Surpopulation en Corée du nord et du sud

Une situation alimentaire inquiétante en Corée du Nord. Pas étonnant, c’est une dictature, en système démocratique personne ne meurt de faim. Mais c’est un régime autocratique de grand-père à petit-fils parce que c’est aussi un pays surpeuplé.

Philippe Mesmer : Le 27 février 2023, le dirigeant Kim Jong-un a appelé à un « développement stable et durable » de l’agriculture.dans un pays frappé, au cœur des années 1990, par une famine responsable de plusieurs centaines de milliers de victimes. Aujourd’hui on parle de personnes décédées de malnutrition dans « certaines régions ». La Corée du Nord a besoin d’environ 5,5 millions de tonnes de céréales pour nourrir ses 25 millions d’habitants. Les récoltes n’auraient pas dépassé 4,51 millions de tonnes en 2022. Kim Jong-un ne peut pas faire progresser son programme nucléaire sans résoudre le problème alimentaire, qui menace le soutien de l’opinion publique. Dès son premier discours public en 2012, Kim Jong-un promettait que la population n’aurait « plus jamais à se serrer la ceinture ». Pyongyang tablerait désormais sur l’importation de grandes quantités de riz et de farine en provenance de la Chine … mais le quotidien officiel Rodong Sinmun comparait, le 20 février, l’aide étrangère à un « bonbon empoisonné ».

Le point de vue des écologistes malthusiens

Notons d’abord que les missiles nucléaires ne se mangent pas. Et que des Coréens morts de faim ou des russes morts en Ukraine n’ont aucun moyen de se révolter. Dans un régime totalitaire, la famine est une constante : Holodomor pendant les années 30 en URSS, famines en Chine maoïste pendant les années 50 et 60, famine au Cambodge des Khmers rouges, famine au Venezuela. Notons aussi que le pays est en grande partie montagneux, les parties agricoles sont plutôt concentrées en Corée du Sud. Un écosystème donné est surpeuplé lorsqu’il n’arrive pas à satisfaire les besoins de sa population.

La densité en Corée du nord est de 215 hab./km² (99 en 1961) alors que la moyenne mondiale est de 60. Lors de la fin de la domination japonaise en 1945, la péninsule Coréenne avait 30 millions d’habitants, dont 9 millions en Corée du Nord qui passe à 26 millions aujourd’hui. Une multiplication par presque 3. Une telle progression exponentielle ne peut qu’entraîner des effets collatéraux. En particulier la surpopulation fait le lit des dictateurs. Malthus au début du XIX siècle faisait déjà cette analyse : 

« La multitude qui fait les émeutes est le produit d’une population excédante. Tant qu’il sera au pouvoir d’un homme mécontent et doué de quelque pouvoir d’agiter le peuple, de lui persuader que c’est au gouvernement qu’il doit imputer les maux qu’il s’est lui-même attiré, il est manifeste qu’on aura toujours de nouveaux moyens de fomenter le mécontentement et de semer des germes de révolution. Après avoir détruit le gouvernement établi, le peuple, toujours en proie à la misère, tourne son ressentiment sur ceux qui ont succédé à ses premiers maîtres. Cette multitude égarée est un ennemi redoutable de la liberté, qui fomente la tyrannie ou la fait naître. Si les mécontentements politiques se trouvaient mêlés aux cris de la faim, et qu’une révolution s’opéra par la populace, en proie aux besoins d’être nourrie, il faudrait s’attendre à des excès de tout genre qui ne pourraient être contenus que par le despotisme absolu. »

N’oublions pas de parler de la république de Corée au Sud qui semble riche de prouesses technologiques, mais aussi du poids du nombre. 21 millions d’habitants en 1945, 53 millions aujourd’hui et 531 hab./km², une des plus fortes densités mondiales. La population régresse certes ces deux dernières années, mais il ne faut certainement pas craindre d’arriver à zéro rapidement !

La Corée du sud nourrit son peuple, produit beaucoup, et même du cinéma, c’est un pays créatif … mais son intégration dans le circuit économique international fait sa faiblesse. En cas d’effondrement de la société thermo-industriel, Il faudra alors compter principalement sur ses seules forces. Le poids de l’urbanisation sera son talon d’Achille. Le nombre de citadins : 28 % de la population en 1961, on dépasse 90 % aujourd’hui. Séoul est une énorme mégalopole de 26 millions de personnes. Pour toute ville, la densité est subventionnée. Les villes ont été de tous temps subventionnées par les campagnes, ce qui leur permet d’atteindre une densité de population beaucoup plus élevée. Ce qui fait qu’on est très loin en Corée et dans ses villes de l’autonomie alimentaire. Un système semi-démocratique ne protège pas des tensions à venir…

Nos articles antérieurs sur ce blog biosphere

Densité écologique et densité subventionnée

Dénatalité en Corée du Sud, un Bien et non un Mal (décembre 2012)

 

2 réflexions sur “Surpopulation en Corée du nord et du sud”

  1. – « La multitude qui fait les émeutes est le produit d’une population excédante. Tant qu’il sera au pouvoir d’un homme mécontent et doué de quelque pouvoir d’agiter le peuple, de lui persuader que c’est au gouvernement qu’il doit imputer les maux qu’il s’est lui-même attiré, il est manifeste qu’on aura toujours de nouveaux moyens de fomenter le mécontentement et de semer des germes de révolution. [etc.] » (Malthus)

    C’est sûr que Malthus n’avait rien d’un révolutionnaire, lui aussi ne jurait que par l’Ordre Établi. Pour moi, la multitude qui fait les émeutes (multitude à mon goût jamais assez nombreuse) est avant tout le produit d’une exaspération. Ce ras le bol peut avoir plusieurs causes, et là encore il faut vraiment être borné pour n’en voir qu’une.
    Les injustices, les inégalités, les atteintes aux libertés et le mépris du peuple ont toujours fini par engendrer des révoltes. Et ce quel que soit le nombre.

  2. Didier BARTHES

    C’est quand même une densité moitié moindre que la Corée du Sud,
    Quand on pense qu’au sud, certains s’inquiètent d’une baisse de la population alors qu’ils sont dans une situation aberrante du point de vue écologique
    Que cette remarque ne soient pas prise pour une atténuation de la situation démographique et démocratique catastrophique chez son voisin du Nord.

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