C’est un scénario parmi d’autres. Pour un monde parmi d’autres. Il contient une part de rêve ? J’en conviens. Mais il est important de rêver. Et pourquoi ne prendrait-on pas ses rêves pour des réalités ?
– L’économie d’équilibre est une économie régulée, au sens cybernétique du terme. Certains secteurs peuvent passer par des phases de croissance ; d’autres sont maintenus à l’équilibre dynamique ; et d’autres encore à un taux de croissance « négative ».
– A la différence des sociétés industrielles structurées « du haut vers le bas », l’écosociété s’est construite du « bas vers le haut ». A partir de la personne et de sa sphère de responsabilités : par la mise en place de communautés d’utilisateurs.
– La consommation en énergie est maintenue au niveau où elle se trouvait au début des années 1980. Ce n’est pas l’austérité monacale, l’énergie est mieux répartie, mieux économisée, plus efficacement utilisée.
– Le taux de naissance est maintenu au taux de renouvellement de la population ; laquelle se maintient à l’état stationnaire.
– La création de filières de récupération a permis de reconnecter les cycles correspondants au métabolisme de l’organisme social avec les cycles naturels de l’écosystème.
– L’écosociété est décentralisée, communautaire, participative. L’écosociété repose sur le pluralisme des idées, des styles et des conditions de vie.
– C’est une société « rurale », intégrée par un réseau de communication extraordinairement développé. Ce réseau permet d’éviter les déplacements inutiles. Beaucoup de gens travaillent chez eux.
– Alors que la maîtrise de la mégamachine, sécrétée par les sociétés industrielles, exigeait une sur-éducation, l’enseignement de l’écosociété est considérablement réduit. Il est à la fois plus global, plus pratique et plus intégré à la vie.
– L’assistance médicale mutuelle est réalisée à grande échelle. On consomme moins de médicaments, on fait moins appel aux médecins. On cherche plus à stimuler les défenses naturelles de l’organisme, qu’à agir de « l’extérieur » à coups de substances chimiques.
– Des programmes de mise en route de nouvelles centrales nucléaires ont été abandonnés. La décentralisation des moyens de transformation de l’énergie a conduit à l’exploration de nouvelles sources. Mais ce sont surtout les économies d’énergie et la lutte généralisée contre le gaspillage qui ont permis de stabiliser la consommation en énergie.
– La transparence de l’écosociété conduit à faire jouer deux motivations à l’action, la compréhension de l’utilité de son geste et le sens de la responsabilité sociale.
– Les produits manufacturés sont plus robustes, plus faciles à réparer. Ce qui revitalise toutes sortes d’activités d’entretien et de réparation. L’artisanat renaît vigoureusement.
– L’écosociété, c’est aussi l’explosion du qualitatif et de la sensibilité.
– Une bioéthique renforce la nouvelle morale de l’écosociété.
– Les personnes âgées participent à la vie sociale ; elles sont l’objet du respect et de la considération. La mort est acceptée, réintégrée à la vie.
– Ecosocialisme, écosociété, écocitoyen, écoparlement… Le préfixe « éco » symbolise la relation étroite entre l’économie et l’écologie.
– L’avènement de l’écosociété s’est déroulé en trois grandes étapes, l’économie de survie (société primitive), l’économie de croissance (société industrielle) et l’économie d’équilibre (société postindustrielle ou écosociété).
Joël de ROSNAY
Le macroscope, vers une vision globale (Seuil, 1975)