un animal débile (suite)

Sommes-nous prêt à électrocuter un inconnu pour les besoins d’un jeu télévisé ? Oui, d’après les résultats d’une expérience ingénieuse. Pour cette variante de l’expérience de Stanley Milgram, réalisée en 2009, 80 volontaires sont recrutés pour un pseudo-nouveau-jeu, « La zone Xtrême ». Encouragé par l’animatrice Tania Young (« Nous assumons toutes les conséquences ») et un public frétillant (« Châ-ti-ment ! Châ-ti-ment ! »), chaque candidat doit électrocuter un inconnu, invisible mais audible, à chaque erreur commise lors d’une épreuve de mémoire verbale. Le voltage augmente au fil des décharges électriques. Aucun des tortionnaires ne sait que sa victime est en réalité un comédien. 82 % des candidats du jeu télévisé iront jusqu’au bout, à la stupéfaction des scientifiques. Que l’émission soit présentée comme destinée au grand public ou uniquement réservée à des directeurs de programmes, les résultats sont identiques. Les candidats sont tiraillés entre l’obéissance à la règle (« je me suis engagé à jouer ce jeu ») et leurs valeurs morales (« Je ne peux pas faire souffrir cet homme »). Pour l’écrasante majorité, la docilité prime. Pour le téléspectateur, ce constat est aussi une forme d’électrochoc. (Jusqu’où va la télé, série documentaire en deux parties, présentée par Sciences humaines de mars 2010)

Pour la biosphère, ce tortionnaire blotti en chacun de nous est une mauvaise nouvelle. Comme les humains sont prêts à faire n’importe quoi les uns par rapports aux autres, autant dire que la planète, ils s’en foutent complètement…

7 réflexions sur “un animal débile (suite)”

  1. pour compléter les remarques de Ferdinand :
    Si les cobayes de Milgram ont poussé si loin le curseur, c’est parce qu’ils se savaient sous tutelle de la science en laquelle ils avaient foi. La dépendance actuelle des individus face aux ordres donnés par le système médiatique (télévision, publicité, etc.) nous semble plus important que du temps de Milgram. En effet, faisant croire aux « sujets » qu’ils sont libres de leurs choix, il rend encore plus difficile la distanciation par rapport à un (« son ») comportement voulu socialement. On est plus facilement soumis en 2010 que dans les années 1960, alors influencées par la contre-culture et l’esprit de révolte.

    Toutes les conditions d’un écolo-fascisme qui fera marcher au pas les masses tout en continuant à octroyer des privilèges à une minorité nous paraît de plus en plus probable. Ce ne sera pas le social-écologisme que nous appelons de nos vœux sur ce blog.

  2. pour compléter les remarques de Ferdinand :
    Si les cobayes de Milgram ont poussé si loin le curseur, c’est parce qu’ils se savaient sous tutelle de la science en laquelle ils avaient foi. La dépendance actuelle des individus face aux ordres donnés par le système médiatique (télévision, publicité, etc.) nous semble plus important que du temps de Milgram. En effet, faisant croire aux « sujets » qu’ils sont libres de leurs choix, il rend encore plus difficile la distanciation par rapport à un (« son ») comportement voulu socialement. On est plus facilement soumis en 2010 que dans les années 1960, alors influencées par la contre-culture et l’esprit de révolte.

    Toutes les conditions d’un écolo-fascisme qui fera marcher au pas les masses tout en continuant à octroyer des privilèges à une minorité nous paraît de plus en plus probable. Ce ne sera pas le social-écologisme que nous appelons de nos vœux sur ce blog.

  3. La note de Milgram est en elle-même particulièrement édifiante et révèle très exactement l’argumentaire auquel le sujet a recours de façon systématique lorsqu’il s’agit de légitimer ses actes : 1)  » absorbés par les aspects techniques de leur tâche », 2) « tellement soucieux de se montrer dignes de ce que l’autorité attendait d’eux »
    C’est, à la lettre, les raisons invoquées à chaque fois par les criminels de guerre.  » Ce n’est pas moi, mais le système qui décidait… »,  » Je ne faisais qu’obéir aux ordres… »,  » Personnellement je ne m’occupais que de la gestion du transport… »,  » Moi ? Je ne faisais que fermer les portes des trains, changer les aiguillages, tamponner tel papier.. » etc. Jusqu’à la nausée.
    Cela dit combien de fois dans notre si glorieuse démocratie n’entend-on pas les mêmes arguments, les mêmes inepties, pour faire appliquer des règles absurdes ou légitimer des pratiques marchandes abusives.  » Vous avez raison, monsieur, mais ce n’est pas moi qui suis responsable. » En gros, bien que l’individu s’estime libre il n’est toujours soi-disant qu’en situation d’obéir aux ordres. Ordres émanant de responsables que l’on ne verra bien évidemment jamais sur le devant de la scène, ou que vous n’aurez jamais au bout du fil en cas de litige. Lors de la récente crise économique aucun banquier n’est venu s’expliquer publiquement, aucun n’a jugé utile d’argumenter ses pratiques. Un bon fusible  » kerviel », y’a rien de mieux; ça calme la populace et ne remet nullement en cause les mécanismes qui ont provoqué un tel désastre. Ni responsables, encore moins coupables donc.

  4. Quelques précision sur l’expérience au début des années 1960 du psychosociologue Stanley Milgram qui montre la banalité du mal.
    L’analyse du processus de soumission a eu lieu dans un laboratoire de psychologie : un américain moyen recruté par petites annonces est prié, dans le cadre de prétendues recherches sur la mémoire, d’infliger à un élève des punitions de plus en plus sévère grâce à des décharges électriques allant de 15 à 450 volts. Un acteur professionnel tient le rôle de « l’élève » : il gémit à 75 volts, il supplie qu’on le libère à 110 volts, à 286 volts, sa seule réaction est un cri d’agonie. Près des deux tiers des individus administrèrent pourtant les chocs les plus élevés, non pour assouvir des tendances particulièrement agressives, mais parce que l’idée qu’ils avaient de leurs obligations les y contraignait moralement. Stanley Milgram, note : « Ils étaient tellement absorbés par les aspects techniques de leur tâche et tellement soucieux de se montrer dignes de ce que l’autorité attendait d’eux que l’aspect inhumain et odieux de l’expérience leur échappait. » Ce test de Milgram montre que la clef de notre comportement n’est pas à chercher dans un sadisme latent, mais dans notre soumission à l’autorité même dans une société comme les Etats-Unis qui a vécu pleinement la démocratie dès le XIXe siècle (tout en déniant aux noirs l’exercice de leurs droits civiques).

    Cette sauvagerie du respect absolu des règles se retrouve dans l’idolâtrie de la croissance économique qui transforme tout travailleur en consommateur effréné destructeur des équilibres de la Biosphère. L’exercice de l’écocitoyenneté passe donc par un processus de ré-éducation permanente qui combat un processus de soumission à l’ordre marchand. Il n’est pas besoin d’être un héros pour pratiquer la simplicité volontaire…

  5. Quelques précision sur l’expérience au début des années 1960 du psychosociologue Stanley Milgram qui montre la banalité du mal.
    L’analyse du processus de soumission a eu lieu dans un laboratoire de psychologie : un américain moyen recruté par petites annonces est prié, dans le cadre de prétendues recherches sur la mémoire, d’infliger à un élève des punitions de plus en plus sévère grâce à des décharges électriques allant de 15 à 450 volts. Un acteur professionnel tient le rôle de « l’élève » : il gémit à 75 volts, il supplie qu’on le libère à 110 volts, à 286 volts, sa seule réaction est un cri d’agonie. Près des deux tiers des individus administrèrent pourtant les chocs les plus élevés, non pour assouvir des tendances particulièrement agressives, mais parce que l’idée qu’ils avaient de leurs obligations les y contraignait moralement. Stanley Milgram, note : « Ils étaient tellement absorbés par les aspects techniques de leur tâche et tellement soucieux de se montrer dignes de ce que l’autorité attendait d’eux que l’aspect inhumain et odieux de l’expérience leur échappait. » Ce test de Milgram montre que la clef de notre comportement n’est pas à chercher dans un sadisme latent, mais dans notre soumission à l’autorité même dans une société comme les Etats-Unis qui a vécu pleinement la démocratie dès le XIXe siècle (tout en déniant aux noirs l’exercice de leurs droits civiques).

    Cette sauvagerie du respect absolu des règles se retrouve dans l’idolâtrie de la croissance économique qui transforme tout travailleur en consommateur effréné destructeur des équilibres de la Biosphère. L’exercice de l’écocitoyenneté passe donc par un processus de ré-éducation permanente qui combat un processus de soumission à l’ordre marchand. Il n’est pas besoin d’être un héros pour pratiquer la simplicité volontaire…

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