Forgée dans les années 1990 par Joseph P. Overton, alors vice-président des lobbyistes du Mackinac Center for Public Policy, l’idée centrale de la fenêtre d’Overton est que les idées jugées « acceptables » par le plus grand nombre au sein d’une société particulière constituent un ensemble, une « fenêtre », qui peut évoluer au cours du temps. Car répéter souvent un mensonge, il en restera toujours quelque chose.
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Marion Dupont : Pour réussir à emporter l’adhésion du public, il est préférable de se situer d’emblée à l’intérieur de la “fenêtre” d’Overton. Or, cette fenêtre se modifie en fonction des normes sociales et morales dominantes.D’un côté l’extrême droite travaille à rendre tolérables des idées autrefois jugées « intolérables » ; de l’autre, des acteurs de gauche censure des discours autrefois jugés « ordinaires ». Les idées, bien loin d’être des entités indépendantes les unes des autres, sont liées entre elles, et l’introduction d’une nouvelle idée influe sur toutes les autres. Il s’agit d’une guerre culturelle. L’alt-right de Donald Trump et la droite extrême d’Eric Zemmour transgressent les limites des normes politiques pour les faire exploser. Plus des responsables répètent une opinion, plus i la banalisent, plus ils la légitiment. » D’où la multiplication des « phrases choc », destinés à faire entrer dans la fenêtre du dicible des idées auparavant proscrites.
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Quelques compliments d’analyse offerts par les abonnés du MONDE :
Seven : Il me semble utile de mettre la fenêtre d’Overton en relation avec les notions de propagande et de manipulation. Le simple fait de RÉPÉTER un mot ou une expression dans les médias est une véritable arme oratoire. «L’opinion publique se fabrique et ceux qui veulent participer à sa formation endossent une responsabilité colossale vis-à-vis de la nation et du peuple entier» disait Joseph Goebbels en avril 1933. On connaît le triste sort de la presse allemande et de la liberté d’expression dans l’Allemagne nazie. Restons éveillé et agissons contre la sauvagerie et la violence insidieuses que certains hommes et certaines femmes politiques diffusent en toute conscience !
Furusato : Allez lire du côté d’ Edward L Bernays le célèbre Propaganda. Avant Goebbels il décrit les recettes, parties comme par hasard des US. Le problème de Goebbels c’était de décrire des fantasmes comme des réalités ( le judaïsme conduisant des plans mondiaux ) ; à l’époque actuelle c’est de décrire les réalités comme des fantasmes. Par exemple le Grand Rassemblement qui n’existe pas sauf dans les cerveaux complotistes, immigration qui, en même temps, nous est tout à fait nécessaire pour payer nos retraites.
Michel SOURROUILLE : L’un des principaux pionniers de la publicité comme « manufacture du consentement », Edward Bernays, décide d’utiliser les découvertes de la psychanalyse pour parvenir à une « manipulation des opinions et des habitudes. La diffusion dans la presse de photos de jeunes femmes fumant des cigarettes appelées « torches de la liberté » va par exemple inciter les femmes à fumer à une époque où ce comportement était réprouvé ; Bernays se vanta d’avoir doublé la taille du marché potentiel de l’industrie du tabac ! A notre époque, les éléments de langage véhiculés par les anti-écolos comme « écofascisme », « Khmers verts », « Ayatollahs de l’écologie », « retour à la bougie »… ont pour but d’empêcher de discerner avec clarté l’urgence écologique en rejetant a priori tout débat possible. Par contre ils font miroiter des fantasmes sous forme d’oxymores comme « moteur propre », « croissance verte », « nucléaire de transition », « agriculture raisonnée », etc.
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a2lbdb : La force de la répétition est un trompe-l’œil. Il suffit de constater combien aujourd’hui les éléments de langage sont raillés dans les médias. Ils sont nécessaires dans le sens où ils permettent de délimiter pour l’auditoire une communauté de pensée en évitant que les orateurs ne se contredisent les uns les autres lors d’interventions séparées mais ne permettent pas de conquérir les esprits. Le « succès » de Goebbels, des nazis, des communistes en URSS et plus largement des régimes totalitaires c’est : – L’usage débridé de la force pour faire taire les opposants – Les démonstrations magistrales d’une capacité à enflammer des foules (observez les conséquences du meeting manqué de Mme Pécresse) – Le mépris des masses au point d’être convaincu que mentir est une pratique politique vertueuse (démontré par Trump) – La haine de l’altérité et la quête de la pureté comme solution aux maux de la société.
Bullbh : Dans la construction du discours politique il y a des terme qui produisent l’ensauvagement et la violence, et d’autres qui luttent contre. Il y a ceux qui ouvrent la fenêtre à la haine et ceux qui l’ouvrent à l’empathie et au respect de l’autre. Tout simplement parce qu’il y a des gens qui croient qu’on doit bâtir une société par l’échange et l’adhésion quand d’autres ne jurent que par la contrainte et la violence. L’extrême droite croit à la valeur du knout comme élément d’intégration sans s’inquiéter des conséquences sur la société produite. Pourtant l’histoire ne manque pas de sociétés bâties sur la répression. Des politiciens aujourd’hui sont en train de jeter les bases d’une future dictature dont les recettes sont connues et toujours d’actualité autour de nous : voir Trump, Bolsonaro, Orban, etc
pierre guillemot : Les idéaux infrangibles de la société évoluent sous la pression de la majorité. En démocratie, on met les avis en tas, et le plus gros tas a gagné (Alphonse Allais).
Sujet intéressant, les commentaires aussi. Seven a raison de mettre la fenêtre d’Overton en relation avec les notions de propagande et de manipulation (sic). Je pense d’ailleurs que c’est la première des choses à voir en tête.
Le livre «Propaganda» d’Edward Bernays est incontournable, il devrait être connu de tous les étudiants en marketing ainsi que de tous ceux qui combattent la propagande et la publicité.
Dans «Petit cours d’auto-défense intellectuelle» (que je conseille également), Normand Baillargeon raconte que Bernays fut quelque peu chamboulé d’apprendre tout l’intérêt que Goebbels portait à son livre. Comme quoi il n’avait pas pensé à ça … Cette anecdote va dans le sens de la célèbre expression : «l’enfer est pavé de bonnes intentions».
La propagande reste une des caractéristiques de tous les régimes autoritaires. L’embrigadement de la jeunesse, la neutralisation ou l’élimination de toute opposition, la restriction des libertés, l’usage de la force, en sont d’autres.
a2lbdb ne devrait pas sous-estimer la force des répétitions (méthode Coué) dans la propagande. Comme la distorsion des mots (voir la citation de Goebbels au sujet du cercle et du carré).
Michel Sourrouille met les écolos d’un côté et les anti-écolos de l’autre (vision binaire). Je suis désolé mais je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas démonter les oxymores («moteur propre», «croissance verte», «nucléaire de transition» etc.), pour éviter à certains de se faire couillonner… et parler aussi d’«écofascisme» ou de «Khmers verts» pour mettre en garde contre les dérives possibles d’un certain écologisme (idéologie).