L’ancien footballeur Lilian Thuram, avec sa fondation Education contre le racisme, voudrait que tout le monde sache qu’il n’y a qu’une seule race – l’Homo sapiens – et que tous nos ancêtres sont communs et viennent d’Afrique » (Le Monde du 4 février). Il est sûr que cela résoudrait grandement le problème du racisme. Mais le racisme actuel est beaucoup plus subtil.
La biologie et la génétique ont supprimé toute base objective aux stéréotypes liés à l’apparence. Les premières études sur les groupes sanguins menées à partir de 1914 montraient que leur répartition en Europe n’obéissait à aucune logique raciale. Depuis, les analyses effectuées un peu partout dans le monde démontrent que les caractères génétiques ainsi que les groupes sanguins, les groupes d’histocompatibilité comme les facteurs enzymatiques sont présents dans la totalité des populations. Blanc ou Noir, une proportion différente de mélanine, pas plus. La dispersion géographique de notre ancêtre commun africain n’a commencé qu’il y a 150 000 ou 200 000 ans, pas assez pour se diversifier biologiquement de manière significative.
Mais dans le discours des racistes modernes, ce ne sont plus les races qui sont déclarées incompatibles ou inégales, ce sont les coutumes, les croyances et dorénavant le marché de l’emploi. Le racisme n’est plus lié aux gènes, mais à l’ethnie ou à la nationalité. Dans le même numéro du Monde, les grèves sauvages se répandent en Grande-Bretagne contre l’emploi de main d’œuvre étrangère en ces temps de récession. « UK jobs for British Workers » est même devenu le slogan porté par le Premier ministre Gordon Brown. Alors on met en place la ségrégation même contre d’autres travailleurs européens, des Italiens, des Portugais ou des Polonais.
Contre l’enfermement planétaire sur une Terre devenue trop petite, la résurgence xénophobe se généralise ; le racisme avance masqué. Il semble certain que les migrations massives sont derrière nous, tous les écosystèmes sont occupés et pillés. Chaque peuple devra gérer son propre territoire dans des frontières difficilement définissables : malgré notre unité d’homo sapiens, les lendemains s’annoncent sombres.