Le véhicule autonome est une « opportunité » pour des mobilités « plus propres et plus solidaires », croit fermement le gouvernement. Dans un rapport, le think tank La Fabrique écologique arrive à la conclusion contraire : les « discours prometteurs » cachent « des conséquences écologiques potentiellement catastrophiques ». L’étude relève ainsi un « contraste important » entre le « fantasme » d’un véhicule au service de la mobilité durable et la perspective probable d’« une entreprise énergivore, polluante, consommatrice de ressources et d’espaces, coûteuse et risquée pour les libertés publiques ». La voiture autonome sert d’alibi pour renforcer la présence de la voiture tout court . Du point de vue des écologistes, nous pensons que faute de carburants fossiles on va vers un dévoiturage inéluctable, que la voiture individuelle soit thermique, électrique, autonome ou à vapeur. En attendant, technophiles et techno-sceptiques s’écharpent sur le monde.fr :
César Bistruk : Les media redécouvrent le Paradoxe de Jevons*, théorisé en 1865. Mêmes causes (innovation et technologies plus efficaces), mêmes effets (augmentation de la consommation d’énergie). Il faudrait pour y échapper restreindre volontairement l’usage de ce nouveau type de mobilité. Je doute que cela soit faisable, politiquement. Mais sait-on jamais ?
GERONIMO : Quel obscurantisme moyenâgeux à tous les étages ! Ça devient grave. On résume : 1/ Le véhicule autonome sera un espace de vie où l’on peut à la fois travailler avec des amis ou se reposer. Quel scandale en effet. 2/ Pourrait inciter les ménages à s’installer plus loin de leur lieu de travail. Quelle horreur de ne pas vouloir s’entasser dans des tours en banlieue. 3/ Inciter à laisser rouler leur véhicule à vide pour éviter de payer une place de stationnement. Mais quel cerveau TORDU a imaginé un truc pareil ? Bref, article délirant. Et si vous essayez les chars à bœufs histoire de vivre avec votre temps ?
Martin-s : Nous sommes très proches du pic pétrolier (2030), donc le temps de voir arriver ces bestioles autonomes le problème ne se posera même plus (car la disponibilité énergétique va rapidement décroître. Chers amis, merci de prendre une heure pour regarder la vidéo de Jancovici « Pourquoi certains commentateurs ne comprennent-ils rien aux questions d’énergie ? ». C’est important que vous le fassiez, merci !
Domnick : La voiture a détruit les emplois et la vie locale ; elle a reconfiguré l’espace urbain au profit des centres commerciaux sans âme, rendant tous les abords de villes identiques. Les villes moyennes sont mortes, ou abandonnées à une population déshéritée et traficottante. Elle a rendu possible d’habiter très loin de son lieu de travail : de nombreux jeunes couples s’installent à la campagne, faisant de nécessité vertu : ils n’ont de toute façon pas les moyens d’habiter plus près. Alors ils invoquent « le bon air pur », et passent leur WE a sillonner les routes du Lot, du Tarn, de l’Aveyron etc (dont ils ne regardent plus les paysages) pour conduire leurs enfants à leurs diverses activités, parfois une par soir : on a fait des enfants des consommateurs parfois contraints, d’activités pseudo-culturelles (judo, danse, piano, foot….), alors qu’une ou deux d’entre elles suffiraient amplement. La voiture a offert bien des avantages, mais nous en avons usé immodérément.
Reggio : Voiture autonome, un exemple quasi-parfait de la fuite en avant dans la technologie…Maintenir à tout prix un hyper-consumérisme de masse désastreux en donnant l’illusion que tout va continuer, en bien mieux évidemment…
alainb : L’amélioration des conditions de vie a toujours résulté de la découverte de nouvelles sources d’énergie. Il en faut toujours plus pour réduire les inégalités, premier combat de la période que nous vivons. Vers 2050 ont pourrait commencer à bénéficier de la fusion nucléaire, énergie propre, quasi illimitée en plus de toutes les autres solutions technologiques… ça pourrait marcher surtout si on apprend à gérer la crise démographique principale source de rejet de CO2…
Dtc : Rien de nouveau. Avec une population allant croissant, il est évident que la baisse des émissions passe par une baisse de la natalité, le développement des logements collectif voir des dortoirs (encore plus économes) la suppression de toute possession privé et l’utilisation exclusive de biens communs et partagés (transports, logements, équipements, vaisselles, vêtements, …), la fin de l’avion et du tourisme, la fin des loisirs et du travail émettant des GES… Il est aussi évident que ça ne va pas faire rêver grand monde. Donc on continuera à réchauffer et la raréfaction des ressources alimentaires permettra in fine de réduire la population dans des conditions dramatiques. Reste à savoir quel sera le moindre mal. En attendant, on continue de rêver avec 3 éoliennes, 2 panneaux solaires et une isolation du bâtiment comme si cela allait résoudre le problème. Questions : les écolos au pouvoir seraient-ils prêt à interdire l’avion et la voiture individuelle en France ?
Michel SOURROUILLE : A quel moment une technique devient-elle contre-productive se demandait Ivan Illich. Philippe Bihouix, dans son livre « l’âge des low tech » constatait qu’un million de véhicules autonomes exigeraient autant d’échanges de données que trois milliards de personnes connectées sur leurs tablette. Impossible techniquement à mettre en œuvre ! ll nous faut arriver à définir collectivement quelles sont les limites de l’innovation technique, il nous faut rechercher une norme du suffisant. Le problème du monde super-branché qui nous est imposé, c’est que le mythe du progrès technique infini s’est implanté (par la publicité et le lobbying) dans le crâne de beaucoup de nos contemporains et les commentateurs sur lemonde.fr ne font pas exception : « Il n’y a pas de limites, et vive la voiture autonome, peu importe toute analyse contraire. » Que l’étude soit commanditée par la SNCF ne devrait pas être une fausse justification pour ne pas aborder l’essentiel, la question de notre démesure !
Electron : Si l’on comprend entre les lignes du rapport, une bonne partie des craintes concerne l’effet rebond, c’est à dire une augmentation de la circulation qui contrebalancerait les gains liés à l’efficacité et à l’électrification du système. Solution: une taxe carbone efficace.
* Paradoxe de Jevons : Stanley Jevons a analysé la dépendance de l’économie britannique à l’égard d’un charbon bon marché, mais épuisable dans The Coal Question (1865). Il trouve ailleurs que dans la terre un facteur limitatif de la production. Le charbon n’est pas un fonds renouvelable, mais un stock (les ressources minières) dont la perspective de l’épuisement annonce un avenir autrement plus sombre que l’état stationnaire : le déclin ! Jevons formule alors le paradoxe qui a gardé son nom : l’accroissement de l’efficacité technologique dans l’utilisation d’une ressource naturelle comme le charbon ne réduit pas la demande pour cette ressource, mais l’accroît au contraire. La consommation est déchaînée par l’accélération technologique du fait de la baisse des coûts que celle-ci entraîne : « Le système économique accroît indéfiniment notre richesse et nos moyens de subsistance, et conduit à une extension de notre population, de nos productions, de nos échanges, qui est appréciable dans le présent, mais nous mène nécessairement vers une fin prématurée ».
– « ll nous faut arriver à définir collectivement quelles sont les limites de l’innovation technique, il nous faut rechercher une norme du suffisant. » (Michel SOURROUILLE)
Bonne idée ! Tous comptes faits, je pense qu’il faut que je m’inspire des Amish.
alainb : « Vers 2050 ont pourrait commencer à bénéficier de la fusion nucléaire, énergie propre, quasi illimitée en plus de toutes les autres solutions technologiques… ça pourrait marcher surtout si on apprend à gérer la crise démographique principale source de rejet de CO2… »
Didier Barthès devrait apprécier. Et même si ce n’est qu’à moitié… il pourrait même proposer à cet alainb de prendre la Carte. Mais je sais moi, ce qu’il en pense notre Didier, de l’énergie propre gratuite et illimitée, appelée aussi Cosmogol. Cet alainb fait donc partie des doux rêveurs. En attendant qu’ON trouve le Graal, pour qu’enfin il puisse l’esprit serein, faire le plein de sa future bagnole autonome verte, ce brave alainb continuera à penser que Le Problème c’est le Surnombre. Et peut-être même de lutter, avec ou sans guillemets. J’imagine déjà les «débats » passionnés, au sein de DR. 🙂
Mais c’est qu’ils sont tout simplement dans l’obligation de gagner de l’argent pour vivre. Ils ne se croient pas tous au-dessus des autres parce qu’ils travaillent à Paris dans un bureau, ils ne sont pas persuadés que leur emploi est absolument nécessaire à l’humanité, mais il faut bien vivre.
Quant à ne pas se parler dans le métro, c’est un reproche souvent adressé aux parisiens mais c’est un reproche injuste. Quand vous êtes tout le temps en contact avec des centaines de gens, cela n’a guère de sens de s’adresser la parole. Essayez vous verrez, vous avez toute les chances de déranger, chacun n’est pas forcément prêt à écouter tout le monde, sa vie et ces idées. Les échanges ne peuvent avoir lieu qu’avec peu de personnes, comme quand les gens vivaient en petite sociétés à la campagne. Ce serait en pratique intenable de se comporter ainsi dans de telles circonstances.
On peut quand même se demander qui sont les moins cons dans cette affaire.
Si ce sont ceux qui prennent le temps, de discuter et/ou de rigoler, de jouer aux cartes, de faire la fête etc. ou alors ceux qui sont toujours pressés, qui n’ont pas le temps, ni l’envie ou le besoin de discuter, qui ont toujours la tête dans le guidon, ou dans leur ordi, même dans le train, pour bosser, quand ce n’est pas pour jouer, manière de se changer les idées.
Ce que j’ai dit au sujet de la misère des rapports sociaux dans le métro et dans le train ne se limite évidemment pas à la région parisienne. Et on peut toujours se souvenir de ce que c’était il y a quelque décennies, «chez nous » en France. Et comparer aussi ce que sont les transports en commun dans certains pays aujourd’hui.
(suite) On trouve facilement des reportages ou des articles qui racontent la convivialité qui règne dans ces trains, bus ou bateaux, en Afrique ou en Asie. Cette convivialité (vivre avec) qui évidemment n’existe pas dans le RER ni le TGV. Remarquez au passage qu’il faut se lever tôt pour la trouver ailleurs, ne serait-ce que dans les rues, la place du village, les parcs publics, les bistrots, actuellement fermés…
Je pense qu’il existe beaucoup plus de gens qui rêvent d’un âne ou d’un vélo, qu’il en existe qui rêvent de bagnoles autonomes. Dans ces pays moins riches que la France le rapport au temps n’est pas le même, le voyage peut parfois durer 30 heures, les arrêts sont nombreux et tout le monde s’en contente. Et semble être content, et pou moi c’est ça le plus important. Là aussi les gens ont besoin de bosser pour vivre, les vendeurs ambulants participent ainsi à rendre ces déplacements plus vivants.
Au sujet de cette fabuleuse voiture autonome. Un article du 04/12/2017 de BUSINESS AM illustre bien ce que je disais précédemment, à savoir que quand on a envie ou besoin d’y croire il est difficile de penser le contraire.
Titre : «Pourquoi l’impact des voitures autonomes sur l’environnement pourrait être énorme »
Extraits : « Jadis une utopie lointaine, les voitures autonomes ont aujourd’hui quitté le domaine de la science-fiction et devraient bientôt peupler nos routes. […]
Notons déjà la prudence de l’auteur qui utilise le conditionnel (pourrait et devraient).
De leur côté les bagnolards américains semblent con vaincus de ce qu’ils affirment. C’est normal puisqu’ils voient l’avenir dans leur boule de cristal, ou leurs tarots : «les constructeurs automobiles américains affirment d’ailleurs que d’ici deux décennies, les véhicules sans conducteur feront partie de notre paysage quotidien ». Attendons donc 2037 pour voir s’ils ont vu juste.
En attendant lisons et réfléchissons sur la suite de cet article :
– « Cependant, l’impact écologique des voitures automatisées est encore fort incertain, écrit Justin Worland dans Time Magazine. Un rapport du Département de l’Energie des Etats-Unis indique que les véhicules autonomes pourrait aboutir à une réduction de carburant des voitures particulières de 90 % ou… à une hausse de plus de 200 %. »
Incroyable non ? Comme quoi là encore il y a étude ET étude. Finalement c’est quitte ou double. Comme quoi on n’en SAIT rien. Et dans ce cas autant le jouer à pile ou face. Ou encore, choisis ton camp camarade, c’est comme tu te le sens !
Les optimistes, technophiles et autres doux rêveurs se plairont donc à croire à ces MOINS 90 %. De leur côté les technophobes, techno-sceptiques, pessimistes, amish et autres rabat-joie etc. à croire à ces PLUS 200%. Encore une fois nous voilà donc bien avancés. 😉
Le télé-travail a quand même un avantage, quand vous habitez en région parisienne et que vous passez deux heures par jour dans le RER, je crois que vous ressentez un certain soulagement à l’éviter.
Pour la voiture autonome, ça me semble une folie, il est possible que les premiers accidents mettent un frein à l’expérience. En outre, ces voitures coûteront une fortune compte tenu de la complexité de leur informatique et du réseau de communication que cela suppose.
C’est une nouvelle façon de complexifier nos sociétés et de les rendre plus fragiles, nous nous éloignons toujours plus de la résilience, bref, nous allons par ce genre de choses exactement dans la mauvaise direction.
Bonjour Didier Barthès. Notez qu’on nous présente le véhicule autonome comme «plus propre et plus solidaire». Le RER n’est-il pas assez propre et solidaire ?
Mis à part regarder le plafond ou leur smartphone, que font les gens dans le RER ? Pareil dans le train, pourquoi les gens ne se regardent même pas ? Grâce au Progrès aujourd’hui on travaille dans le train, sur un ordi. On n’a donc pas le temps de papoter avec les autres passagers, parce que le temps c’est de l’argent. Misère misère.
Mais c’est quoi leur job, à tous ces gens qui se croient être au dessus de ceux qui lisent le journal, qui eux croient valoir mieux que ceux qui dorment ou qui jouent aux cartes… en attendant d’arriver ? Le télétravail à certes des avantages, mais pour commencer regardons le sens de ce travail, à distance ou pas. Vous le dites vous-même dans cette émission TV où vous étiez l’invité, et je vous donne entièrement raison.
Aujourd’hui, grâce à Jean-Baptiste Fressoz et donc à Biosphère, j’ai découvert le Rétrofuturisme.
Comme on sait, plus exactement comme on ne cesse de nous le rabâcher, tout ce qui nous évite de prendre la bagnole c’est bon pour la planète. Là encore on oublie l’effet rebond (paradoxe de Jevons).
Pour tenter de mesurer l’impact des pratiques numériques sur notre mobilité, le Forum Vies Mobiles a récemment fait une analyse des déplacements des Britanniques et l’a transposé à ceux des Français. Cette étude porte principalement sur ces activités à la mode, à savoir le télétravail et les achats en lignes (téléachat). Elle se limite au fameux bilan carbone, très à la mode lui-aussi, elle ne se penche pas sur l’utilité de ce travail ou de ces achats, ni sur les conséquences de toutes ces activités désormais faites à distance (télé), notamment sur les rapports sociaux, le vivre-ensemble.
Le résultat est donc qu’en terme de CO2 le télétravail et le téléachat ne sont pas aussi vertueux que l’on croit, au contraire. Et nos écotartufes de tomber des nues, de ne pas y croire, «mais non c’est pas possible [etc.] »
Mais si ça l’est ! L’explication c’est justement l’effet rebond. Or j’ai remarqué depuis longtemps que beaucoup de ceux qui se disent écolo n’ont jamais entendu parler de l’effet rebond. Idem de l’entropie et autres choses pourtant primordiales. Ou alors s‘ils en ont entendu parlé, ils ont probablement fait en sorte de vite l’oublier.
C’est toujours pareil, de tous les côtés et quels que soient les sujets, comme ici la bagnole autonome, nous aurons toujours des gens qui ont besoin d’y croire. Et d’une façon ou d’une autre ils s’arrangeront toujours pour se sortir de la tête tout ce qui pourrait venir saper leur rêve, leur espoir ou leur foi.