Une société contre-productive

LE MONDE économie* estime qu’il y a contre-productivité dans les supermarchés. En fait notre société tout entière est contre-productive, quelques exemples :

– Nous avons plus de diplômes mais moins de bon sens ; plus de connaissances mais moins de jugement; plus d’experts, mais de plus en plus de problèmes ; plus de médicaments mais moins de santé. Nous multiplions les appareils de communication, mais nous avons moins de communication réelle. C’est une époque où il y a beaucoup en vitrine, mais rien à l’intérieur.

– L’éducation est totalement inadéquate en regard de la Transition qui s’annonce. Les jeunes sortent de l’école sans être préparés à faire face aux besoins pratiques d’un monde beaucoup moins abondant en énergie. Ils ne savent rien en construction, en cuisine, en jardinage ou en réparation.

– Les systèmes de production locaux ont été systématiquement et inflexiblement dénigrés et sapés au cours des soixante dernières années. Pourtant tout au long de l’histoire, il  a été plus sensé de produire localement tout ce qu’on pouvait et d’importer les biens de luxe et les quelques choses que l’on était incapable de produire soi-même.

– Les économies indigènes durables n’expédient pas leurs fruits et légumes par fret aérien. Quand une région se met à faire ça, il y a belle lurette que les fermiers indigènes sont partis, expulsés de la terre aux fins de l’agriculture intensive orientée vers l’exportation.

– Des substituts au pétrole conventionnel ? Les sables bitumineux, c’est un peu comme arriver au pub et s’apercevoir qu’il n’y a plus de bière ; seulement votre désir de prendre un verre est tellement impérieux que vous vous mettez à imaginer qu’au cours des trente ans que ce pub a été en affaires, l’équivalent de 5000 pintes ont été reversées sur le tapis ; aussi inventez-vous un procédé pour bouillir le tapis afin d’en extraire la bière. C’est là l’acte futile et désespéré d’un alcoolique incapable d’imaginer la vie sans l’objet de sa dépendance.

(Rob Hopkins, manuel de transition)

* LE MONDE du 17 janvier 2012, à la source de la contre-productivité

2 réflexions sur “Une société contre-productive”

  1. Salut camarade. A propos de la contre-productivité, Illich a écrit un bouquin a ce sujet je crois, tu sais lequel ?

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    1. Bonjour Konovalovsk
      Pour satisfaire à ta demande, Postface à Némésis médicale (1992) :
      « Ce que j’enseigne, c’est l’histoire de l’amitié, l’histoire de la perception sensorielle et l’art de souffrir. J’étudie ce que dit la technique plutôt que ce qu’elle fait. Je voudrais distinguer entre ceux qui désirent des services plus nombreux, meilleurs, moins chers pour plus de gens, et d’autres qui veulent poursuivre des recherches sur les certitudes pathogènes qui résultent du financement des rituels de soins de santé.
      Dans Némésis, j’ai pris la médecine de 1970 et l’ai étudiée avec une méthode démontrant l’efficacité paradoxalement contre-productive implicite dans des techniques disproportionnées. Je l’étudiais comme une entreprise prétendant abolir la nécessité de l’art de souffrir par une guerre technique contre une certaine détresse. La médecine m’apparaît comme le paradigme d’une mégatechnique visant à vider la condition humaine du sens de la tragédie. Un quart de siècle plus tard, je reste satisfait de la rhétorique de Némésis. Ce livre a ramené la médecine dans le champ de la philosophie. Le système moderne de soins médicaux a transformé une autoception culturellement façonnée par une image de soi iatrogène. L’enjeu en était le remplacement de l’homme-acteur par l’homme considéré comme patient nécessiteux. »
      Ivan ILLICH (La perte des sens, Fayard, 2004)

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