La décision d’Emmanuel Macron de créer un nouveau Commissariat général au Plan et d’en confier la direction à François Bayrou est un spectaculaire non sens. Pas très glorieux cette nomination d’un dinosaure de la politique à un strapontin contemplant le futur. Rappelons que Bayrou est mis en examen, viré du gouvernement français pour cela, et pourtant rattaché directement à l’Elysée pour « réfélchir ». Cette nomination n’est qu’un prétexte pour se mettre Bayrou dans la poche, Macron a besoin des centristes pour finir cahin-caha son septennat. De toute façon le gouvernement a déjà fait ses annonces de relance plus ou moins verte, alloué des financements et définit les objectifs..Que va donc faire l’ineffable Bayrou, qui dans une interview récente n’a même pas évoqué la crise climatique : son horizon est resté à Pau. Quand on regarde le décret créant sa fonction, le titulaire n’a d’autorité sur aucune administration, même pas celle censée s’occuper plus ou moins de plan et de prospective (France-Stratégie). Bref, Bayrou n’est chef de rien et donc ne fera pas grand chose sur le fond. Qui en doutait ? Cette situation est fort dommageable puisqu’on a absolument besoin d’une planification écologiquement compatible
La résurrection du Commissariat au plan acte l’échec des tentatives d’instaurer une situation économique dominée par la finance. Le retour du plan, c’est en effet l’aveu que les marchés ne peuvent pas grand chose lorsqu’il faut affronter l’urgence. Avec le Covid-19, la libre confrontation des intérêts économiques n’est d’aucun secours. A l’inverse, des Bourses globalisées sont un surcroît de fragilité qui a contraint les autorités à ouvrir grand les vannes de la création monétaire pour empêcher qu’un remake de la panique financière de l’automne 2008 se joue sur fond de pandémie. La finance étant incapable de projeter notre devenir économique collectif, cette fonction incombe au politique. Planifier implique de favoriser certaines activités d’en réduire d’autres, croissance et décroissance simultanément, destruction créatrice. Il s’agit d’ouvrir un espace décisionnel sur la définition de nos besoins réels et de créer ainsi du sens commun. Un tel dispositif est rigoureusement l’inverse d’une concurrence « libre et non faussée » qui régit depuis trop longtemps l’insertion européenne et internationale de nos économies.
La pandémie, la descente énergétique et le réchauffement climatique fournissent des exemples de défis mondiaux qui requièrent une vision à long terme. Lorsque le Commissariat général du Plan est créé en 1946, il fallait faire face à des pénuries omniprésentes (nourriture, moyens de transport, matières premières…), il fallait mettre en œuvre un lieu de répartition des rares ressources. Comment ne pas repenser à planifier une sobriété partagée dans l’état actuel de détérioration brutale des conditions de vie sur Terre ? Les crises écologiques nous amènent à une économie de guerre synonyme de démondialisation, de désurbanisation, de dévoiturage et autres joyeusetés qui vont faire frémir de peur Gilets jaunes et managers. Notre blog biosphere soutient tout ce qui s’apparente à une régulation du présent pour préserver un avenir durable, exemples :
20 juillet 2020, Croissance verte ou décroissance écologique ?
7 juin 2020, Une planification écologique est nécessaire
12 mai 2020, post-covid, pour une planification écologique
2 mai 2020, Climat, gare à la relance économique « grise »
27 mars 2012, la planification écologique selon Jean-Luc Mélenchon
Penser à demain, prévoir, planifier, c’est ce que nous attendons des gens qui nous dirigent. Depuis trop longtemps, il n’y aurait donc plus personne pour s’occuper de ça… Je pense que c’est vrai. Mais peu importe ce que je pense, c’est comme du CGP tout le monde s’en fout isn’t it ?
On a donc «ressuscité» le CGP, pour nous montrer qu’on pense à demain, à nos enfants, et en même temps pour occuper Bayrou qui s’ennuie à Pau. Trop fort ce Macron ! Ce «nouvel» outil (machin) servira «à planifier une politique économique, à identifier les gisements de croissance futurs, à définir une perspective, à fixer un cap» … nous dit Castex. Trop fort lui aussi ! Nous pouvons faire confiance à Bayrou pour pomper dans ce sens, nous avons là un trio du tonnerre !
Finalement rien de nouveau sous le soleil, leur «projet» c’est la Croissance. Peu importe le cap, peu importe où on va du moment qu’on ait de la Croissance. Barbouillée de vert ça va de soi.
Bien sûr que ce nouveau GCP fait partie de ces stratégies électorales, c’est de bonne guerre comme on dit. De bonne guerre aussi, de «flinguer» Bayrou et en même temps Macron, d’autant plus quand on se sent profondément cocu. Bref, Bayrou ou n’importe lequel, Hulot par exemple, n’y change rien.
Mais déjà, en quoi cette «nouveauté», cette innovation (à la con), ce truc, ce machin, devrait-il nous intéresser ? Faisons un sondage et mesurons combien de Français sont au courant, combien n’en ont «rien à péter» etc. Alors à quoi bon ? Si ce n’est pour noircir du papier, pour occuper, amuser ou abuser les gogos, et les autres, en attendant.
Quelle résurrection, quel retour, du «Plan»?
Ce machin existe depuis 1946 et depuis il n’est jamais parti, il n’a fait seulement que changer de nom. Commissariat général au Plan (CGP) , Centre d’analyse stratégique (CAS), Commissariat général à la Stratégie et la Prospective (CGSP = France Stratégie), etc.
On le sait, changer l’étiquette d’un machin, innover sur l’emballage etc. est une activité à la mode, une activité payante, du moins jusque là. Mais quand on en est là, à relooker le vieux machin, ou la vieille machine, pour mieux le vendre ou pour ne pas avoir honte de la montrer, généralement ça veut dire qu’il y a un problème du côté du machin.
En attendant, Plan ou Stratégie c’est blanc bonnet et bonnet blanc.
En attendant encore, Plan ou Stratégie pour quoi ? En vue de quoi ?
Toi, qui nous demande de marcher… toi qui nous demande de ramer… et toi de pomper… et toi là, celle qui nous nous demande de nous réveiller… bref, vous les marchands de salades, vous qui aimez les chansons, écoutez bien celle-là.
– «Explique-moi, Papa, c’est quand qu’on va où ? » (Renaud )