Comme tout populiste, Mélenchon veut « rendre le pouvoir au peuple ». Il compte établir une Assemblée constituante pour changer de fond en comble la Constitution. Or modifier la loi fondamentale qui régit l’équilibre des pouvoirs ne devrait se faire qu’avec d’infinies précautions. Ce n’est pas comme il le propose « balayer l’oligarchie et abolir les privilèges de caste », ou « Reconnaître la citoyenneté dans l’entreprise et des droits nouveaux aux salariés ». Ce n’est pas le rôle d’une Constitution de réglementer ou légiférer dans le détail, encore moins « d’amnistier les syndicalistes condamnés pour faits de luttes sociales » ou « recruter 2000 agents pénitentiaires pour les escortes des détenus ». En fait le débat principal porte sur cette revendication mélenchoniste, « Abolir la monarchie présidentielle ».
JLM veut instaurer un régime parlementaire prétendument « stable » en transférant le pouvoir de nomination (du président) au parlement. Rappelons qu’en 1958, de Gaulle a été élu par un collège de grands électeurs en tant que premier président de la Ve République. Mais en 1962, après l’émotion née de l’attentat du Petit-Clamart, de Gaulle annonce un référendum sur l’élection du président au suffrage universel direct… procédé utilisé en 1858 pour élire le premier président de la République. Charles de Gaulle veut instaurer une « monarchie républicaine ». Le vote populaire donnerait « la force et l’obligation d’être le guide de la France et le garant de l’État ». La première élection présidentielle de la Ve République au suffrage universel direct se déroulera en 1965. Il ne faut pas être forcément en désaccord avec un pouvoir présidentiel issu des urnes. L’impératif écologique nécessite une présidence légitimée, pouvant décider de ruptures souvent désagréables par rapport à notre quotidien actuel. Car nos sociétés font la guerre à la planète depuis le début de la révolution thermo-industrielle. Elle se révolte maintenant en rendant notre habitat terrestre de moins en moins accueillant. Comme la planète ne négocie pas, il faut des hommes d’État forts qui puissent préparer leurs concitoyens à une société d’après-croissance, une société post-carbone, post-nucléaire, ce qui exige de bousculer l’ensemble de notre mode de vie actuel qui détériore la planète. Qui veut voir triompher ses idées ne peut ignorer une élection qui donne au président un grand pouvoir au nom du peuple français. De toute façon la vie politique est faite de compromis, le président de la République ne gouverne pas tout seul. De façon formelle, le président de la République a beaucoup de pouvoir qui lui sont donnés par la Constitution. En réalité il lui faut le soutien de l’Assemblée nationale pour gouverner. En fait le président ne fait dans les circonstances ordinaires qu’appliquer les lois votés par le Parlement. Pas besoin d’abolir le suffrage universel !
JLM veut une élection de l’Assemblée nationale « à la propositionnelle ». Rappelons que le scrutin universel direct majoritaire uninominal à deux tours lors des législatives lamine les petits partis. Il permet de faire surgir une majorité nette et constante mais favorise la bipolarisation de la vie politique entre la droite et la gauche. Actuellement l’écologie ne peut obtenir des députés que s’il y a alliance avec un parti dit « de gouvernement ». C’est un tel accord qui avait permis à Europe Écologie Les Verts d’avoir un groupe parlementaire au Sénat et un autre à l’Assemblée nationale pendant le quinquennat de François Hollande (2012-2017). Introduire la proportionnelle, c’est donc un moyen d’avoir une Assemblée nationale à l’image du pays. C’est la position commune du FN, du Front de gauche, du NPA et d’EELV : que l’Assemblée nationale soit soumise à une proportionnelle “intégraleˮ. En reprenant les résultats nationaux des législatives de juin 2012, le PS aurait obtenu 206 députés, l’UMP 190, le FN 95, le Front de gauche 48 et EELV 38. Mais François Hollande a complètement renoncé à sa proposition de campagne numéro 48, celle d’introduire une dose de proportionnelle aux élections législatives. En fait peu importe le mode d’élection des députés, tout se ramène à la possibilité d’exercice de son libre arbitre en tant qu’élu au nom de la Nation. Il y a un article de la Constitution qui n’a pas le succès qu’il mérite : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel » (Article 27). Le statut d’élu est nominatif et ne dépend pas des partis. Les députés ne forment pas normalement un bloc unitaire et partisan, ils ont toujours le libre choix de leur vote. Or, trop de votes dans l’hémicycle procèdent d’une logique partisane, on vote comme ses camarades car le grand chef l’a dit. Pourtant, il suffit d’appliquer cette idée d’un parlementaire votant en son âme et conscience car représentant du peuple français et non d’un parti pour que les choses changent. On pourrait arriver à la recherche d’un consensus entre opinions différentes au lieu d’avoir un affrontement stérile entre majorité et opposition. La place des partis dans le système constitutionnel est seconde, non déterminante. Peu importe que le scrutin soit majoritaire ou proportionnel. Dans cette perspective, obtenir peu de députés estampillés « écologistes » à cause d’un scrutin uninominal qui favorise un parti dit « de gouvernement » est possible, mais pas dramatique. L’écologie transcende le parti-pris. Le piège du flottement dans la gouvernance de la France est évité si chaque élu vote en suivant sa propre réflexion et non en obéissant à des consignes de vote. Comme en toute chose, la démocratie ne fonctionne bien que si chaque élu agit en démocrate… et pense en tant qu’écologiste sincère. Le consensus est possible avec une Assemblée qui suivrait les préceptes de l’écologie politique pour un avenir durable au lieu de suivre une vulgate social-libérale faussement dissociée sous les pseudos droite/gauche.
JLM veut de façon un peu plus judicieuse créer une « Assemblée de l’intervention populaire émettant un avis sur l’impact écologique et social des lois. » Il reprend en l’édulcorant l’idée de Dominique Bourg et Kerry Whiteside : « Il convient de confier à une assemblée populaire le soin d’établir la médiation entre l’état des connaissances environnementales (savoir capitalisé par l’Académie du futur) et la prise de décision publique. Pour éviter de reproduire au sein de cette assemblée la logique temporelle et territoriale, qui plus est partisane, ces nouveaux sénateurs ne pourraient être élus contre d’autres. Nous proposons des modes de désignation qui ont recours au hasard : tirage au sort dans une liste fournie par les ONGE (organisation non gouvernementale pour l’environnement) d’une part, et pour le tiers restant désignation au hasard dans la population « ordinaire » en fonction de la structuration de la population nationale (à l’instar de ce qui se pratique pour les conférences de citoyens). » Le auteurs de « Vers une démocratie écologique » appellent cette instance « Nouveau Sénat ». L’Assemblée du futur aurait une fonction d’appréhension du futur là où l’expertise est défaillante. C’est une proposition parmi d’autres pour essayer de représenter les acteurs absents.
source principale d’analyse : « L’écologie à l’épreuve du pouvoir«
source d’information : L’avenir en commun (le programme de la France insoumise et son candidat Jean-Luc Mélenchon (130 pages pour 3 euros)
L’Humain d’abord en proposant d’inscrire dans la Constitution le droit à l’avortement…
– Monique CANTO-SPERBER et Anne FAGOT- LARGEAULT. Les droits et les torts de l’avortement. PUF
Bonjour
Pourquoi reprocher à Mélenchon de vouloir en finir avec cette 5 ème République ?
Il n’est pourtant pas le seul à dire qu’elle n’est plus adaptée, qu’elle ne permet plus de gouverner efficacement etc. Pourquoi ne devrions-nous pas remettre en question le rôle du Président de la République et son élection au suffrage universel ?
Et qui n’est pas d’accord pour dire que nous avons besoin de faire de la politique autrement ? Je pense donc moi aussi, que nous avons besoin d’une nouvelle Constitution. Ceci dit, ce n’est probablement pas là la clé du problème.
– « Comme en toute chose, la démocratie ne fonctionne bien que si chaque élu agit en démocrate… et pense en tant qu’écologiste sincère » :
Je suis d’accord avec ça. J’ai déjà dit que selon moi une véritable démocratie ne peut exister sans véritable citoyens. Je pars donc du principe qu’un citoyen digne de ce nom est écologiste, il se doit d’être soucieux du bon équilibre de sa « maison ». Un élu est avant tout un citoyen.
– « L’écologie transcende le parti pris » : C’est vrai, puisque la science est neutre, objective, sans aucun parti pris. Par contre il n’en est pas de même avec l’écologisme, qui lui peut prendre une multitude de formes selon les diverses croyances, les intérêts de chacun etc. C’est bien joli de fermer le robinet en se lavant les dents, mais quand on a une piscine dans son jardin, laissez-moi franchement rigoler !
Il y a encore 30 ou 40 ans, être de gauche ou de droite avait un sens bien clair pour tout le monde. Mais depuis, les partis de gouvernement étiquetés à gauche ou à droite ont brouillé les cartes. Ainsi aujourd’hui ces notions ne veulent plus rien dire pour bon nombre de citoyens (qui par définition aussi, votent…) Le citoyen devrait se demander à qui profite le crime. Cette vieille nébuleuse qu’est « le Centre », ne retire même pas avantage de cette perte de repères. Aujourd’hui ce qui fait recette, c’est le « Tous pourris » et le « Ni-Ni ».
Le « Ni de gauche Ni de droite » entendu parfois comme « de gauche ET de droite »… ça vous donne un petit air rebelle et ça ressemble tellement à l’idée d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Quant au FN, il se défend d’être un parti d’extrême droite… Ben voyons ! La novlang est passée par là, dans quelque temps on pourra nous faire croire que « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. » Avec ça on sera bien avancé .
Au moins sur ce point Mélenchon ne triche pas. Il affiche clairement de quel côté se situe sa politique, son programme. Et du mien, côté, je sais encore ce que « droite » et « gauche » veulent dire. Toutefois Mélenchon n’a pas que la 6ème République dans son programme, et chacun sait la place que l’écologie(isme) y occupe. Certes il semble placer l’Humain d’abord… Et alors ?
Yannick Jadot voit les choses sous un autre angle, il parie sur une autre stratégie… Pourquoi pas, après tout ! Mais pourquoi n’est-il pas possible de marcher ensemble ? Le Monde n’est-il pas assez compliqué comme ça , pourquoi avoir besoin d’en rajouter ?
J’ai déjà demandé en quoi la victoire de Méluche (finalement à peine un peu plus probable que celle de Jadot… ) serait-elle préjudiciable à la Cause .
Bref, que tout ça est compliqué ! C’est même désespérant. Et je comprends très bien qu’on puisse s’en foutre totalement.