Un tollé général de l’ensemble de l’éventail politique face aux propos de la maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy : « L’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants. » On extrait de son analyse sur le climat un minuscule fragment pour en faire un drame national et ne pas avoir à réfléchir. Les réactions sont brutales, y compris en provenance des amis écolos de Léonore :
Yannick Jadot d’EELV : « Je pense que les rêves, c’est l’intimité. J’ai pu découvrir une partie de la beauté du monde grâce à l’avion. »
L’insoumis Jean-Luc Mélenchon sur Twitter : « Coucou Poitiers! Les rêves restent toujours libres, signé Icare. »
L’ancien pilote de ligne, Jean-Baptiste Djebbari : « Des élucubrations autoritaires et moribondes ».
Maud Bregeon, porte-parole de La République en marche : « Des mots dogmatiques, cyniques, et tristes. »
Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national : « Interdire, punir, faire payer, freiner l’innovation, vouloir détruire les filières d’excellence industrielle comme le nucléaire et l’aéronautique, s’en prendre aux rêves des enfants: voilà le vrai visage de ces ‘verts’ qui n’ont rien d’écologiste. »
Bruno Le Maire, ministre de l’économie, a qualifié les propos de la maire écologiste de Poitiers de « totalement stupides ». Il dénonce « une folie révoltante et dangereuse ».
Tous ces gens nous mènent au désastre du réchauffement climatique puisque pour eux, les rêves des enfants ne doivent pas oublier l’avion. Précisons les termes exacts de l’enjeu. Lors du conseil municipal de Poitiers qui s’est déroulé le 29 mars 2021, Léonore Moncond’huy justifiait son « choix difficile » de ne plus subventionner les aéroclubs de Poitiers pour « protéger l’avenir des enfants ». Elle répondait à l’opposition qui mettait en avant le rôle « éducatif » de ces structures, en ajoutant : « C’était mon rêve d’enfant de prendre l’avion pour aller à l’autre bout du monde. Mais je pense que vous ne vous rendez pas compte des rêves dont on doit préserver les enfants. L’aérien, c’est triste à dire, mais cela ne doit plus faire partie des rêves d’enfants aujourd’hui. » Elle pointant ainsi du doigt la participation de l’association des Chevaliers du ciel au programme «Rêve de gosse» qui permet à des enfants handicapés de faire un tour en avion. La propagande pour l’avion n’a pas de limites. Léonore évoque enfin un signal de responsabilité : « Compte-tenu du fait que cela ne menace par la survie de l’association, aujourd’hui, nous considérons que l’argent public ne doit plus financer les sports fondés sur la consommation de ressources épuisables, a-t-elle notamment expliqué lors du conseil municipal, ajoutant : « c’est aussi pour ces décisions, qui requestionnent nos politiques au filtre du changement climatique, que nous avons été élus. »
Est-il totalement stupide de penser que tous les fanatiques de l’avion contribuent à la destruction de « la beauté du monde » grâce à leurs voyages dans des plus lourds que l’air qui ont besoin de kérosène ? Le trafic aérien représente, en dehors du temps de pandémie, presque 2 % des émissions mondiales de CO2. «Le futur des enfants dans une France avec 5 et 6 degrés de plus sera bouleversé et leurs rêves aussi», a précisé sur Twitter Léonore Moncond’huy. Elle aspire à «un nouvel imaginaire» et à «de nouveaux rêves» que le XXIe siècle doit inventer pour les « enfants d’aujourd’hui ». Cette approche devrait être partagée par tous les politiciens sans exception, de l’extrême gauche à l’extrême droite ; l’urgence écologique devrait faire consensus absolu. Mais cette unanimité contre la maire de Poitiers montre qu’il est inutile de faire de grandes phrases sur le climat quand on se complaît dans une ambiance délétère qui n’a pour seul objectif que marquer quelques misérables points de « notoriété » dans la joute électorale. Tant que l’art de convaincre des écologistes se heurtera à la libre expression des politiques, surtout quand elle est débile, il n’y aura pas de véritable démocratie possible, c’est-à-dire un système qui repose sur le choix éclairé des électeurs de base et leurs rêves d’un avenir vivable et durable.
Pour trois mots sortis de leur contexte dont le terme « aérien » peut-être trop général, la plupart des adeptes de sports mécaniques descendent Laure Moncond’huy à coups de DCA. Le département de la Vienne, je connais pour devoir subir chaque jour de beau temps le vacarme des avions des aéro-clubs qui promènent les ploucs voulant voir d’en haut leur pavillon imbécile au milieu de sa pelouse – désert de biodiversité. Bravo à cette élue pour sa prise de position : pas d’argent publique pour les sports mécaniques, le département étant déjà très atteint (aéro-clubs en nombre, circuit F1 du Vigeant, équipe de motoball de Neuville-de-Poitou (oui, oui, ça existe), motos « vertes » (pourtant interdites) un peu partout… Le Djebbari, c’est lui qui est moribond. Et vive le confinement !
Sortis ou pas de leur contexte les mots de Léonore Moncond’huy sont clairs. Cela va évidemment au delà de «l’aérien» puisqu’elle dit clairement : «nous considérons que l’argent public ne doit plus financer les sports fondés sur la consommation de ressources épuisables.» Il ne faut donc pas s’étonner là non plus des réactions des motards et de tous les passionnés de vroum-vroum. Léonore Moncond’huy ne se retrouve donc pas «seule contre les avions», mais seule contre tout le monde ou presque.
Le plus grave reste cette phrase au sujet du rêve. Je maintiens qu’elle a commis là une grave erreur. Quelques jours plus tard elle a d’ailleurs reconnu publiquement une «maladresse». Trop tard. Puisse t-elle au moins en tirer les leçons.
Le problème est que cette dame n’a pas fait qu’une maladresse, elle a illustré à là perfection la dérive de certains écologistes qui se croient détenteurs de la morale.
Eh bien, comme pour le Tour de France qui me fait rêver, (j’assume), je défends un monde ou quelques enfants aient envie de piloter, planter des carottes est nécessaire sans doute, mais un monde où plus un enfant ne rêvera de piloter un avion est un monde désespérant.
Bonjour Didier
critiquer le tour de France et ses forçats du sport-spectacle est une chose, apprécier le vélo pour se balader ou faire du sport une autre. De même critiquer une société gaspilleuse de kérosène et responsable du réchauffement climatique est une chose, apprécier enfant un parcours en montgolfière une autre.
Ce n’est pas faire de la morale que dire que notre société doit changer d’imaginaire, y compris dans la tête des enfants, c’est une nécessité pour faire face à l’urgence écologique…
Le discours de Léonore Moncond’hui était une analyse politique, pas un épanchement de désirs personnels subjectifs.
Toutes les sociétés ont toujours connu des pratiques qui bien que non strictement nécessaires « gaspillaient » une part des ressources pour des choses symboliques et constitutives de la culture des peuples.
Le Tour de France fait partie de ces choses, il fédère les gens, ne conduit à rien de définitif, n’est pas lieu d’un nationalisme effréné (pas un français ne l’a gagné depuis 1985 et il est toujours aussi populaire) C’est très précieux.
Quant à la maire de Poitiers, elle s’est attaqué à un loisir qui est absolument marginal mais permet à quelques-uns de voler, vouloir briser les ailes des ces gens qui ont des rêves me semble faire un pas vers une société insupportable et dictatoriale qui n’en sera pas plus écologiste.
– «Le discours de Léonore Moncond’hui était une analyse politique, pas un épanchement de désirs personnels subjectifs.» (Biopshère)
Le problème c’est déjà que ce discours est difficile à entendre. Ne serait-ce qu’entendre quelqu’un qui nous parle de «décolonisation de l’imaginaire», ça laisse entendre qu’on est un con. Je ne dis pas que ce discours soit impossible à tenir, je dis qu’il difficile à faire entendre (comment convaincre ?) Le problème ensuite ce sont les inévitables amalgames, récupérations, mots sortis du contexte etc. et ça c’est la politique.
J’estime que Léonore Moncond’hui devrait savoir ça. Si elle veut parler comme ça, alors elle n’a qu’à laisser la politique et écrire des bouquins.
Léonore Moncond’huy aspire à «un nouvel imaginaire» et à «de nouveaux rêves» que le XXIe siècle doit inventer pour les « enfants d’aujourd’hui ». Il nous faut un nouvel imaginaire, répétait le pape de la décroissance Serge Latouche.
Alors à quoi les enfants devraient-ils rêver ? Certainement pas d’être hôtesse de l’air, mais devenir paysan (bio) ou artisan de proximité est dans l’air du temps.
– Jadot : «Je pense que les rêves, c’est l’intimité. J’ai pu découvrir une partie de la beauté du monde grâce à l’avion.»
– Mélenchon : «Coucou Poitiers! Les rêves restent toujours libres, signé Icare.»
Jadot a compris qu’il vaut mieux ne pas toucher aux rêves. C’est vrai que pour découvrir la beauté du monde rien ne vaut de prendre de la hauteur. Le montagnard sait combien le monde est petit vu d’en haut. Et les gens n’en parlons pas. N’empêche que l’avion a l’avantage de ne pas demander d’efforts. La fusée d’Elon Musk n’en parlons pas.
Et au fait l’hélicoptère ? Qu’est ce qui z’en disent nos deux amis, n’ont pas twitté Nicolas et Yann ?
Mélenchon lui il a twitté (a voté ! Hi-han). Comme les autres juste manière de se montrer, «Coucou c’est moi !» On sait qu’il aime rêver le Méluche, comme des tas d’autres, mais de là à se prendre pour Icare, faut pas déconner. Va finir par se brûler les ailes le Jean-Luc. 🙂
Sans entrer dans cette polémique stupide, le problème ici vient donc d’un mot, le mot «rêve».
Comme par hasard, il y a quelques jours sur Biosphère on a un peu parlé de «La propension des écologistes à vouloir dominer les rêves ». Le Tour de France lui aussi fait rêver les enfants de 7 à 77 ans. (DIDIER BARTHES 6 MAI 2021 À 18:37)
Même si je comprends ce que dit Léonore Moncond’huy et que je suis d’accord avec elle, je pense qu’il faut faire attention à certaines choses. Surtout lorsqu’on est un personnage public, important comme on dit. Comme on le voit encore là, il vaut mieux ne pas toucher aux rêves. Et pourtant.
Je dirais donc qu’il faut le faire avec beaucoup de prudence et de doigté. Et je mesure combien c’est délicat et difficile.
(suite) En tant que femme politique, Léonore Moncond’huy doit être diplomate comme on dit, elle doit avoir l’habitude de flatter, de peser ses mots etc.
Elle parle ici d’un «choix difficile», elle rappelle ses propres rêves d’enfants, elle dit «c’est triste à dire»… et puis elle lâche le fameux mot, le mot qui fout en l’air tout ce qu’on a dit avant, mais.
– «[…] mais cela ne doit plus faire partie des rêves d’enfants aujourd’hui.»
Et voilà que ça devient une affaire d’Etat, et tout le monde de commenter, de twitter, de se déchaîner et de déconner.
(suite) Ceci dit je vais là encore faire l’éloge de la juste mesure. De quoi parle t-on exactement, qu’est ce qui ne devrait plus faire partie des rêves d’enfants aujourd’hui ?
Pour Léonore Moncond’huy c’est «l’aérien». Elle aurait dit «l’Avion» passe encore, mais là en effet il ne faut pas s’étonner de l’ampleur des réactions.
Déjà il y a avion et avion. Nous ne mettrons pas dans le même panier le petit coucou d’aéroclub avec le gros Boeing ou Airbus. Quand je con damne l’Avion c’est à ce dernier que je pense. Et puis l’aérien ce n’est pas que l’avion, il y a aussi l’ULM, le planeur, la montgolfière, le deltaplane etc. En tant que parapentiste je peux parler du plaisir de voler. Et de la joie qu’éprouvent ceux qui découvrent un vol biplace, parmi eux parfois des handicapés. Devrait-on en finir aussi de tout ça ?