Acteur absent (ou tiers absent), acteur qui ne peut prendre la parole lors d’une négociation, ou qui n’est pas invité à la table des négociations. EXEMPLE : milieu naturel, êtres vivants non humains, générations futures. (Dictionnaire du développement durable, AFNOR 2004). Nous essayons de polariser sur ce blog cette notion, ainsi notre article « La démocratie représentative élargie aux acteurs absents ». Nous sommes heureux de lire dans LE MONDE que nous pouvons appliquer cette notion à la démocratie participative. Sauf que les acteurs absents sont appelé ici « les affectés ».
« L’annonce par François Hollande d’un référendum local pour décider de l’avenir du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (est une nouvelle preuve qu’il n’y a jamais eu de virage écologique au sein de l’exécutif. C’est le choix d’une procédure qui tente de réduire à un banal conflit local ce qui est aussi la cristallisation d’un enjeu global. Contre ce projet, les opposants ont souvent dénoncé la destruction de l’environnement local. Dans le même temps, ils n’ont eu de cesse de dénoncer la contribution de cette destruction locale à l’érosion globale de la biodiversité. De même, ils n’ont cessé de dénoncer la contribution du développement du trafic aérien au réchauffement global. C’est l’un des traits les plus particuliers de la pensée écologiste que de toujours s’efforcer de mettre au jour les interactions entre le local et le global. Chercher ce que serait une démocratie écologique, c’est accepter l’idée que l’irruption de la crise écologique globale nous contraint à réévaluer nos théories et routines.
Dans les années 2000, la politologue australienne Robyn Eckersley a tracé les grands traits de ce que serait une «démocratie pour les affectés» : une démocratie qui prêterait attention aux intérêts de toutes les parties potentiellement affectées par la décision. Au moins trois catégories d’affectés se trouvent, de fait, exclus par le choix du président Hollande. L’ensemble des humains vivant aujourd’hui sur cette Terre commencent d’ores et déjà à subir les effets très concrets du réchauffement global. Rappelons que plusieurs milliards de personnes sur Terre n’ont jamais pris l’avion et ne mettront jamais les pieds à Notre-Dame-des-Landes. Ils n’en subissent pas moins les canicules, sécheresses, ouragans, inondations et autres phénomènes extrêmes que le projet d’aéroport se propose d’accentuer. Faire le choix du référendum local, c’est oublier sciemment la dimension globale des conséquences de l’aéroport, en excluant du processus décisionnel tous ceux qui subissent les effets du réchauffement sans tirer aucun bénéfice du transport aérien. Il y a aussi les générations futures, qui subiront plus encore les conséquences du réchauffement global. Faire le choix du référendum local, c’est oublier la dimension transgénérationnelle du bouleversement en cours, sans souci des générations qui vivront les effets monstrueux du transport aérien longtemps encore après l’épuisement des énergies fossiles. Enfin, il y a les non-humains. Les sociétés thermo-industrielles, mues par l’utilisation massive des énergies fossiles, se sont engagées sur la voie d’une nouvelle extinction de masse à l’échelle planétaire, dont les causes comptent à la fois la dégradation des habitats et le réchauffement global.
Le référendum local n’est pas un dispositif suffisant pour donner corps à une démocratie écologique. »
* LE MONDE du 26 février 2016, Notre-Dame-des-Landes : « Ce référendum relève de l’aberration écologique »