La politique repose sur des « éléments de langage » que les membres de la classe dirigeante s’efforcent de propager dans la presse et d’inculquer à l’opinion publique. Michel Sourrouille propose aux électeurs dans son livre* un lexique pour pouvoir mieux se situer face aux jeux du pouvoir et mieux comprendre les enjeux de la démocratie. L’exemple des primaires :
« Aux USA, les élections primaires sont la règle pour la désignation des candidats à l’élection présidentielle. Ces élections diffèrent selon les États : la plupart sont fermées, c’est-à-dire réservés aux électeurs qui ont indiqué une préférence partisane lors de leur inscription sur les listes électorales. D’autres sont ouvertes (les électeurs peuvent voter dans la primaire de l’autre parti) ou semi-ouverte (les électeurs qui n’ont pas indiqué de préférence partisane peuvent voter dans la primaire du parti de leur choix le jour de l’élection). En France aucune loi ne réglemente l’organisation de primaires ouvertes, elles sont à la charge des partis. Le premier parti à avoir organisé une primaire ouverte en octobre 2011 à l’ensemble des électeurs « de gauche » est le Parti socialiste, afin de désigner un candidat pour la présidentielle de 2012. Cela a permis une certaine dynamique qui a porté au pouvoir François Hollande. Eva Joly en 2011 avait été désignée comme candidate à la présidentielle 2012 par une primaire ouverte à tous les écologistes membre d’EELV ou ayant payé une cotisation minime de « coopérateur ». Ce grand flou dans le corps électoral a fait en sorte d’éliminer la candidature de Nicolas Hulot, pourtant le plus à même de percer médiatiquement. Le résultat d’une primaire n’est jamais acquis d’avance.
Le parti qui remplace l’UMP, LR (Les Républicains), organise une primaire « de la droite et du centre » les 20 et 27 novembre 2016. Cette procédure est d’abord là pour assurer l’absence d’un candidat centriste sur la ligne de départ de la présidentielle 2017. En contrepartie un certain nombre de circonscriptions seraient réservées à l’UDI (Union des démocrates et des indépendants) lors de législatives de 2017. Mais la finalisation d’un tel accord n’est jamais assuré.
À l’initiative de Daniel Cohn-Bendit, Yannick Jadot et Michel Wieviorka une pétition appelle à une « grande primaire des gauches et des écologistes ». Le Premier ministre Manuel Valls s’exclame en janvier 2016 : « C’est un piège à cons, un piège grossier. Qui peut imaginer que le président de la République arrête pendant un mois de présider pour aller discuter avec Hamon, Larrouturou, Laurent ou Duflot. Cela ne peut pas se passer comme ça, cela ne se passera pas comme ça. ». Le Parti socialiste est pourtant normalement contraint d’organiser une « primaire citoyenne ». Les statuts du PS prévoient que « le candidat à la présidence de la République est désigné au travers de primaires citoyennes ouvertes à l’ensemble des citoyens adhérant aux valeurs de la République et de la gauche, et co-organisées par les formations politiques de gauche qui souhaitent y participer ». Et ils précisent que, « au moins un an avant l’élection présidentielle, le conseil national fixe le calendrier et les modalités d’organisation des primaires ».
Nos procédures électives se compliquent à l’extrême, il n’est pas sûr que la démocratie y gagne. »
* L’écologie à l’épreuve du pouvoir » (Un avenir peint en vert pour la France ?)
(éditions Sang de la Terre, en librairie depuis juillet 2016, 370 pages pour 19 euros)