L’héritage de Silvio Berlusconi, désastreux

Berlusconi est mort, son héritage est toujours là : la fin de la démocratie politique. Sa révolution soft érige la publicité commerciale en langage universel. Elle remplace le citoyen par le client. Ses télévisions inventent un nouveau genre de communication qui, abdiquant toute intention pédagogique, triomphe grâce à la proximité, l’horizontalité, le flot dans lequel le téléspectateur est constamment plongé sans jamais se mouiller. C’est à la fois le règne de la consommation, du spectacle et de la communication de masse. Laissons la parole à un Italien.

Antonio Scurati : « Silvio Berlusconi préfigure l’avenir des démocraties occidentales. L’avènement des chaînes de télévision commerciales à diffusion nationale inaugurées en 1980 – à l’occasion d’un championnat de foot – nous fait entrer dans une nouvelle ère : la lumière des tubes cathodiques signifie que le temps du carême est fini. Finis, la politique, les idéologies, les projets révolutionnaires… les chaînes télé de Fininvest [nom de la holding fondée par Silvio Berlusconi] ne mènent pas à Pâques, mais à une consommation hédoniste effrénée alimentée par une profusion de marchandises. Le communisme avait promis la satisfaction des besoins essentiels pour tous. Le berlusconisme, lui, garantit le luxe pour tous et la multiplication exponentielle des désirs inassouvis. Optimisme égale consumérisme. C’est la clé du succès, la pierre philosophale de la croissance infinie, le mantra de la démocratie de masse. Silvio Berlusconi se présente comme un homme du peuple pour le peuple, à condition que le peuple renonce à lui-même. Désormais, la télé est toujours allumée. Elle retransmet vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle est gratuite, n’a pas de couleur, pas d’odeur, comme l’argent. Les animateurs des talk-shows berlusconiens nous répètent sans fin que nous n’avons pas à étudier, à grandir, à évoluer, que nous sommes bien tels que nous sommes, que nous pouvons enfin être nous-mêmes. Ils ne sont là que pour nous apporter un peu de distraction, de divertissement.

La descente de Silvio Berlusconi sur le terrain politique dans les années 1990 étend ce type de récit à tous les aspects de la vie personnelle et sociale et cède toute la place à ce rêve miraculeux. S’oublier dans l’abondance. Son slogan électoral le proclame explicitement, annonçant « un nouveau miracle italien ». Ce rêve nous a coûté très cher. Durant les trente années qu’a dominé la vision kaléidoscopique berlusconienne, la dette publique a explosé, la planète s’est horriblement réchauffée et l’Europe est redevenue un champ de bataille. En cours de route, nous avons perdu la possibilité d’éduquer nos enfants (remplacés d’abord par la télé, puis par Internet), d’instruire nos élèves (à quoi sert la connaissance, après tout ?). Nous nous sommes découverts tout à la fois bêtes et naïfs : on ne croit plus à rien, mais on gobe tout. »

Le point de vue des écologistes casseurs de pub

Etiennesaintlaurentt : Ce qui n’est peut-être pas suffisamment dit dans cette analyse remarquable c’est que le langage de la publicité nous rend aveugles et anéantit toute critique.

Pangeran : Merci Antonio pour ce texte magnifique. Quel portrait de la société telle qu’elle est devenue. Quelle finesse. Quel talent d’utilisation des mots justes collés à la situation ad hoc : « Le temps est venu du désengagement, du retour au passé, d’un présent immuable, d’un avenir qui ne promet rien et qui, en cela, tiendra ses promesses. »

PLB : Ce texte de Scurati peut aussi bien décrire la trajectoire de la France et a fortiori du monde occidental.

Clovis d Harcourt : Ça, c’est la démocratie américaine depuis 60 ans, c’est aussi l’avenir des démocraties en général. Faut voir Trump et tous les autres populistes qui ont ou guignent le pouvoir.

Daniel Cohn-Bendit : Pas d’écologie politique sans autonomie du sujet. Il existe des individus qui peuvent prendre des distances par rapport à leur propre héritage, c’est cela l’autonomie. C’est un travail perpétuel. Le drame et la difficulté, c’est que la société de consommation n’est pas une aliénation extérieure, elle a été intégrée, digérée par les sujets. Elle est devenue la raison d’être d’une grande partie de gens aujourd’hui. Notre imaginaire reste vampirisé par l’imaginaire capitaliste-libéral. Centralité de l’économique, expansion indéfinie de la production, loisirs manipulés…

Michel SOURROUILLE : Janvier 1971, j’ai vraiment compris qu’il fallait sortir de l’aliénation qui pèse sur moi, sur nous tous. Dans la Revue des revues (l’URSS et les pays de l’Est, 1968) : « L’idée centrale de Pavlov, plutôt qu’une mécanique simpliste du réflexe conditionné,  est le déterminisme d’une structure cérébrale dominée par des processus de synthèse des excitations… Après 50 ans de littérature soviétique on a vu, pour la première fois de l’histoire des hommes, des individualités ne pas s’opposer à la société mais se fondre en elle. » Dans Partisans n° 46 : « Le capitalisme moderne ne saurait tenir longtemps par le seul jeu d’un esclavage pur et simple de la classe ouvrière ; il est nécessaire que, d’une certaine manière, l’exploité soit consentant, c’est-à-dire qu’il reprenne à son compte, au niveau de sa propre organisation mentale, les structures économiques qui l’aliènent. Cette prise en compte s’effectue, comme toute opération psychique, sur un registre symbolique. »

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8 réflexions sur “L’héritage de Silvio Berlusconi, désastreux”

  1. Enfin le plus drôle chez les gauchistes étant qu’ils ne cessent de faire de grosses conneries (dettes à un niveau stratosphérique, plans banlieue, désindustrialisation, chômage de masses, assistanat, allocations et subventions à gogo jusqu’à dire quoi qu’il en coûte, baisse du niveau scolaire, hausse des trafics de drogue, etc…) Puis une fois qu’ils constatent les résultats déplorables de leurs politiques accusent la droite comme étant la cause ! Comme Daniel Con Bendit qui fustige aujourd’hui le libéralisme alors que c’était le premier à taguer en 68 « Il est interdit d’interdire ! « , je pense qu’à partir de là on ne peut pas être plus libéral que lui ! Bref, ça aura été surtout la liberté de faire n’importe quoi avec les résultats que l’on connait de cette génération 68… En tout cas la mauvaise foi règne chez les gauchistes ! Dans notre bilan français, ni Trump ni Berlusconi ne sont impliqués ! Mais ce sont bien nos UmPs les responsables !

    1. Dit autrement

      Arrête tes conneries, le sujet c’est l’héritage (désastreux) de ce sinistre bouffon qui en 2011 qualifiait son propre pays de «pays de merde». Faut dire qu’il s’y connaissait en la matière, le misérable. C’est lui qui a lancé, en Italie d’abord, puis en France avec La Cinq (diffusée de 1986 à 1992) cette Télé de merde. Et qui a permis, entre autres, à Patrick Le Lay, PDG de TF1 de déclarer en 2004 : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Et ce sans que ça ne provoque une révolution, ou ne serait que la mort de cette chaîne de merde. Comme quoi en même pas 20 ans le mal était fait. Comme tu peux le deviner, ça fait donc un bon moment que ton imaginaire est vampirisé par l’imaginaire capitaliste-libéral.

  2. – « C’est à la fois le règne de la consommation, du spectacle et de la communication de masse » (Biosphère).

    Exactement ! Avec en plus, et en même temps, cerise sur le Gâteau, la vulgarité.
    Sans oublier bien sûr le Pognon, sans lequel aujourd’hui plus rien n’est possible.
    Sans lequel ON ne peut plus rien FAIRE, même pas réfléchir, misère misère !
    Pour en arriver là, où nous en sommes aujourd’hui, la télévision a joué un rôle indéniable.
    Le dit «quatrième pouvoir» qui devait théoriquement servir de contre-pouvoir est désormais entre les mains de ceux qui nous gouvernent. Disons plutôt qui nous amusent et nous abusent. Autrement dit qui nous enfument, manipulent, endorment, ramollissent, abêtissent etc. etc. Et ce toujours plus. Suffit de voir le nombre de chaînes, de journaux, de réseaux dits sociaux etc. C’est en effet la fin de l’histoire. Du moins celle des haricots. Misère misère !

  3. Que de sottises dans les propos de Cohn Bendit ! Je cite  » Notre imaginaire reste vampirisé par l’imaginaire capitaliste-libéral. Centralité de l’économique, expansion indéfinie de la production, loisirs manipulés… »

    Or Aux États-Unis et en Europe, on considère que les libéraux défendent des idées progressistes : la démocratie, le droit et le marché vont pacifier les mœurs et améliorer les sociétés humaines. Les libéraux sont, avec les socialistes, des héritiers des Lumières et partagent leur optimisme anthropologique ; cela les place à la gauche ou au centre de l’échiquier politique !

    Mais surtout ce sont avant tout les socialistes qui se réclament du libéralisme ! Les socialos affirment même que le libéralisme comme étant leur bébé prenant sa source dans la philosophie des lumières !

    1. Ensuite, le socialisme est aussi du capitalisme mais capitalisme d’état, bien qu’en Europe de l’Ouest on plutôt eu une forme hybride privé/public comparativement aux pays soviétiques ou tout était 100% étatique !

      Alors l’article est incohérent en dénonçant le capitalisme et surtout le libéralisme en prenant exemple sur des figures célèbres de droite ! Combien de socialos se revendiquent « Social-Libéral » ? Genre les courants de François Hollande ou Dominique Strauss-Khan ? Ou autres Fabusiens ?

      Quant à la télévision débilitante pour nos enfants en France, rien à voir avec Berlusconi qui n’a jamais été impliqué à l’audio-visuel français, mais plutôt avec la Mitterandie, car c’est bien de là où tout à débuté ! Genre le Club Dorothée ou le groupe AB Production d’Azoulay qui persiste encore aujourd’hui avec les Mystères de la moule avec Hélène Rollès…

      1. Chez nous, à une époque, nous avions un certain Nanard. Un petit homme d’affaires (de magouilles) au look dynamique, qui plaisait aux femmes, une belle voix (le guignol chantait), un culot et une gouaille de première. Champion de tout le Nanard ! Logique que les meRdias se l’arrachent. Et c’est ainsi que cette petite crapule, devenue grosse, s’est retrouvée ministre. Et en prison en suivant, misère misère. Mais ça c’est pas grave, la preuve à peine sorti de taule les meRdias lui déroulaient de plus belle le Tapie rouge. Misère misère ! Et puis il est mort, le pauvre. De leur côté les Ritals ont donc eu droit au Silvio, les pauvres. Des magouilles à la politique, en passant par la télévision, pour moi celui-là incarnait la vulgarité avant tout. Et la pire saloperie et en même temps. Dans le même genre, Outre Atlantique, le misérable Donald. Finalement je pense que nous devrions être fiers de notre petit Manu. Et de sa gentille Brigitte. 🙂

      2. Ce n’est pas pour le défendre, et bien qu’il en sorte des bonnes… le Dany ne t’arrive pas à la cheville. Dans ces propos dont tu te moques il ne fait que dire une évidence, je dirais même une lapalissade. Sauf que ton imaginaire est tellement vampirisé par l’imaginaire capitaliste-libéral que même ça tu ne le vois pas.
        La décolonisation des imaginaires vaut pour TOUS. Même et surtout pour Toi.
        Et là je peux te dire qu’il y a du boulot. Ce qui fait qu’en attendant (on peut toujours rêver), tu ne peux que réciter le catéchisme capitaliste-libéral.
        Et ne retenir de ce que tu vois et entends ici et là uniquement ce qui t’arrange.
        ( à suivre )

      3. (suite) Comme quand tu nous parles du socialisme, entre autres, ou encore quand tu oublies La Cinq.
        – La Cinq : comment Berlusconi a fait entrer la télé française dans l’ère du bling-bling (radiofrance.fr -12 juin 2023 )
        Du bling-bling, de la vulgarité, de la bêtise crasse et j’en passe !
        Mais bien sûr c’est pas lui, c’est Tonton. C’est même Tonton qui a lancé Tele5 en Allemagne. Et c’est la faute aux roses et aux rouges, sans oublier les verts et les jaunes, si nous sommes là aujourd’hui.
        Voilà donc où t’as mené cette grosse crapule de Silvio. Je me souviens encore de ces pauvres imbéciles, autour de moi, qui l’idolâtraient. Misère misère !

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