Le Parlement allemand (Bundestag) a voté le 21 mai 2021 un projet de loi interdisant l’élimination des poussins mâles par gazage ou broyage. Le 26 mai ,le Sénat français a rejet une telle mesure au motif qu’il risquerait d’introduire « des distorsions de concurrence au détriment de l’agriculture française ». Alain Griset, ministre délégué : « la France risquerait d’être rapidement confrontée à une augmentation de produits importés à moindre coût venant de pays qui ne respectent pas nos principes ». Notons que cet argument basé sur la réduction des coûts et la concurrence déloyale est ressassée dans bien d’autres domaines. Voici d’abord deux commentaires sur lemonde.fr, puis nous poursuivons en donnant le point de vue des écologistes sur le libre-échange.
Noleb : Donc les Sénateurs viennent se plaindre de la concurrence déloyale, quand dans le même temps les Allemands passent une loi similaire. C’est sûr que si le but c’est de ne pas perdre de compétitivité par rapport au Bangladesh, ça risque de faire très bizarre sur les feuilles de salaire…
Marc C : Vous ne trouvez pas que la Sécurité Sociale, l’éducation gratuite et les retraites (entre autres) coûtent cher au pays, augmentent nos coûts de revient et créent une distorsion de concurrence par rapport aux pays qui n’en ont pas ? Supprimons tout ça et alignons-nous (par le bas évidemment) !
Biosphere : Il n’y a pas loin entre choc de compétitivité, affrontement commercial, célébration du nationalisme et risque de guerre pour les ressources et les débouchés. La recherche de la compétitivité internationale est un jeu à qui perd gagne. Prenons un seul exemple de la situation actuelle. La Chine est devenue l’atelier du monde, ses compétences dans tous les domaines ne peuvent qu’écraser la concurrence. Même si l’ouvrier français était payé aussi peu que l’ouvrier chinois, nous serions obligés d’acheter à la Chine puisque notre tissu productif s’est effrité après des années de délocalisation. De plus la Chine est en concurrence avec les pays anciennement développés dans la captation des ressources fossiles et des métaux, la raréfaction s’accentue sur une planète dont nous avons dépassé les limites. Le « doux » commerce est en définitive une affaire de puissance, c’est le plus fort qui impose sa loi à un moment donné.
Rappelons que l’invention du libre-échange au XIXe siècle par David Ricardo n’était qu’un moyen de transgresser la finitude de la Terre. L’augmentation de la population en Angleterre exigeait la culture de terres de moins en moins fertiles, engendrait une hausse des coûts de production et donc des prix de l’alimentation. Les céréales étant la base de la consommation ouvrière, la baisse des profits devait être retardée par le libre-échange et l’importation de céréales à bas prix. La libération du commerce fut ainsi la réponse donnée à la limite des ressources en un lieu, limite qui pourrait être temporairement compensée par des échanges avec un ailleurs. Or la concurrence internationale qui s’est généralisée par la suite s’est accompagnée de délocalisations, de montée des inégalités, de chômage structurel et de déséquilibres écologiques. En termes clairs, le choc de compétitivité est un choc des nations dont ni la France, ni la Chine, ni personne ne peut sortir gagnants… L’exportation ne devrait pas être le but premier d’un pays, mais la recherche de l’autonomie alimentaire et énergétique de chaque bio-région. L’écologie penche pour le protectionnisme, la démondialisation, en définitive la relocalisation.
Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :
Le yin du protectionnisme contre le yang du libre-échange (2019)
rapport Gallois, compétitivité et nationalisme guerrier (2012)
Le broyage des poussins mâles est non seulement une aberration parmi d’autres de ce système productiviste, mais une ignoble saloperie. La moindre des choses serait de laisser grandir tranquillement ces poussins, en plein air, le temps qu’il faut, pour ensuite les consommer comme poulets. Oui mais voilà, on nous dit que ce n’est pas rentable, pas compétitif ! Produire au moindre coût des dizaines de milliards d’oeufs pour produire des milliards de gâteaux bourrés de sucre et de saloperies diverses pour ensuite les vendre avec un juteux bénéfice, ça c’est rentable et compétitif. Satanée Compétition à la con ! Pour ce système la vie n’est qu’une marchandise comme une autre. Avant de les passer au broyeur, pour ensuite les transformer en croquettes ou en engrais, demain on gazera tous ceux qui seront jugés non rentables. Au nom de la sacro-sainte Compétitivité !