la mort que la notre actuellement. Nous sommes morts de trouille, nous sommes décadents jusqu’au trognon. Que peut-on attendre et espérer d’un peuple de cadavres à la renverse ? »
C’est tout à fait ça, et la peur de la mort, Covid en tête, nous empêche de vivre. Mourir, on doit y passer de toutes façons, alors vivons!
Yego 01/03/2021 – 07H38 : “ Cette tribune est une synthèse remarquable et complète. Et, en tant que telle, elle ne fait donc que redire des choses que l’on sait déjà.
La question est donc avant tout : pourquoi ces constats sont-ils inaudibles ?
Et que sommes-nous collectivement devenus pour que les demandes sociales sécuritaires soient si fortes ? “
Yego a raison, en effet cette tribune ne fait que redire des choses que l’on sait déjà. Toutefois il faut continuer à le dire et le redire. Yego pose aussi les bonnes questions.
Que sommes-nous devenus ? Des morts de trouille, très probablement. Un peuple décadent.
F.Marin » Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux » – Benjamin Franklin
Vulgaire slogan ! Il n’y a pas de liberté sans sécurité, il faut juste un bon équilibre entre les deux et qu’il n’y ait aucun excès des deux, ça oui fort probablement. Aurait on le droit d’exprimer ses opinions de droite sans sécurité ? Lorgnez le comportements de la gauche dans les manifestations, voir même les propos acerbes et menaçants de ceux de gauche sur les réseaux sociaux dès lors qu’on exprime une opinion qui sort des sentiers battus de leur idéologie.
Ou encore en Afrique qui est un excellent laboratoire humain, regardons comment ça se passe dans un pays sans sécurité ou faible sécurité. Instabilité, putsch politique pour renverser le gouvernement de manière répétitive, enlèvements, vols, meurtres, émeutes, guérillas etc En outre, le commerce est faible et compromis dans un pays sans sécurité ou faible sécurité.
Dans cette fable le brave toutou est bien gras, il a la sécurité de la gamelle, seulement il a le cou pelé.
Sécurité ou liberté ? Cette question ferait un bon sujet au Bac de philo. Et là encore je me garderais d’une réponse tranchée. Ou alors, je prendrais les deux et en même temps. Plus sérieusement, déjà de quelles sécurité(s) et de quelle(s) liberté(s) parle t-on ? Remarquons qu’à part peut-être la liberté de penser, toutes nos autres libertés sont soumises à des limites. C’est donc là encore une question de juste mesure.
S’il s’agit, par exemple, de réduire notre (sacro-sainte) liberté d’expression (celle qui nous permet de dire n’importe quoi), afin d’éviter que se déchaîne une certaine violence… alors je pense que ça mérite réflexion. La question est donc de savoir jusqu’où nous pouvons (ou devons) sacrifier certaines libertés pour l’intérêt commun. Mais encore faut-il déjà là avoir défini l’intérêt commun, ainsi que l’intérêt des générations futures.
Exemple : Le traçage, la surveillance, la puce électronique… toutes ces technologies sensées nous faciliter la vie, nous protéger du Covid, et en même temps du terrorisme, de ceci et de cela… vont-elles dans le sens de l’intérêt commun ?
Bref, il y a là de quoi en remplir des pages et des pages.
Par contre si on aborde la liberté des entreprises…. le principe d’innovation contre l’intérêt des générations futures et le principe de précaution (sic)… là ça dépend tout simplement du côté où on se place.
Le libéral défendra toujours la liberté du renard dans le poulailler, et en même temps la liberté du con-sot-mateur de pouvoir choisir entre 500 modèles de bagnoles, de smartphones, de vaccins etc.
Bref, libéral ou libre penseur, choisis ton camp camarade ! 🙂
Pour ma part, je fais miens les propos de Michel Sourrouille et de Nok Nok (et donc de Tocqueville), ils ont tout compris.
Benjamin Franklin avait raison aussi et Churchill lui même avait dit quelque chose de proche quand il avait affirmé que nous avions choisi le déshonneur pour éviter la guerre et que… nous aurions la guerre. Nous avons choisi de sacrifier la liberté… et nous aurons toujours l’épidémie.
La liberté c’est sacré !