Théophile de Giraud, antinataliste engagé

Théophile de Giraud est un dénataliste enragé qui a publié en 2006 un livre malheureusement resté confidentiel, « L’art de guillotiner les procréateurs (manifeste anti-nataliste) ». Il a participé au livre collectif « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie) » dans le chapitre, « Pour un dénatalisme radical : Save the Planet, make no baby !

Après le triangle des Bermudes, le rectangle de l’Impossible

Sauve la planète, ne fais pas de bébé : peint en vert vif sur une banderole blanche, tel est le slogan délibérément provocateur que le Collectif des Lutins Obstinément Dénatalistes a déployé sur les marches du Sacré-Cœur à Paris en mai 2012. Il s’agissait de faire valoir que la dénatalité radicale n’est plus une option parmi d’autres, mais la seule solution crédible aux désastres environnementaux en cours, désastres qui n’iront qu’en s’amplifiant dramatiquement tout au long du 21ème siècle si cette solution pourtant simple n’est pas appliquée au plus vite, de la façon la plus vigoureuse possible, en dehors de toute forme d’autoritarisme ou de coercition cela va sans dire.

Lorsqu’ils osent, rarement, effleurer les problèmes démographiques pour prestement les nier, il est un chiffre-clé que les médias ne mettent jamais en exergue, de peur sans doute de provoquer la panique, sinon des tsunamis de suicides, des épidémies d’auto-mutilation, des flambées de psychose, ou même d’ignominieux carnages dans les maternités.

Ce chiffre, il est donc fort probable que mon auguste lecteur l’ignore aussi : quelle est la superficie de terre habitable, exprimée en hectares, disponible pour chaque être humain ?

Il n’est pas rare, lorsque je leur pose cette question – réelle pierre de touche avant toute discussion sur les rapports conflictuels entre environnement et population – que des personnes cultivées, intelligentes, soucieuses d’écologie, mais assez distraites lorsqu’il s’agit d’ordres de grandeur, me répondent : des centaines, voire des milliers d’hectares, disqualifiant d’emblée leurs postures fertilistes, tant vaste et grotesque divague leur illusion !

Le calcul est pourtant simple : nous sommes 7,1 milliards, la superficie des terres émergées est de 149 millions de km2, dont il faut déduire les déserts chauds (Sahara, Kalahari,…) et froids (Antarctique, Groenland,…), qui représentent plus de 25% des surfaces continentales, ainsi que les autres contrées difficilement colonisables par l’homme, telles que la haute montagne, le Grand Nord ou les cratères de volcans en activité. Sans même parler des zones mortellement contaminées par nos armées de chimistes et d’ingénieurs, telles que Tchernobyl ou Fukushima, en attendant la prochaine catastrophe telluricide. Sans même parler non plus des îles basses et autres terres littorales bientôt perdues suite à la hausse des océans, ni des aires naguère arables et habitées noyées par la construction de barrages destinés à subvenir aux besoins énergétiques exponentiels de notre humanité désormais aussi banale que le plancton, même si celui-ci, réchauffement et acidification des eaux faisant, a de moins en moins bonne mine…

Bref, d’un point de vue réaliste, la superficie des terres habitables n’excède guère les 100 millions de km2, ce qui nous laisse une aumône de 1,5 hectare maximum par exemplaire d’homo sapiens.

Un minuscule rectangle de 150 mètres sur 100 pour assurer votre subsistance et produire tout ce que vous consommerez durant votre existence : logement, nourriture, chauffage, éclairage, vêtements, meubles, outils, médicaments, vin, bière, tabac, jeux, vélo, voiture, ordinateur, frigo, cuisinière, télévision, lave-linge, lave-vaisselle, téléphone, robots ménagers, appareil photo, caméra, chaîne hi-fi, magnétoscope, imprimante, aspirateur, décodeur, ventilateur, vibromasseur – arrêtons là, la liste serait longue de nos gadgets-prothèses modernes et cette brève énumération fait sauter aux yeux l’évidence que notre hectare de territoire ne peut suffire à assouvir nos « besoins » contemporains, ni même à assurer l’absorption ou le recyclage des déchets que nous produirons par tonnes, même en confinant les abominables couches-culottes jetables hors bilan…

1,5 hectare : voilà qui laisse songeur, d’autant que vous n’êtes pas seul sur ce timbre-poste. Vous êtes le seul primate homo sapiens, c’est entendu, mais… Mais ?

Vous avez compris si vous n’êtes ni spéciste ni raciste : l’homme n’est qu’un mammifère parmi d’autres et les autres mammifères ont eux aussi le droit d’occuper votre rectangle de 500 mètres de pourtour, non seulement vos chiens, chats, rats et furets domestiques, non seulement vos vaches, veaux, poules, cochons, brebis, lapins, chevaux et toutes les têtes de bétail qui vous nourrissent, mais aussi les lynx, loups, lions, lamas, léopards, lièvres, taupes, belettes, renards, zibelines, tatous, cerfs, blaireaux, sangliers, phacochères, oryctéropes, bisons, buffles, zèbres, gnous, gazelles, écureuils, wombats, tapirs, capybaras, coatis, gorilles, zorilles, girafes, grizzlis, yaks, rhinocéros – attention reculez un peu s’il vous plaît – hippopotames, élans, gambadants, sautillants, trottinants, galopants et même éléphants. Vous vous sentez à l’étroit ? C’est normal, eux aussi.

Encore n’avons-nous parlé que de mammifères, car votre rectangle de poche, il s’agit de le partager avec tous les autres animaux terrestres, reptiles, insectes, oiseaux et batraciens inclus. Diable et démiurge, j’oubliais les espèces végétales, dont ces précieuses forêts de moins en moins primaires que la poésie des technocrates chante sous le charmant nom de « puits de carbone ». Il s’agira donc de ne surtout pas bétonner ou macadamiser votre petit rectangle de rien du tout ni d’y construire usines, hangars, bureaux, hôpitaux et centres commerciaux : où donc allez-vous planter vos choux et laisser s’ébattre les caribous ?

Vous voici à même de saisir physiquement, viscéralement, la cause de l’effondrement actuel de la biodiversité : cette cause n’est autre que le NOMBRE d’homo sapiens sur cette planète scandaleusement inextensible, malgré les efforts conjugués de nos grues, de nos cosmonautes et de nos démographes officiels docilement négationnistes. Votre maigre quadrilatère ne peut suffire à combler tous vos besoins, même si vous y trônez royalement seul : que dire si d’autres animaux le squattent sans titre de propriété, vous conférant ainsi le droit de les abattre à vue afin de protéger votre rachitique espace vital. Et vous tirez à merveille : face aux milliers d’espèces disparaissant chaque année, les scientifiques n’hésitent plus à parler d’extinction de masse. Selon la très crédible UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), accrochez-vous, je cite : « 41% des amphibiens, 13% des oiseaux et 25% des mammifères sont menacés d’extinction au niveau mondial. C’est également le cas pour 31% des requins et raies, 33% des coraux constructeurs de récifs et 30% des conifères. » Le désastre absolu, que chaque bébé, du Nord ou du Sud, amplifie.

Mauvaise nouvelle en effet pour votre lopin de terre, il fond encore plus vite que la banquise – puisque 360.000 nouveaux-nés viennent chaque jour s’échouer sur notre radeau spatial en lambeaux. Dans le même temps, quelques 150.000 personnes ont la chance de le quitter : le solde net n’en reste pas moins de 210.000 nouvelles bouches à nourrir et corps à loger-chauffer-soigner-vêtir chaque jour. 1,5 million par semaine. Un nouveau Paris et sa banlieue toutes les 6 semaines. 75 millions de plus chaque année : une méchante grosse France de plus tous les ans sur une Terre qui s’étiole déjà depuis des décennies sous la pression anthropique : n’en jetez plus, la poubelle est pleine.

En 2050, avec les 10 milliards d’habitants qui sursatureront la planète, votre microscopique rectangle sera devenu un asphyxiant carré de 100 mètres de côté : quatre minutes de marche funèbre suffiront pour faire le tour du propriétaire. Fort heureusement, il restera peu d’animaux à tuer pour préserver votre cage, la plupart seront déjà morts, notre main mise absolue sur leur espace vital les aura méthodiquement éliminés, et seuls les zoos en conserveront les ultimes individus compréhensiblement déprimés.

Décroître au carré

Est-il encore nécessaire de rappeler que l’empreinte écologique d’un Européen moyen n’est pas tenable puisque si tout le monde menait son train de vie, l’humanité aurait besoin de trois planètes pour répondre à ses besoins, à ses envies, à sa gloutonnerie, à son incapacité à limiter ses vices expansionnistes.

Qu’à cela ne tienne, modérons donc ce train de vie, prenons-le plus souvent, d’ailleurs, le train, avec nos poupons vêtus en seconde main et tout ira pour le mieux, clameront nos amis les décroissants économiques, qui ont raison sur le fond politique (mort au consumérisme et au capitalisme, certes !), mais se complaisent malheureusement sur le plan écologique dans une bulle onirique d’impossible et rectangulaire aloi.

Voyons pourquoi.

Force est de constater, malgré les litanies d’appels à la simplicité évangélique, à l’Etre au détriment de l’Avoir (soudain sirupeux souvenir proustien de mes attendrissants cours de catéchisme), force donc est de prendre courageusement acte que ce n’est nullement l’Occident qui décroît, mais bien les pays émergents qui croissent à toute flamme et n’ont rien de plus pressé que de rejoindre notre niveau de vie, tant il est vrai que le confort restera toujours plus confortable que l’inconfort et la surabondance plus alléchante que la privation.

Force est aussi de constater que pour que l’empreinte écologique d’un Occidental moyen devienne compatible avec l’unique Terre dont nous disposons, ce brave imbécile doit diviser son pillage de ressources par … trois ! Très énergivore et polluant, son ordinateur connecté à internet est bon pour l’exil dans le néant. Je serais par ailleurs fort curieux de connaître l’empreinte écologique d’un économicodécroissantiste standard, en pull pour gagner deux degrés au thermostat et robinet fermé pendant son brossage de dents, la conscience tranquille comme une ampoule à basse consommation – et haute teneur en mercure toxique… Seuls les végétariens s’éclairant à la bougie, bougeant à pied-vélo et n’utilisant ni frigo ni lave-linge à obsolescence programmée sont crédibles : les autres m’exaspèrent autant que des boys scouts en jupe. Nous sommes définitivement trop nombreux par rapport à la capacité de charge de la planète1, et il s’agit vraiment de se priver gigantesquement pour espérer faire croire que nous sommes trop peu, ou juste assez.

Néanmoins ému devant la naissance illimitée d’angéliques têtes blondes sur lesquelles repose la promesse d’un monde meilleur, le gentil Parti Pour La Décroissance (PPLD) dont le discours ressemble furieusement à celui du pape lors de son sermon de Noël, ose hypocritement, sur son site internet, qualifier les dénatalistes d’eugénistes potentiels, et considère qu’« on ne gère pas la population mondiale comme un stock de voitures »

Ce n’est pas faux, il est en fait beaucoup plus facile de gérer la population mondiale, à l’aide de quelques stratégies simples et réalistes, nullement eugénistes ni autoritaires (ah, la Chine, ce nouveau point Godwin) sur lesquelles nous reviendrons.

Car effectivement, gérer les stocks d’automobiles relève du casse-tête que l’on sait. Sur la seule année 2012, on peut déplorer 3 millions de voitures neuves vendues en Russie, 12 millions en Chine, 60 millions dans le monde, 115 par minute, 2 toutes les secondes : on peut certes déplorer à chaudes gommes et freiner des quatre rosaires mais bonne chance pour identifier les acheteurs et les supplier de s’abstenir.

C’est là que le bât blesse avec les aussi sonores que creux appels à la sobriété volontaire : le primate homo sapiens, comme tous les primates, se gave de toute chose agréable aisément disponible. Bref, l’ADN du plus cruel, du plus avide, du plus égoïste des singes pèse lourd dans le débat, et il n’est pas superflu d’en tenir compte.

Ainsi n’est-il pas du tout facile de convaincre un pauvre de rester pauvre quand il peut devenir moins pauvre et encore moins de convaincre un riche de devenir plus pauvre pour que la planète puisse accueillir encore plus de bébés pauvres, mais sobres.

Reste la question de savoir si la sobriété est une solution, et jusqu’à quand. A moins que 7 milliards de chasseurs-cueilleurs ou de pasteurs-agriculteurs ne soient pas non plus une bonne affaire pour la biodiversité.

Bref, ne serait-il pas urgent de décroître économiquement ET démographiquement ? Décroître au carré ! Car tout de même, nul n’a une empreinte écologique plus faible qu’un non-parent, qui ne pollue que de son vivant, nullement à titre posthume via ses descendants, et qui modère solidairement ses appétits consuméristes par souci de l’environnement ; alors qu’un volontarosobriétaire pétrorabhinoïde vivant sous le seuil de la pauvreté avec ses cinq enfants n’est rien d’autre qu’une catastrophe écologique sur pattes, mi-tartufe mi-dément.

Surpollupopulation : tous coupables de clowneries sur un trapèze

Il est très fâcheux que les médias défigurés par leur cortège d’experts à la solde de l’Etat ou d’une idéologie lénifiante distinguent toujours pollution et population, parlant tantôt de l’une, tantôt de l’autre, rarement des deux ensemble, pour mieux rassurer les populations sur leur faculté à limiter leur pollution, comme s’il était possible qu’une population ne pollue pas.

Il faut hélas admettre que toute population, que tout individu même, exerce une pollution – pollution s’entendant au sens de pression sur les écosystèmes, pression qui se transforme très vite en dégradation, puis en destruction si la population surabonde sans mesure par rapport à un territoire donné, ainsi que s’en souvient l’Islande dont la forêt primitive fut éradiquée par les Vikings qui la découvrirent et colonisèrent au IX° siècle. Et pourtant les Vikings n’avaient même pas de vélos ni de limousines, juste des drakkars 100% bio.

De même, l’aurochs, le dodo, l’aigle de Haast, le moa géant de Nouvelle-Zélande, l’æpyornis ou l’hippopotame nain de Madagascar ont été exterminés par l’homme bien avant le début de la révolution industrielle, à une époque où chaque homo sapiens avait une empreinte écologique qui ferait se cramoisir de honte un militant du PPLD.

On pourrait encore citer ces cas emblématiques de cervidés, pourtant sobres et very-low-tech, introduits sur une île dépourvue de prédateurs et pullulant jusqu’à dévaster la biodiversité des végétaux, des insectes (90% des espèces de ceux-ci se trouvant parfois abolies) et des oiseaux qui en dépendent2.

C’est pourquoi il m’a semblé important d’introduire le concept de surpollupopulation dans un des chapitres de mon pamphlet anti-nataliste3, concept visant à mettre en évidence ce qui devrait être perçu comme l’évidence même : le problème n’est aucunement le mode de vie, mais la quantité d’individus qui pratiquent ce mode de vie.

Surchasse, surpêche, surpâturage, surexploitation, déforestation, désertification, épuisement des nappes phréatiques, pic pétrolier et pic de tout, pantelante humanité grattant partout les fonds de tiroir de la planète, inévitables effets directs de la surpollupopulation… Homo sapiens étant un super-prédateur dont le nombre croît à mesure de l’abondance des ressources jusqu’à détruire progressivement celles-ci, et ce quel quoi soit son niveau technologique ou économique, il est illusoire de croire que l’on peut réduire sa nocivité autrement que par un méthodique contrôle de sa population, sauf à laisser le soin de la régulation des effectifs au sempiternel et fort peu sympathique trio guerres-maladies-famines. Dès le paléolithique, homo sapiens fut contraint de se répandre sur toute la planète pour accéder à de nouvelles ressources, chaque nouvelle génération devenant bientôt de trop sur le territoire ancestral : preuve s’il en est que la sobriété volontaire n’est d’aucune efficacité sans l’usage intensif de contraceptifs.

On a souvent brandi le syndrome de l’île de Pâques comme métaphore de ce qui pend au grouin de l’humanité tout entière si elle s’obstine à ne pas comprendre qu’une sphère est un espace fini, totalement incompatible avec une croissance économico-démographique infinie.

On a tout aussi souvent brandi l’atroce exemple de Tikopia comme modèle de « gestion durable », ce dont je m’offusque vertement car cette île (sur laquelle je ne mettrai jamais les pieds, car avec une densité de population de 240 habitants au km2 – l’insupportable moyenne planétaire n’étant « que » de 45 – je risque d’être assiégé de spasmes agoraphobiques, sinon de pulsions homicides) est à vrai dire complètement anthropisée par des millénaires d’exploitation, sertie d’une biodioversité mammiférine frisant le zéro, et ce malgré des siècles de guerres, de famines cycliques4, d’émigration et d’infanticides afin de réguler vaille que vaille la prolifération d’individus qui n’ont dû leur survie qu’à la surabondance des ressources halieutiques et végétales d’un climat tropical (le « modèle » Tikopia n’est décidément pas exportable au Népal) et n’ont même pas réussi à partager leur espace vital avec quelques timides cochons… Importées comme nourriture au XII° siècle, les pauvres bêtes furent exterminées au XVI° car consommant trop de calories par rapport à leur viandesque rentabilité. Voilà qui me rappelle les préoccupations post-modernes visant à transformer le singe omnivore que nous sommes en végétarien forcé5, ou en insectivore au dégoût dûment déconditionné.

Pour en revenir à nos ignames, on sent qu’un sanglier sauvage, une girafe en fringale ou une tribu de bonobos demandant l’asile politique pour échapper à l’extinction qui les menace en Afrique n’ont pas du tout leur place sur Tikopia, ce chiffon de volcan criblé de fertiles homo sapiens veillant jalousement sur leur garde-manger. Bref, Tikopia est peuplée d’humains et de plantes vivrières : cela me semble maigre, et nullement compatible avec l’idée qu’il conviendrait de se faire, sans fascisme anthropocentrique, de la biodiversité.

Pour le dire autrement, Tikopia est effroyablement surpollupeuplée (à densité égale, la Terre compterait 37 milliards de prédateurs humains !), et ce malgré le mode de vie plutôt austère de ses habitants qui préfèrent toujours, fort sagement du reste, le pagne à la cravate, et le taro à la moto.

Le NOMBRE, tout est dans le NOMBRE, nullement dans le mode de vie ni dans l’empreinte écologique, concept affligeant s’il en est, signal d’alerte rouge explosif par son émergence même, né de l’extravagante surabondance du NOMBRE et proprement impensable sur une Terre peuplée de quelques millions (j’ai bien dit millions) d’homo sapiens, qui pourraient à loisir polluer, cultiver, chasser, pêcher, bûcheronner et gaspiller à outrance en un nietzschéen potlatch d’exubérante débauche simiesque sans même que Gaïa ne sourcille ni ne vacille.

Démonstration : les caprices infinis d’un seul milliard d’Occidentaux ou d’occidentalisés mettraient la Terre en cendres (après le PC, le PH, l’hélicoptère personnel, supersonique si possible, avec pales en platine massif gainées de cuir de pénis de baleine) ; mais cent milliards de chasseurs-cueilleurs ou de pasteurs-agriculteurs, totalement en ligne avec les catholiques suppliques des décroissants économiques, giflant même ceux-ci par leur presque imbattable sobriété (la seule sobriété digne de ce nom étant de ne pas se reproduire du tout), suffiraient à mettre la planète à genoux et à exterminer la majeure partie des espèces vivantes.

On observe ce phénomène aussi bien en Inde qu’en Afrique ou ailleurs, où les conflits entre les populations locales et les populations d’autres animaux se résolvent toujours au détriment de ces dernières – la réintroduction du loup dans les Pyrénées françaises a surtout réintroduit la balle du fusil des bergers dans la peau du loup… Partout dans le Tiers-Monde, la chasse aux terres cultivables ou au bois de combustible engendre déforestation et désertification. Or, comment expliquer à un crève-la-faim qu’il ne doit pas laisser ses troupeaux aussi flageolants que lui provoquer quelque surpâturage nuisible à l’intégrité des sols ? A la place d’un paysan africain, qui sait si je ne tuerais pas aussi les animaux d’un parc national pour m’en nourrir, ou pour éviter qu’ils ne nuisent à mes vaches décroissantesquement plus que maigres ? Crachons le morceau, tout vertuprétendants que nous sommes : manger précède baiser, ainsi que toute autre forme d’érotisme éthique peinturluré d’écologisme. Cruelle assertion, mais combien vérifiable dans chaque situation de famine ou de guerre, la première engendrant volontiers la seconde.

Le temps est donc venu de renvoyer dos à dos xénophobes et tiers-mondistes, le sadisme des premiers considérant que tout ce qui n’est pas blanc mérite de crever, sauf l’ours polaire s’il reste sagement assis dans un zoo à contempler nos crèmes glacées ; l’angélisme des seconds jurant qu’il n’est rien de plus impératif que de sauver un affamé et ses squelettiques cinq enfants, qui à leur tour feront cinq enfants tout aussi sous-alimentés, sans même glisser quelques salvateurs préservatifs dans le salutaire sac de blé.

Oui, le temps est venu d’oser dire, quitte à se faire 7 milliards d’ennemis à nids fournis, que sur une planète surpollupeuplée, tout être humain supplémentaire, en 4X4, à bicyclette, à trottinette ou à dos de dromadaire, est désormais un être humain de trop qui se surajoute à un mortel excédent surnuméraire de déjà trop d’humains surpollupopulatifs, terriblement invasifs et biotopologiquement exterminateurs. Oui, chaque bébé qui naît, n’importe où dans le monde, c’est un peu de Terre qui meurt ! Ceci dit, il convient aussi de dire qu’il appartient absolument au brave imbécile occidental de montrer l’exemple en consommant moins et en se reproduisant encore moins, car le brave imbécile occidental a du moins accès à tous les moyens contraceptifs possibles, vasectomie comprise, au contraire de l’affamé du Sud qui n’a tout bonnement accès à rien du tout, pas même à l’eau potable ou à la pilule qui sauve.

Cercle vertueux

Pour transformer le rectangle de l’Impossible en sphère écologiquement crédible, il s’agit donc d’allier la décroissance démographique à la décroissance économique et d’instaurer par là même un cercle véritablement vertueux. Le dénatalisme n’est pas une solution, il est la solution sine qua non à TOUS nos problèmes environnementaux, ainsi qu’à la plupart de nos problèmes sociétaux, puisqu’il s’attaque au seul et unique problème : celui du NOMBRE.

Il est tout de même frappant qu’Haïti (363 hab/km2 et 3 enfants par femme en 2012) ait perdu la quasi-totalité de son couvert forestier, prolixement évaporé en surfaces agricoles et en charbon de bois comme source d’énergie, malgré le niveau économiquement sobre, d’autres oseraient dire pauvre, de sa population…

Je ne suis pas sûr qu’un militant du PPLD ait le courage d’aller demander en face à un haïtien sous-alimenté de décroître économiquement pour réduire sa calamiteuse empreinte écologique à l’échelon local. Les femmes haïtiennes sauraient très bien par contre que faire d’une pilule contraceptive si elle leur était 1° accessible 2° gratuitement… Car nombre d’entre elles – 40% pour être précis – appartiennent, contre leur gré, à ces quelques 220 millions de femmes sur la planète dont les désirs contraceptifs ne sont pas assouvis6.

La question devient donc : comment mettre en œuvre une politique dénataliste non contraignante ? Qu’il faille assumer cette question dont la réponse se trouve pourtant sous nos yeux, au cœur même de statistiques élémentaires, prouve à suffisance combien s’avère efficace la censure médiatique systémique et systématique qui broie au kärcher tout embryon de débat sur le bien fondé, ou non, désormais, de la procréation.

Au delà de toute chimère, il est un fait mondialement avéré et fort bien documenté : quand les femmes ont accès à l’éducation, à la liberté de choix, à l’autonomie financière, à la contraception et à l’avortement, la dénatalité est automatiquement au rendez-vous.

Admirons plutôt : 1,9 enfant par femme au Royaume-Uni ; 1,6 en Suède ; 1,5 en Espagne ; 1,4 en Allemagne, en Italie et en Russie (au grand désespoir de l’ubuesque Poutine qui tente en vain de relancer la natalité à grands coups de roubles comme le ferait un névrotique habitué des prostituées) ; 1,2 en Corée du Sud ; 1 à Taiwan et même 0,8 à Singapour dont les pouvoirs publics martèlent, depuis les années 1970 il est vrai, le slogan « Deux, c’est assez », comme quoi inverser la polarité de la propagande produit très vite de merveilleux effets.

Et la France ? A peine 2,01 enfants par femme : pas même de quoi garantir le renouvellement des générations, cruel, lamentable, pathétique échec de la politique pourtant ultra-nataliste de cette petite république complexée, inquiète du montant de ses retraites comme une vieille dame aigrie, dépourvue de toute imagination dépassant le niveau du tricot d’un bas de laine et totalement indifférente aux enjeux écologiques de ce siècle.

Bref, et cela devrait résonner comme un uppercut, les chiffres ici et maintenant donnent tort aux économicodécroissants puisque rien ne décroît, surtout pas le PIB mondial ou des pays émergents, au contraire ! Tandis que les chiffres ici et maintenant donnent raison aux dénatalistes, puisque les femmes sont d’elles-mêmes spontanément dénatalistes et préfèrent la qualité à la quantité dès qu’on leur en offre l’opportunité !

Donc oui, la solution est là, sous nos yeux, réaliste, efficace, avérée, indiscutable, et ce depuis des décennies : elle porte le doux nom de féminisme et le délicat prénom de massacre de toute forme de phallocratie ou de patriarcat, et de leur principal vecteur, les doctrines religieuses.

Il est tout de même atroce de constater que le nombre de grossesses non désirées s’élève à 80 millions chaque année dans le monde. Souvenez-vous : 75 millions d’homo sapiens de plus tous les ans. Et dans le même laps de temps : 80 millions de grossesses non désirées… Cherchez l’erreur… Certes, 40 millions de grossesses forcées se concluent heureusement par un avortement, souvent intrépide car clandestin, mais cela représente tout de même 35 millions de bébés non désirés qui pourraient être évités en un clin d’œil, chaque année, si l’accès au planning familial était un Droit de la Femme universel et intangible !

N’en déplaise aux religieux, ces criminels trafiquants d’arrière-mondes à l’usage des analphabètes et des angoissés, qui usent du lapinisme comme arme de guerre contre les autres religions, sans le moindre souci de l’intérêt de la femme, de l’enfant et de l’environnement !

Outre le féminisme et son corollaire (le planning familial), d’autres stratégies pourraient être mises en place pour favoriser davantage encore le recul démographique qui s’amorcerait alors. Sait-on par exemple qu’en Belgique, 13% des gens regrettent avoir eu des enfants7. On subodore que le chiffre serait assez semblable à l’échelon européen. 13% de victimes directes donc de l’infernale propagande nataliste, 13% d’adultes qui auraient finalement choisi de ne pas se reproduire si le bourrage de crâne, la pression normative subie et les avantages matériels offerts avaient été moins forts. A ces 13% de victimes, il faut ajouter ces 10% de femmes childfree, qui n’ont pas d’enfants et n’en veulent farouchement pas, mais qui se plaignent amèrement du harcèlement reproductif, sexuel donc, dont elles font l’objet8.

Foudroyant constat ! Presque 25% de non-parents potentiels si l’on abolissait le matraquage fertiliste dont enseignants, politiciens, industriels, publicitaires, artistes, journalistes et religieux se rendent quotidiennement oupables…

On saisit d’autant mieux l’importance de mettre énergiquement fin au conditionnement nataliste et de le remplacer par une éducation de qualité, centrée sur l’esprit critique face à toute évidence reçue plutôt que sur l’adaptation au corps sociétal, où se discuterait dès le lycée le bien-fondé ou non de se reproduire. Imaginons l’impact sur les adolescents d’une formation scolaire aux vertus de la dénatalité et aux innombrables inconvénients de la parentalité, aux antipodes donc de la pensée mononeuronale actuelle qui s’acharne à leur faire mensongèrement croire que la reproduction est le pinacle de l’épanouissement existentiel. Imaginons même l’impact météoritique d’une éducation qui dévaloriserait puissamment la famille, surtout nombreuse. Imaginons dans la foulée le jour où une femme enceinte aurait honte de sortir en rue, percée de jeunes regards désapprobateurs quant à son manque absolu de civisme écologique…

Autres stratégies disions-nous : vigoureuse inversion des polarités de valorisation certes, mais aussi incitants financiers à ne pas avoir d’enfant du tout, tels que la suppression totale des allocations familiales évidemment, mais aussi leur remplacement par une récompense de 100.000 euros à toute femme ayant atteint la ménopause sans avoir enfanté : son empreinte écologique tombant à zéro pour l’éternité, au contraire d’un reproducteur dont la sienne est potentiellement infinie, même s’il est unipare, car nul ne sait si son enfant n’en fera pas dix … ou vingt. On pourrait également imaginer des primes à la stérilisation volontaire : 10.000 euros cash pour une vasectomie avant le premier enfant. On ne serait jamais 10 milliards en 2050, ni même huit milliards en 2025, je vous l’assure.

Mieux encore, dès 1932 (!), le philosophe Henri Bergson préconisait, « dans les pays où la population surabonde, de frapper de taxes plus ou moins lourdes l’enfant en excédent »9. En hommage au principe du pollueur-payeur, écotaxons même chaque naissance occidentale à tour de bras, puisque l’abominable bébé, en plus d’être un liberticide cadeau empoisonné que s’offrent ineptement ses parents, est aussi désormais un cadeau très empoisonnant pour l’environnement.

Autant de politiques dénatalistes volontaristes donc, réalistes et non-coercitives, qui permettraient de s’aligner très rapidement sur le sage conseil du commandant Cousteau : 800 millions d’homo sapiens maximum.

Cela me paraît généreux, osons le rêve, l’imaginaire et le réenchantement du monde, reprenons goût aux immenses espaces vierges de toute présence humaine, traversés seulement par l’exaltante-apaisante beauté de la nature, et fixons-nous pour objectif 300 millions de personnes sur Terre en 2100, et 30 millions en 2200. Les autres animaux pourraient à nouveau respirer, et nous aussi !

Ce serait, enfin, la rimbaldienne liberté retrouvée, la jouissance des grandes étendues sauvages, les ressources en surabondance pour tous, la redécouverte de la vie en harmonie avec les cycles, les êtres, vivants et non-vivants, selon l’antique émerveillement des aborigènes australiens, autrement doués en matière d’équilibre écologique multimillénaire que les inquiétants habitants de Tikopia, pour ne rien dire, la grossièreté guetterait, de ceux de New-York, Londres, Paris ou Bruxelles, porcs massifs dont tout nouveau porcelet n’est qu’une tragédie de plus à subir par les écosystèmes.

Avant de conclure, dernière remarque d’ordre purement mathématique, sans nul doute extrêmement contrariante pour ceux qui adorent laisser pisser l’amnios et penser comme des planqués : plus on attend pour mettre en place des politiques vigoureusement dénatalistes, plus un grand NOMBRE de femmes soi-disant folles de maternités multiples devront un jour se priver d’enfants, ou les voir mourir de faim sous leurs yeux légitimement affamés de contraceptifs. Sauve la planète, ne fais pas de bébés, mais mieux encore : Sauve la planète, aide les femmes qui n’en désirent pas à ne pas avoir de bébés.

Point central en guise de quadrature du cercle

Force est d’admettre que nous sommes entrés dans l’ère du paradoxe nataliste : procréer n’est plus servir la vie, mais au contraire lui nuire violemment. Ainsi un écologiste qui enfante est-il désormais un écologiste douteux, ridiculement éloigné des valeurs dont il se croit l’héritier.

Mais en définitive, avons-nous aucunement le droit de nous reproduire ? Et si oui, sous quelles conditions ? Au delà du débat écologique, il serait peut-être bon de réfléchir à ce double questionnement. Mettre un enfant au monde est-il réellement compatible avec l’éthique, sachant d’une part que le précepte central de celle-ci nous enjoint de ne pas porter préjudice à autrui, et que d’autre part l’existence recèle d’innombrables préjudices ? Procréer n’est certes pas dans l’intérêt de l’environnement, reste à prouver que naître sur une planète à l’agonie, ou que naître tout court, surtout dans cette société d’injustices, de violence étatique, de contrôle policier et de répression disproportionnée, est humanistement, compassionnellement, dans l’intérêt de l’enfant… Pour ma part, lorsqu’on me demande pourquoi je refuse de faire un enfant, la réponse de Thalès de Milet (non-procréateur, mais créateur d’un inoubliable théorème géométrique) à cette même immémoriale question me revient toujours en mémoire : « Justement par amour des enfants »…

1. L’« Earth Overshoot Day », le jour où l’humanité a consommé son quota annuel de ressources renouvelables, tombe de plus en plus tôt : le 19 décembre en 1987, mais le 22 août en 2012 !

2. Michel Coqblin, Haïda Gwaii, un laboratoire grandeur nature, documentaire coproduit par Mille et Une Productions et le CNRS Images/media, 2003

3. Théophile de Giraud, L’art de guillotiner les procréateurs : manifeste anti-nataliste (chapitre 7, pp. 89–102), Le Mort-Qui-Trompe, Nancy, 2006

4. La dernière aurait pu dater de 2003 après le passage du cyclone Zoé mais fut évitée grâce à la solidarité de donateurs non-résidents. Astuce externalisante qui ne fonctionne guère à l’échelle interplanétaire…

5. Ceci dit avec la plus vive admiration pour les végétariens par idéalisme antispéciste, par respect absolu donc pour la vie de nos frères animaux, dont le droit d’exister pour et par eux-mêmes ne saurait être mis en doute, à ceci près que la sainteté n’est pas donnée à tout le monde.

6. UNFPA, L’état de la population mondiale 2012.

7. sondage RTL.be/Ivox (source : Catherine Vanesse, article du 07 mai 2012 sur le site RTL.be)

8. La « Fête des Non-Parents » fut précisément conçue pour dénoncer cet absurde état de fait et célébrer celles/ceux qui refusent de procréer.

9. Les deux sources de la morale et de la religion (in Henri Bergson, Œuvres, p.1222, PUF, Paris, 1984)

3 réflexions sur “Théophile de Giraud, antinataliste engagé”

  1. Parti d'en rire

    Coucou, c’est encore moi. N’ayant rien de plus passionnant à faire, pour le moment, autant consacrer un peu de temps pour une bonne cause. Je trouve les arguments de cet enragé engagé à son image, flasques. Rien de transcendant, rien de nouveau sous le soleil, encore et toujours le Tabou, le permis de procréer et Jean Passe. Nul besoin de l’allonger sur un divan pour deviner une grande et profonde souffrance chez ce pauvre Théophile. Le moindre des humanismes et la moindre des générosités nous imposent donc de mettre un terme à son calvaire. Guillotiner Théophile c’est lutter contre la Rage. Et donc contre la Misère.

    1. Et toi qu’apportes tu de nouveau ? A part cautionner la natalité débridée en Afrique et les quantitative easing de migrants en Europe ? Tu n’arrêtes pas de dire misère misère, mais quand comprendras tu que la misère est liée à la déplétion des ressources naturelles conjuguée à une trop forte démographie ? Qu’il faille se partager un gâteau de plus en plus petit tout en étant de plus en plus nombreux ?

      1. Misère misère !

        Mais bougre de BGA, quand comprendras-tu que tu es ridicule ?
        Qu’est-ce qui t’autorise à dire que je cautionne ceci et cela ? Allez le Champion, répond à la question, ne te débine pas, fais pas comme les autres, vas-y argumente !

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