Vandana Shiva, qui mérite d’être mieux connue en France

Au milieu des paillettes du luxe, de la mode bling bling et du clinquant sur papier glacé que décline à satiété M le magazine du MONDE se trouve parfois un article sur ce qui compte vraiment. Ainsi ce reportage sur « la diva verte », Vandana Shiva*. Mais Vandana est plus qu’une diva, c’est une déesse de l’écologie en marche. Elle ne s’arrête jamais, elle court le monde pour défendre ses positions radicales, elle est une icône altermondialiste et éco-féministe, héroïne de la résistance écologique, à l’avant-garde de la lutte anti-OGM. Elle s’oppose aux semences génétiquement modifiées et, pour tous les partisans des biotechnologies et de l’agriculture intensive, elle est devenue la femme à abattre.

Des articles à charge remettent en question la corrélation qu’elle ferait entre l’arrivée du coton Bt (transgénique) en Inde et l’augmentation dramatique des suicides chez les paysans. Ses détracteurs affirment qu’il n’y a aucune causalité prouvée, et que la militante est une « dangereuse affabulatrice », voire une « démagogue » qui déforme les faits et les chiffres. Lionel Astruc, journaliste spécialisé en développement durable, et auteur de Vandana Shiva, victoires d’une Indienne contre le pillage de la biodiversité (Terres vivantes, 2011) la défend ainsi : « Alors que Vandana dirige son association non lucrative avec des bouts de ficelle, elle est confrontée à des multinationales qui déploient des systèmes complexes et des moyens colossaux pour s’opposer à elle. »

                La simplification outrancière est la marque de fabrique des firmes qui veulent semer le doute sur la crédibilité de leurs opposants. En fait Vandana Shiva se réfère toujours à une argumentation complexe qui remonte bien au-delà du coton Bt. Ainsi cette déclaration sur le suicide reprise par le livre Solutions locales pour un désordre global (2010) : « La révolution verte a reçu le prix Nobel de la paix sous le prétexte que les nouvelles technologies en chimie allait apporter la prospérité, et que la prospérité apporterait la paix. Cela s’est appelé la révolution verte, par opposition à la révolution rouge qui se répandait en Inde, venant de Chine. Les Américains se sont dit : « Diffusez les produits chimiques et vous éviterez le communisme. » Malheureusement ces produits coûtaient cher et nuisaient à l’environnement. Tout cela s’est révélé au bout de dix ans, si bien qu’au lieu d’être en paix et de profiter de la prospérité, les jeunes ont connu une nouvelle pauvreté et pris les armes.  Après la répression très violente par les forces militaires contre les insurgés dans le Punjab, on ne pouvait plus prendre son fusil ; alors les agriculteurs ont commencé à boire les pesticides pour mettre fin à leurs jours. Au cours de la dernière décennie, nous avons ainsi perdu 200 000 agriculteurs. »

                Pour l’instant les multinationales règnent sur le monde, un jour la tête de leurs dirigeants se retrouvera sur les piques de la révolution paysanne. L’agriculture industrielle et ses OGM fera en effet faillite avec la fin des énergies fossiles. Place au retour à la terre et aux semences paysannes.

* M le magazine du MONDE (6 décembre 2014), La diva verte