Depuis la campagne présidentielle de René Dumont en 1974, malthusien déclaré, la question démographique n’a plus été sujet à débat au sein des Verts, puis d’EELV, Elle a été ignorée, si ce n’est raillée. Voici un échange sur la question démographique qui a eu lieu réellement au sein d’EELV (Europe Ecologie Les Vert). Sylvain reflète dans ses considérations l’opinion majoritaire dans ce parti, Michel donne le point de vue d’un écologiste malthusien.
Sylvain : La démographie n’est pas un tabou, c’est un non-sujet (donc à ne pas traiter politiquement). Il y a d’abord un problème d’éducation/émancipation des femmes.
Michel : Il est incontournable pour un parti écologiste de prendre position sur la démographie car le poids du nombre d’humains sur la planète est devenu excessif. D’ailleurs parler de libération de la femme, c’est déjà faire de la politique démographique. Les femmes n’ayant pas été scolarisées ont en moyenne 4,5 enfants, 3 après quelques années à l’école primaire, 1,9 avec une ou deux années de cycle secondaire. L’éducation permet aux filles d’explorer d’autres aspects de la vie que celui de la maternité.
Sylvain : Il y a surtout un problème de répartition des richesses.
Michel : Aucun écologiste, malthusien ou non, ne peut dénier la question des inégalités, la sobriété doit être partagée. Il ne faut pas avoir une pensée binaire, blanc ou noir. Agir contre la surpopulation humaine est tout à fait complémentaire de l’action économique. Le problème c’est qu’autant la maîtrise de la fécondité est un objectif difficile à atteindre, autant le partage de richesses est un paradigme revendiqué depuis Karl Marx et jamais résolu. Le système croissanciste a même accru les inégalités mondiales au lieu de les réduire.
Sylvain : En aucun cas EELV ne peut laisser entendre que le problème écologique viendrait des autres, que ce soit des pauvres, des étrangers ou je ne sais quel bouc-émissaire qui permettrait à un riche conservateur occidental qui refuse sa part de responsabilité de se croire exonéré de prendre part à l’effort collectif sous prétexte qu’il y aurait une autre solution, un autre problème, ailleurs.
Michel : Aucun écologiste digne de ce nom ne se réfugie derrière des boucs émissaires ; laissons ce type d’attitude à l’extrême droite (c’est la faute des immigrés) et à l’extrême gauche (c’est la faute des riches). Devant l’extrême gravité des menaces qu’entraînent à la fois la surconsommation et la surpopulation, nous devons modifier profondément notre mode de vie quand on est un privilégié (sachant qu’un OS en France est privilégié par rapport à un pauvre des pays pauvres). Et comme l’exprimait le représentant de l’écologie politique René Dumont l(ors de la présidentielle 1974 ): « Si nous nous multiplions inconsidérément, le phosphore nécessaire à l’agriculture manquerait bientôt. Il faut réagir contre la surpopulation. En Inde surpeuplée certes, mais surtout chez les riches : 500 fois plus d’énergie consommée par tête à ne York que chez le paysan indien. Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. » Dumont à cette époque liait explicitement malthusianisme et lutte contre la pauvreté. A bientôt 10 milliards de personnes sur notre globe, c’est d’autant plus d’actualité. Un parti écologiste se devrait de dénoncer la politique nataliste du gouvernement français.
Sylvain : Il n’y a pas, scientifiquement, de démonstration comme quoi il y aurait surpopulation de manière absolue.
Michel : Si des gens meurent de faim au niveau mondial, c’est bien un des signes qu’il y a surpopulation. Si nous sommes perpétuellement dans des conflits armés, c’est bien un des signes qu’il y a surpopulation. Si on s’entasse dans des bidonvilles un peu partout sur la planète, c’est bien qu’il y a surpopulation. S’il y a réchauffement climatique, c’est bien parce qu’il y a trop de conducteurs d’automobiles. S’il y a baisse de la biodiversité, c’est bien parce que la surpopulation humaine prend les territoires des autres espèces. Etc. Bien entendu cela n’empêche pas que le niveau économique joue aussi son rôle, c’est bien montré par les interrelations de la formule IPAT (l’impact environnemental I est le produit de trois facteurs : la taille de la Population (P), les consommations de biens et de services ou niveau de vie (A pour « Affluence » en anglais) et les Technologies T utilisées pour la production des biens) et l’équation de Kaya (CO2 = (CO2 : TEP) x (TEP : PIB) x (PIB : POP) x POP. Quant aux scientifiques, surtout les biologistes, ils nous avertissent depuis de nombreuses années qu’une explosion démographique dans un milieu confiné ne peut aboutir qu’au désastre. Pour l’humanité, la planète est devenu une boîte de Petri. Mais c’est vrai, Sylvain, nos facultés d’adaptation sont telles que nous pouvons survivre (et non vivre) même dans le dénuement le plus absolu.
Sylvain : La surpopulation, c’est toujours un rapport relatif entre la population et la capacité de production.
Michel : Il est en effet nécessaire de relativiser le poids du nombre. C’est ce que faisait Malthus en 1798, montrant que dans des conditions naturelles la fécondité humaine suivait une progression géométrique (exponentielle) alors que les ressources alimentaires, à cause des rendements décroissants en agriculture, ne progressaient que de façon arithmétique (linéaire). Malthus peut donc être considéré comme un précurseur de l’écologie puisqu’il mettait en relation le nombre d’humains et les possibilités de production de son écosystème. Aujourd’hui il n’y a pas que la production alimentaire qui pose problème. C’est ce que montrait déjà en 1972 le rapport sur les limites de la croissance. Le raisonnement paraît imparable : « Notre modèle d’analyse des systèmes traite cinq tendances fondamentales : l’industrialisation, la population, l’alimentation, les ressources naturelles non renouvelables et la pollution. Les interactions sont permanentes. Ainsi la population plafonne si la nourriture manque, la croissance des investissements implique l’utilisation de ressources naturelles, l’utilisation de ces ressources engendre des déchets polluants et la pollution interfère à la fois avec l’expansion démographique et la production alimentaire. » Plus récemment le calcul de l’empreinte écologique a montré que notre activité humaine dépassait notablement les capacités de la planète et que nous sommes obligés de puiser dans le capital naturel au détriment des générations futures. En novembre 2017, plus de 15 000 scientifiques de 184 pays proposaient un ensemble de 13 mesures pour faire face à l’urgence écologique dont celle-ci : « Déterminer à long terme une taille de population humaine soutenable et scientifiquement défendable tout en s’assurant le soutien des pays et des responsables mondiaux pour atteindre cet objectif vital. » C’est une demande que devrait relayer publiquement des présidentiables écolos.
Sylvain : La faim dans la monde est toujours la conséquence de l’inégale répartition des richesse. Nous sommes, mondialement, en surproduction, nous gaspillons nos ressources et c’est bien notre mode de vie, à nous les occidentaux, qui en est responsable. Et qui doit changer.
Michel : Bien entendu on ne peut qu’être d’accord avec ces constats de Sylvain en enlevant le mot « toujours » puisque tout est relatif. Mais plus nous sommes nombreux, plus il est difficile de mettre en œuvre une égale répartition des richesses. Pour lutter contre les inégalités, les bonnes intentions qui se contentent de désigner l’objectif ne suffisent pas. Pour une sobriété partagée nous devrions baisser fortement notre niveau de vie. Un militant d’un mouvement écologiste se doit donc de montrer personnellement l’exemple de la sobriété. Que répondrait un parti écolo à cette proposition d’exemplarité?
Sylvain : La question de la démographie se posera peut-être un jour, aux générations futures, après que les autres leviers auront été actionnés. Si nous échouons à changer de civilisation. Mais nous, il nous appartient d’actionner les autres leviers (éducation, répartition des richesses, post-croissance).
Michel : Je ne sais pas si Sylvain a conscience que sa phrase veut dire que c’est aux générations futures d’assumer les conséquences de notre imprévoyance puisque, selon lui, il ne faut traiter aujourd’hui qu’une partie des problèmes. Après nous la fournaise ? Or nous, écologistes, nous œuvrons aussi pour le long terme, pour atténuer les conséquences funestes de la société thermo-industrielle. Il nous faut actionner tous les leviers, comportements individuels, actions associatives, politique électorale. Et ce dans tous les domaines. Si Sylvain ne veut pas agir sur le plan malthusien, libre à lui, mais qu’il ne dise pas qu’un parti écolo ne doit pas aborder la question démographique car ce serait là un « non sujet », donc hors sujet.
Comme il existe des restos pour les amateurs de viande, ou de poissons, il en existe aussi pour les végés. D’autres pour les musulmans, il en existe même pour les naturistes, les échangistes etc. Bref il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. Avant hier Biosphère nous annonçait que durant tout ce mois d’août nous aurions la question démographique au menu, je me suis alors dit que je ferais mieux de changer de resto. Hier surprise, en entrée on a eu droit à du bébé rôti, au moins ça c’était nouveau. Et aujourd’hui voilà qu’on nous sort du frigo, si ce n’est de la poubelle, le plat du 16 décembre dernier. Qui n’était déjà que du réchauffé, du faisandé. En attendant, un chose est sûre, il n’est pas facile d’innover. Le Tabou, les vrais et les bons zécolos, toujours la même tambouille. Sauf que, toujours manger la même chose à la longue ça dégoûte.
Sylvain : « La surpopulation, c’est toujours un rapport relatif entre la population et la capacité de production ».
Certainement pas: c’est un rapport entre la consommation et la ressource, que la ressource soit de l’eau, du poisson, du pétrole, des kWatt, des kilomètres parcourus, des hectares de forêt…Et toutes les ressources sont limitées et beaucoup s’épuisent.
La consommation c’est le produit de notre consommation individuelle moyenne par le nombre d’habitant. Or 90% d’entre nous, français consomme bien plus que la moyenne mondiale. Donc si on ne veux pas réduire par 10 notre niveau de vie, il faut réduire par 4 la population mondiale. Vu l’inertie démographique, il ne faut pas reporter les décisions courageuses sur les générations futures.
Les capacités de production sont de toutes façons dépendantes des ressources. Donc, dire comme Sylvain que «La surpopulation c’est toujours un rapport relatif entre la population et la capacité de production», ou dire comme J.M Favrot que «c’est un rapport entre la consommation et la ressource», revient à dire la même chose.
Pas tout-à-fait, si on se soucie de la production, on peut assez longtemps passer sous silence la surconsommation due à la surpopulation, jusqu’au jour où l’épuisement arrive (on peut toujours booster artificiellement la production, ce qui est le fondement de notre système économique) . Dès lors, on ne perçoit pas l’effet de la surpopulation sur le Jour du Dépassement …. Mon raisonnement à justement pour but de nous alerter assez tôt sur la surconsommation qui masque le problème démographique… jusqu’à la chute finale, c’est-à-dire l’épuisement.
Ce sont bien deux philosophie différentes à mon avis, et EELV tend fort vers le productivisme et le consumérisme avec de telles façon de se voiler la face… Risque car je suis certain qu’ils vont rectifier… enfin j’espère.
Bonjour Monsieur Favrot.
Ce que vous appelez la « surconsommation due à la surpopulation » me fait penser à l’effet rebond. Combien d’écotartufes n’en ont jamais entendu parler ? Finalement peu importe.
Même si je ne me focalise pas sur ce problème du (sur)nombre, je perçois très bien qu’il existe de ce côté là aussi, des limites. Donc, même s’il peut permettre à d’autres d’ouvrir les yeux sur ce problème, de toute façon insoluble, votre raisonnement ne m’avance guère. Comme vous dites, « Ce sont bien deux philosophie différentes ». Vous et moi sommes plantés dans ce « faux débat démographie/niveau de vie ».
Sylvain précise : «La faim dans la monde est toujours la conséquence de l’inégale répartition des richesses. Nous sommes, mondialement, en surproduction, nous gaspillons nos ressources et c’est bien notre mode de vie, à nous les occidentaux [etc.]»
Pour moi ce qu’il dit là est une évidence, qu’il n’y a pas lieu de discuter. Notre planète est en capacité de nourrir l’ensemble de la population actuelle. De la nourrir, mais certainement pas de la gaver. La question de savoir combien la Terre peut nourrir d’humains n’est pas tranchée, en attendant pour moi elle reste secondaire. Secondaire parce que la consommation ne se limite pas seulement à notre assiette.
Comme le souligne J.M Favrot, notre consommation dépasse largement les capacités et les ressources de notre planète. Regardons alors de plus près tout ce que nous consommons. Et regardons qui et combien, sur cette planète, sont ceux qui consomment au delà de la moyenne, voire de la juste mesure.