En 2007, les démographes ont annoncé que plus de la moitié des Homo sapiens vivaient en ville. Le nombre d’agglomérations comptant entre 500 000 et 10 millions d’habitants avait doublé, passant de 420 à 849. Chaque jour qui passe, 110 kilomètres carrés de la Terre – soit un peu plus de la superficie de Paris – se transforment en morceaux de ville. Est-ce durable ? L’histoire nous dit que la ville n’est illusion, la sociologie nous dit que la ville est un concentré d’inégalités, l’écologie nous dit que 5 milliards d’urbains en 2030 c’est carrément impossible.
Prenons la première ville, Ourouk*, découverte au milieu du XIXe siècle dans le sud de l’Irak. Elle faisait au minimum 250 hectares au IVe millénaire et 590 hectares au début du IIIe millénaire. Il n’y avait rien de comparable à l’époque, nulle part sur la planète. Elle abritait plusieurs dizaines de milliers de personnes. Puis se sont succédé des phases de conflits et Ourouk a été définitivement délaissée par les hommes dans les premiers siècles de notre ère. Ce phénomène de régression porte le nom d’involution. La première ville de l’histoire avait brillé pendant des millénaires, elle est retournée au quasi-néant, lentement recouverte par les sables du désert. Image de la destinée urbaine ! La ville est de toute façon la marque des inégalités sociales. La ville antique était un lieu qui rassemblait une population déjà découpée socialement, avec des élites et la spécialisation du travail (artisans, marchands, administratifs, etc). Des bâtiments de prestige à usage religieux ou institutionnel contribuent à la cohésion identitaire et à l’ordre social. Cette hiérarchie du bâti est aussi une marque distinctive de la ville. Les puissants contrôlent l’approvisionnement alimentaire et les échanges à moyenne ou longue distance. Après la Mésopotamie et l’Egypte, des villes apparaissent un peu partout, sur l’Indus, en Chine, en Amérique du Sud. Toutes ces émergences sont étroitement liées à de rapides accélérations vers une pyramide sociale renforcée et la nécessité pour les dominants de mobiliser à leur service une administration, une police et un clergé. La première étape vers la bureaucratisation, c’est l’écriture. Elle permet d’archiver de comptabiliser les richesses, d’énoncer des règles, d’afficher des propriétés. Aujourd’hui dans les pays démocratiques, l’inégalité formelle se masque derrière les barres d’immeubles et la voiture (le métro) pour tous. Mais les mégalopole restent toujours à la merci d’une rupture des approvisionnements.
Raisonnez en termes d’empreinte écologique. La vie dans les grandes villes brise les cycles naturels et nous coupe de notre lien intime avec la nature. Nous vivons dans des cités où nous oublions facilement que la nature travaille en cercles fermés. Nous allons au magasin pour acheter des aliments que nous payons avec de l’argent tiré du guichet automatique d’une banque et, ensuite, nous nous débarrassons des détritus en les déposant dans une ruelle ou en les jetant à l’égout. … Imaginons ce qui arriverait à n’importe quelle ville si elle était enfermée sous une coupole de verre qui empêcherait les ressources matérielles nécessaires d’entrer et de sortir. Il est évident que cette ville cesserait de fonctionner en quelques jours et que ses habitants périraient… Ce modèle mental d’une coupole de verre nous rappelle assez brutalement la perpétuelle vulnérabilité écologique de l’espèce humaine. Nous sommes bien conscients que les grandes régions urbaines industrielles posent un énorme problème en termes de durabilité, même fondée en partie sur l’autosuffisance régionale accrue. Notre avenir, retourner à la ruralité, à la relocalisation, aux communautés de résilience ! Cela ne sera pas facile…
* LE MONDE archéologie du 24 janvier 2018, et l’humanité inventa la ville
C est une des questions que je me pose …
Pourquoi les indiens d Amérique du Nord étaient relativement stables et « originel » Alors que leurs cousins d Amériques central et du sud sont tombés dans la folie des grandeurs civilisationnel et qu il étaient déjà en décadence en 1492
Est ce une densité de population trop importante qui génère des tentions , des prétentions territorial , des autoritarismes, une fuite en avant dans la conquête , l exploitation en tout genre .
Bonjour Baumgartner
Depuis 1830/1840 dites-vous ? Je pense que nous pouvons remonter un peu plus loin, ne serait-ce que pour voir ou revoir ce que disaient Platon et Aristote. Et pourtant à leur époque Athènes ne comptait pas 3,8 millions d’habitants comme aujourd’hui, et je n’ose imaginer ce qu’ils auraient pensé de Tokyo qui en compte 37 millions.
Mais justement c’est l’occasion de citer le livre d’Olivier Rey « Une Question De Taille, au pays de l’hubris roi » (2014).
D’ailleurs Biosphère connaît ce livre et il nous en fait un bon résumé :
– L’enseignement de Leopold Kohr : « Il semble qu’il n’y ait qu’une seule cause derrière toutes les formes de misère sociale : la taille excessive. Partout où quelque chose ne va pas, quelque chose est trop gros. »
– L’enseignement d’Ivan Illich : « ce qui importe n’est pas le plus petit, mais le proportionné. »
– La démesure technologique , etc.
Je suis convaincu que Kohr, Illich, Ellul et bien d’autres étaient dans le VRAI. Il n’empêche que leurs enseignements n’ont pas servi à grand chose, pour ne pas dire à rien. Et j’adhère totalement à la conclusion de Biosphère.
http://biosphere.ouvaton.org/bibliotheque-2014-et/2816-2014-une-question-de-taille-d-olivier-rey
https://bancduvillage.wordpress.com/2014/12/14/partout-ou-quelque-chose-ne-va-pas-quelque-chose-est-trop-gros/
Bonjour Baumgartner
Depuis 1830/1840 dites-vous ? Nous pourrions remonter beaucoup plus loin et voir ou revoir ce que disaient Platon et Aristote. Et pourtant à leur époque Athènes ne comptait pas 3,8 millions d’habitants comme aujourd’hui, et je n’ose imaginer ce qu’ils auraient pensé de Tokyo qui en compte 37 millions.
Mais justement c’est l’occasion de citer le livre d’Olivier Rey « Une Question De Taille, au pays de l’hubris roi » (2014).
D’ailleurs Biosphère connaît ce livre et il nous en fait un très bon résumé :
– L’enseignement de Leopold Kohr : « Il semble qu’il n’y ait qu’une seule cause derrière toutes les formes de misère sociale : la taille excessive. Partout où quelque chose ne va pas, quelque chose est trop gros. »
– L’enseignement d’Ivan Illich : « ce qui importe n’est pas le plus petit, mais le proportionné. »
– etc.
Je suis convaincu que Kohr, Illich, Ellul et bien d’autres étaient dans le VRAI. Mais il n’empêche que leurs enseignements n’ont pas servi à grand chose. Et j’adhère totalement à la conclusion de Biosphère.
http://biosphere.ouvaton.org/bibliotheque-2014-et/2816-2014-une-question-de-taille-d-olivier-rey
https://bancduvillage.wordpress.com/2014/12/14/partout-ou-quelque-chose-ne-va-pas-quelque-chose-est-trop-gros/
Depuis 1830/1840 je pense que tout à été dit et écrit sur la nocivité des villes et particulièrement des grandes villes qui comme des pustules ne cessent de s étendre.
Pour avoir beaucoup discuter avec des Parisiens , je dirais que dans la plupart des cas pour pas dire dans l immense majorité , le mode de vie urbain/parisien est subi pour des impératifs professionnels .
Il est évident que les villes ne peuvent se développer indéfiniment, comme pour tout là aussi il y a des limites. Hélas il n’est pas toujours facile de voir où sont ces limites, mais avec des villes (agglomérations) de 10 millions d’habitants nul doute que nous sommes là dans la démesure.
Les problèmes liés à cette démesure sont de divers ordres, mais ils se retrouvent pris dans cette complexité inhérente à la croissance. Plus la chose (le système, l’organisation, la ville) grossit, plus elle devient complexe. D’autant plus complexe lorsque son organisation repose sur la spécificité des taches (des rôles) de chacun, et des rapports de dominances générateurs de violences et d’inégalités. La place de l’égoutier n’est-elle pas en bas, avec les rats ? Les patrons eux, siègent tout en haut des tours, c’est comme ça ! Et comme tout le monde, ou presque, ne rêve que de grimper plus haut, sur la fameuse « échelle sociale », alors c’est la foire d’empoigne. Tout est « bon » pour grimper, pour éliminer le con-current, lui piquer sa place. Mais aujourd’hui le fameux « ascenseur » est en panne… Alors faute de pouvoir monter, le problème pour beaucoup est de ne pas descendre. Et là aussi tout est « bon ». Le Bellum omnium contra omnes (la guerre de tous contre tous) ne va évidemment pas dans le sens du vivre ensemble, de la coopération, de la convivialité et de la joie de vivre.
Partout dans le monde les villes grossissent et les campagnes se vident, cherchez l’erreur.
Mais non ça ne fait rien, cette aberration n’empêche pas de « brillants » architectes de nous imaginer des « villes du futur », des « villes vertes », équipées de tours géantes qui produiraient de l’air pur, où circuleraient des bagnoles propres et autonomes, et autres conneries de ce genre.
Nos « brillants » innovateurs semblent totalement incapables d’inventer, ou de réinventer. Tous prétendent se soucier de l’environnement alors que la plupart ne connaissent même pas précurseurs et les pionniers de l’écologie politique. Combien d’architectes connaissent le projet « Illichville » ?
http://carfree.fr/index.php/2008/02/02/illichville-la-ville-sans-voitures/
C’est là toute la difficulté de l’écologie. Etre militant écologiste, cela revient en bonne partie à se battre contre toutes les tendances lourdes qui ont marqué les deux derniers millénaires de l’humanité et qui se sont accentuées fortement ces deux derniers siècle.
Combat d’autant plus difficile qu’une partie de ceux qui se réclament de cette mouvance écologiste, luttent précisément dans le mauvais sens par exemple en vantant la croissance verte, en niant la question démographique, en comptant naïvement sur le progrès technique ou en proposant…. de densifier les villes