énergie

L’AIE, une officine des basses œuvres pétrolières

Créée à la suite du choc pétrolier de 1973 par les pays riches de l’OCDE, l’Agence internationale de l’énergie est surtout destinée à faciliter la coordination des politiques énergétiques des pays membres afin de soutenir la croissance économique. L’AIE a toujours minimisé le danger d’une pénurie de pétrole afin de ne pas générer un mouvement de panique. En fait il n’y a jamais autant de pétrole dans le monde que ce que l’Agence affirme. Dans son rapport World Energy Outlook de 1998, l’AIE avait ajouté un « facteur d’équilibrage » dénommé « pétrole non conventionnel non identifié » qui constituait en réalité un nom de code pour dire « pénurie » ! Il est vrai que l’Administration américaine intervient pour étouffer toute évaluation pessimiste réalisée par l’AIE. Car si le gouvernement annonçait que le pic pétrolier menaçait notre économie, Wall Streeet s’effondrerait. Pourtant, dans son WEO de 2010, l’AIE reconnaissait que la production du brut conventionnel avait culminé en 2006 : « La production de pétrole brut atteint un plateau ondulant autour de 68-69 millions de barils/jour, à l’horizon 2020, sans toutefois jamais retrouver son record absolu de 70 mb/j atteint en 2006. »*

C’est à la lumière de ses considérations historiques qu’il faut regarder la dernière info du MONDE : « La fin du pétrole abondant n’est pas pour demain. Dans son dernier rapport, l’AIE estime que l’offre mondiale d’hydrocarbures liquides progressera de 8,8 % pour atteindre 103 millions de barils par jour en 2018… L’offre augmentant plus rapidement que la demande, les pressions sur les prix de l’or noir devraient s’alléger… »** Dans une interview donnée au MONDE en novembre 2012, l’économiste en chef de l’AIE, Fatih Birol, promettait déjà une stratégie de l’offre : « La future autonomie énergétique américaine est due au développement des technologies de pointe qui lui permettent notamment d’exploiter les hydrocarbures non conventionnels comme le pétrole et le gaz de schiste. » Fatih Birol pensait que la demande d’énergie allait croître de plus d’un tiers d’ici à 2035, nulle mention dans son discours de la nécessaire sobriété énergétique.

Pour les (in)croyants, nous signalons la parution récente chez Springer d’un « Atlas du pétrole » écrit par un très grand géologue pétrolier, Colin Campbell, qui décrit la situation pays par pays. Il ne s’agit donc plus d’histoires romancées, mais de données. On se rend compte que la très grande majorité des pays producteurs a dépassé son peak oil. La production totale est encore en légère hausse, mais seulement grâce au non-conventionnel : liquides de gaz naturel (LGN), pétrole de schistes, extralourds (Canada, Venezuela). C’est le commencement de la fin du pétrole. Toute transition vers un abandon du pétrole devrait être anticipée avec des décennies d’avance. Il faudrait donc préparer la civilisation de l’après-pétrole dès maintenant, or l’AIE et LE MONDE nous empêchent de le faire…

* L’avenir du pétrole (panne d’essence, panne de sens) d’Olivier Parks (éditions Dangles

** Le Monde.fr | 14.05.2013, L’offre mondiale de pétrole augmentera de 9 % d’ici à 2018

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fracking, le scandaleux pari des gaz de schistes

« Chaque nouveau puits ouvert rapproche les Etats-Unis de l’indépendance énergétique. Plus le Dakota s’ouvre au pétrole, plus nous réduisons nos importations de pays qui soutiennent le terrorisme et nous haïssent ». Le gaz de schiste fait tourner les têtes. Partout, les silos à céréales rouillent tandis que les derricks et les pompes à balancier prennent possession du Dakota du nord. Dans le Bakken à trois kilomètres sous terre, on pratique la fracturation hydraulique des roches, le fracking. L’eldorado en injectant à haute pression d’énormes quantités d’eau, de sable et de produits toxiques… l’unanimité ou presque pour approuver ce processus.

Chômeurs et investisseurs accourent pour tenter d’attraper leur part du gâteau. A Bismarck, la capitale du Dakota du Nord, le Congrès de l’Etat défend ardemment les prérogatives des pétroliers. Une loi facilitant l’appropriation des terres a été votée ; le projet destiné à porter à 400 mètres la distance minimum entre les nouveaux puits et les habitations a été rejeté. Quant à l’obligation de rendre publique la nature des produits injectés dans le sous-sol en même temps que l’eau, les pétroliers en sont exonérés par l’« exemption Halliburton », une loi fédérale de 2005 qui exclut le « fracking » du champ de la loi sur la sécurité de l’eau potable. Aucune fausse note dans la presse locale : « 6 000 nouveaux puits autorisés dans les trois ans à venir ! proclame le Bismarck Tribune. Cela signifie davantage d’heures de travail pour davantage de salariés. Plus de revenus pour les familles du Dakota du Nord. » Aucun cinéma de la zone pétrolière n’a programmé le récent film anti-fracking Promised Land.*

Pourtant la production de gaz de schiste ne peut se maintenir à des niveaux élevés qu’à condition de creuser sans arrêt de nouveaux puits. En effet, le rendement d’un puits isolé décline très rapidement dans le temps. En fait, un pic du gaz de schiste va se produire aux Etats-Unis, c’est-à-dire que la production va stagner avant de décliner. Date prévue : 2017**. L’ère du gaz de schiste aura duré moins de dix ans. Dans un paysage dévasté, les générations présentes veulent ignorer les tempêtes qui s’annoncent. Il n’y a pas que les Américains qui scient la branche sur laquelle ils sont assis et qui font semblant d’être contents.

* LE MONDE du 14 mai 2013, Ruée vers le gaz de schiste dans le Dakota du nord

** LE MONDE du 12-13 mai 2013, gaz de schiste : la fin (chronique d’Hervé Kempf)

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du marché carbone au rationnement carbone, l’inéluctable

Il paraît qu’il existe une « intelligence collective » de l’espèce humaine. La preuve manque ! Prenons l’exemple du carbone, c’est-à-dire les ressources fossiles, charbon, pétrole ou gaz, qui irriguent toutes nos activités économiques. Comme il s’agit d’énergie de stocks, il faut bien prévoir la fin de ces ressources. Un marché carbone pourrait renchérir l’utilisation de ces sources d’énergie, donc limiter la consommation. Nous n’en prenons pas le chemin. Avec la crise financière, le prix du CO2 s’est effondré : 25 euros la tonne en 2008, 7 euros en 2012 puis 5 euros récemment.

Cerise sur le gâteau, le Parlement européen vient de signer l’arrêt de mort du marché du carbone*. La proposition de la Commission européenne de relever le cours du quota de CO2 en restreignant le nombre de « permis de polluer » a été rejetée : le prix de la tonne a frôlé les 3 euros ! Plus rien n’incite donc les industriels à investir dans les techniques moins polluantes. Comme toujours les considérations de court terme l’ont emporté : on protège la compétitivité des entreprises et la facture des consommateurs d’un renchérissement du prix du carbone… les Pays-Bas ou l’Allemagne peuvent planifier la construction de centrales au charbon ! Les perdants seront les générations futures dont personne parmi nos parlementaires ne représente les voix : ils restent des acteurs-absents.

Puisque le marché carbone est soumis aux contraintes politiques, puisque la plupart des gouvernements refusent aussi la taxe carbone, le rationnement par une carte carbone deviendra inéluctable lors d’un prochain choc pétrolier. C’est ce que nous prévoyons sur ce blog depuis 2009. Comme l’exprimait déjà à l’époque le climatologue James Hansen, «  il y a une profonde déconnexion entre les actions envisagées dans les cercles dirigeants et ce qui est exigé par la science pour la préservation de la planète ».

Cependant en Angleterre, un système de carte carbone par personne avait été envisagé fin juin 2005 par le ministre de l’environnement. Les points carbone de la carte seraient débités chaque fois que son détenteur achèterait des combustibles fossiles, que ce soit pour se chauffer, pour cuisiner, pour se déplacer, pour acheter des engrais… Un jour ou l’autre, il faudra bien mettre en place ce type système pour éviter l’affolement au moment du prochain choc pétrolier, début de la crise ultime de la société thermo-industrielle.

* LE MONDE du 18.04.2013, Le plan de sauvetage du marché carbone rejeté

pour aller plus loin, un bon dossier :Villes en transition : vers le rationnement (Silence n° 379, mai 2010)

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Conférence énergétique, mascarade ou imposture ?

Un de nos correspondants a participé à une Conférence régionale sur la transition énergétique. C’était un événement à l’initiative conjointe de l’Etat et de la région, avec clôture par la présidente de région Ségolène Royal ainsi que Mme la Préfète. Voici son compte-rendu (qui n’engage que lui-même).

Conférence régionale sur la transition énergétique (4 avril 2013 à Poitiers)

1/2) Contenu de la Conférence régionale

Une mise en atelier a été programmée presque immédiatement sur toute la journée. Deux groupes d’atelier, le premier centré sur la demande d’énergie et le second sur l’offre :

Atelier 1 : Comment aller vers l’efficacité énergétique et la sobriété

– Réhabilitation dans le logement social ;

– sobriété énergétique dans les usages de l’électricité ; l’éclairage public

– densification de l’habitat pour économiser l’énergie

– Economies d’énergie par un accompagnement de proximité des particuliers.

Atelier 2 : Quelle trajectoire pour atteindre le mix énergétique en 2025 ? Quel types de scénarios à l’horizon 2030 et 2050 dans le respect des engagements climatiques de la France

– Des dynamiques territoriales de transition énergétique ;

– La production décentralisée associant une responsabilisation locale des acteurs.

La séance a commencé par la présentation de quelques expériences ponctuelles. Réhabilitation du logement social : on nous parle sans rien définir d’Ecoprêt, PAM, CDC, CO2, GES, FEDER, étiquettes E ou B, AAG, CED, Ademe, SNEEDV, Soregie. Autant dire une novlangue pour technocrates confirmés. Ensuite les économies d’éclairage public dans une petite commune avec extinction des feux de 22 heures à 6 heures du matin (à Jazeneuil). Enfin le meilleur, une expérience dans le pays mellois : des ambassadeurs de l’énergie (en service civique) font le tour des logements privés pour permettre aux ménages d’envisager des projets de rénovation thermique. L’intérêt de ces cas particuliers, c’est qu’on montre que la transition énergétique, si elle ne passe pas par le niveau national, peut déjà être mise en place au niveau local de différentes manières.

La salle s’est divisée ensuite en petits groupes de 5-6 personnes sur des thèmes différenciées. J’ai personnellement choisi le thème « mobilité » à l’intérieur de l’atelier 1. Chaque groupe devait commencer par échanger sur un certain nombre de mots-clés fournis à l’avance. Ici : auto-partage, covoiturage, multimodalités, transport collectif, déplacements doux, urbain/rural, voiture électrique. J’ai montré que tous ces mots étaient en fait des moyens de déplacement, certainement pas une politique à venir pour le long terme (d’ici à 2050). J’ai introduit un nouveau concept, « dévoiturage » qui a eu beaucoup de succès. Il s’agit de sortir de la voiture individuelle le plus rapidement possible. Cet objectif défini, l’auto-partage, le covoiturage et les déplacements doux (marche et vélo) en sont les moyens. Il s’agit dans cette perspective de rapprocher lieux de travail et domicile car le mode de déplacement dépend de la distance à parcourir et réciproquement. J’ai indiqué que le slogan « plus vite, plus loin et plus souvent » devait être remplacé par son contraire. J’ai fait remarquer que nous n’avions pas avancé assez vite sur la taxe carbone et donc que nous serions obligés de mettre en place un jour ou l’autre une carte carbone (un rationnement).

Je remarque que les membres de mon groupe n’étaient pas très au clair sur la question de la mobilité, le terme « déplacements doux » était même inconnu pour certains. Mais l’intérêt de cet échange, c’est qu’il a permis une certaine relation pédagogique. Mais le statut de maître et d’élève n’étant pas défini à l’avance, le résultat final des échanges dépendait seulement des connaissances préalables de chacun. Notons aussi la diversité des personnes : 1 représentant de l’UNSA (syndicat autonome), 1 GDF-Suez, 1 observatoire régional des transports, le directeur adjoint de l’Ademe, la banque CIC et moi-même, représentant d’une association environnementale. A part la discussion sur les mots-clés, il fallait ensuite répondre à trois questions insolubles :

– Sur quels outils, leviers ou ressources s’appuyer pour atteindre ce résultat ?

– Quels obstacles, manques, freins pour arriver à ce résultat ?

– Quelles solutions pour contourner les obstacles et les difficultés ?

Avec de tels préliminaires régionaux, il me semble la loi nationale de programmation sur l’énergie prévue à l’automne me semble mal partie.

2/2) Quelques remarques finales

Le débat national sur la transition énergétique a du mal à démarrer. Il est médiatiquement inaudible, contrairement au Grenelle de l’environnement. De toute façon la procédure de « démocratie participative » mise en place, qui fait remonter les « bonnes idées » de la base, n’est pas très efficace : le message initial devient éthéré au fur et à mesure de ses diverses transcriptions du bas vers le haut. De toute façon on sait par avance que les politiques feront ce qu’ils voudront de ces débats. Et comme la transition énergétique demande des efforts de la part des citoyens et un réel changement de mode de vie, rien n’aboutira législativement.

Il est d’ailleurs frappant de voir que la France ne fait qu’esquisser ses premières pistes pour une fiscalité écologique, complément pourtant indispensable d’une transition énergétique : par exemple aligner les taxes du diesel sur celles de l’essence, introduire une fiscalité du carbone, instaurer un seuil minimal de densité dans certaines zones pour lutter contre l’étalement urbain… Le CFE (Comité pour la fiscalité écologique) n’appelle pas explicitement au retour d’une taxe carbone : il faudrait d’abord selon lui évaluer l’incidence sur la compétitivité des entreprises, l’emploi et le pouvoir d’achat des ménages… ce qui veut dire en clair qu’on ne va rien faire. S’agissant de la fiscalité du diesel, le dossier est surveillé de si près par les constructeurs automobiles français qu’il ne faut pas en attendre de mesures significatives ; le projet parle seulement de réduire « progressivement » l’écart de taxation entre le gazole et l’essence. Le comité avance prudemment, il s’agit de « réaliser un diagnostic partagé par toutes les composantes, aux sensibilités très différentes, et déboucher sur des propositions consensuelles. » La crise est toujours là, proclame le Medef, il s’agit de ne pas nuire aux entreprises. Comme les syndicats de travailleurs marchent la main dans la main avec le syndicat des patrons, il ne faut rien attendre d’un CFE qui rassemble les uns et les autres.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le ministre du « redressement productif », Arnaud Montebourg, ait assuré de son propre chef qu’il n’y aurait « pas de décision du gouvernement en 2013 » sur le diesel… Donc encore moins sur les autres problèmes énergétiques !

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Nucléaire, une nécessité pour éviter des morts ?

Voici un texte cosigné par le climatologue et lanceur d’alerte James Hansen : « Suite à l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi en Mars 2011 au Japon, la contribution future de l’énergie nucléaire à l’approvisionnement énergétique mondial est devenue quelque peu incertaine. Parce que l’énergie nucléaire est une abondante source d’électricité de base à bas carbone, elle pourrait pourtant largement contribuer à prévenir le changement climatique et la pollution atmosphérique. A partir des données historiques de production, nous avons calculé que l’électricité nucléaire a prévenu 1,8 millions de morts dues à la pollution atmosphérique et l’émission de 64 milliards de tonnes CO2 équivalent, qui auraient résultées de la combustion de combustibles fossiles. Sur la base des projections globales prenant en compte les effets de Fukushima, nous trouvons que, d’ici le milieu du siècle, l’énergie nucléaire pourrait prévenir de 420 000 à 7,04 millions de morts et de 80 à 40 milliards de tonnes d’émissions de CO2 équivalent supplémentaires, selon le combustible fossile remplacé. De plus, nous montrons que le développement de l’usage du gaz naturel ne permettrait pas de résoudre le problème climatique et provoquerait bien plus de morts que le développement de l’énergie nucléaire. »* (texte de Kharecha PA et Hansen JE., traduction Bernard DURAND).

Cette étude publiée par la revue scientifique Environmental Science & Technology semble édifiante. D’autant qu’elle émane de sources crédibles et indépendantes de tout lobby du nucléaire. Les deux scientifiques ont combiné plusieurs données. D’un côté, ils ont calculé quelle était la production énergétique des énergies fossiles et extrapolé le nombre de morts liés à cette exploitation Que ce soit des morts de mineurs dus aux conditions d’exploitation du charbon, ou des décès liés à la pollution. Ils ont ensuite analysé ces données pour savoir combien de morts y’aurait-il eu de plus, proportionnellement, si l’énergie produite par le nucléaire l’avait été par des énergies fossiles, comme le charbon, le pétrole ou le gaz naturel…**

Alors, quel est le contre-raisonnement des antinucléaires ? Nous attendons vos commentaires… Quant à nous, il s’agit en quelque sorte du choix entre la peste (le nucléaire) et le choléra (les énergies fossiles). La montée en puissance du réchauffement climatique affole les esprits même les plus éclairés.

* http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23495839

** http://www.huffingtonpost.fr/2013/04/04/nucleaire-empeche-mort-1-84-million-personnes-climatologues_n_3007198.html

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transition énergétique : rien sur le pic pétrolier !!!

Le débat sur la transition énergétique se poursuit. Dans le document du ministère, « Socle de connaissances », un seul et bref paragraphe traite de la question du pic des énergies fossiles : « Il pourrait se situer vers 2015-2025 pour le pétrole, 2025-2045 pour le gaz et 2100 pour le charbon. Le développement actuel de l’extraction d’énergies fossiles dites « non conventionnelles », telles que les gaz de schistes ou le pétrole off-shore profond, représente une réponse de court à moyen terme. Ces énergies non conventionnelles peuvent transformer le pic en « plateau », voire repousser très sensiblement le pic, sans pour autant modifier le caractère épuisable de ces ressources. »

« Repousser très sensiblement le pic«  ? Que nous disent les derniers événements sur la planète pétrole à propos de la validité de cette assertion lapidaire ?

– aux USA, système de Ponzi pour les huiles de schiste ;

– En Grande-Bretagne, la production offshore n’était plus que de 0,7 Mb/j en octobre 2012, contre 2,8 Mb/j en 1999 !

– Depuis 2007, les extractions algériennes ont reculé de 14 % ;

– Baisse de 2 % la production brésilienne enregistrée l’an dernier ;

– La production de brut a atteint le pic pétrolier en 1997 au Gabon ;

                Or, dans la quasi totalité des pays pétroliers, la consommation domestique de brut continue à s’accroître. En conséquence la demande de pétrole des pays importateurs va être plus difficile à satisfaire… bientôt les lendemains qui déchantent !

Éléments d’information tirés de l’excellent blog  de Matthieu Auzanneau 

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Les sondages nous trompent, réfléchissons par nous-mêmes

Le « regard des Français » n’existe pas, ce n’est qu’une image statistique faussée. Prenons ce titre du MONDE « gaz de schiste : des Français plus sensibles au potentiel d’activité et d’emplois »*. Le journaliste Pierre Le Hir nous révèle le pot aux roses.

Le sondage est bien réalisé par l’IFOP, mais pour la société eCORP Stimulation Technologies (ecorpStim), spécialisée dans l’extraction des hydrocarbures. La dernière question révèle en fait la véritable finalité du sondage. Elle est ainsi libellée : « S’il existait aujourd’hui une technologie alternative qui ne nécessitait ni eau ni produits chimiques pour extraire le gaz de schiste, seriez-vous favorable à ce qu’elle soit testée à titre expérimental en France ? » La réponse des sondés est positive à 80 %… Or l’eCORP International a récemment mené un essai de « stimulation » de la roche par du propane, avec, assure-t-elle, « un impact minimal sur l’environnement ». Mais si l’on avait demandé aux Français s’ils approuvent l’usage d’un gaz inflammable, explosif et asphyxiant – ce qu’est le propane –, leur réponse aurait été tout autre. Prenons les autres « évolutions » des sondés.

L’exploitation du gaz de schiste « augmenterait l’indépendance énergétique de la France ». Or cette nouvelle manne ne reculerait la fin des énergies fossiles que de quelques années. Ces annonces incessantes d’un nouvel Eldorado potentiel nous empêchent de promouvoir dès aujourd’hui la seule politique tenable : économiser l’énergie de façon drastique pour aboutir à une consommation d’énergie juste égale aux ressources renouvelables d’énergie. Mais cela, aucun industriel, donc aucun politique, n’en parle. Précisons qu’en Europe, la part des énergies renouvelables n’atteignait que 12,7 % dans l’Union européenne en 2011.

L’exploitation du gaz de schiste créerait de « nombreux emplois ». Or réduire la consommation d’énergie réduit aussi la consommation globale, donc le besoin de travailler. En d’autres termes, il y a une autre manière de lutter contre le chômage : réduire le nombre d’heures que les individus souhaitent travailler. On a essayé les 35 heures, mais les Français ont simplement consacré plus de temps aux écrans. Il ne suffit pas de réduire le temps de travail, il faut aussi agrandir la sphère relationnelle de chacun : moins de biens, plus de liens. Vaste programme que les politiques n’abordent jamais.

Arrêtons de rêver ! Un autre article du MONDE*, encore plus consistant, a pour titre et seul contenu : « L’arc électrique au secours du gaz de schiste ». La recherche incessante de l’innovation technique nous empêche de revenir aux fondamentaux : économies d’énergie et techniques douces.

* LE MONDE du 28 mars 2013, page 8

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Nucléaire, scénario catastrophe ou apocalypse vraie ?

Il est de bon ton parmi l’intelligentsia qui a les honneurs des médias de vilipender les fanatiques de l’apocalypse. Pourtant les scénarios catastrophes sont innombrables, validés le plux souvent scientifiquement, et commencent à effleurer dans les médias.  Ainsi le cas d’un accident nucléaire en France*. Notons qu’il a fallu attendre plus de cinq ans pour que le rapport 2007 de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) soit connu : « A cette époque, les résultats des expertises de l’IRSN ne faisaient en règle générale pas l’objet d’une information publique » déclare l’IRSN. Qu’en termes délicats ces choses-là sont dites ! Depuis toujours le nucléaire civil est considéré comme une affaire d’Etat, allergique à la transparence et aux décisions démocratiques. Pourtant les risques sont considérables. Le coût d’un accident grave et non contrôlé dans l’Hexagone, comme celui survenu à Fukushima en mars 2011 serait de 760 milliards d’euros et pourrait, dans les conditions les plus défavorables, atteindre 5 800 milliards d’euros.

Maintenant qu’il faut plus de transparence, l’IRSN minimise les risques. Pas étonnant ! En février 2013, l’IRSN publie une étude actualisée qui évoquait pour le même type d’accident un coût médian de 430 milliards d’euros, soit l’équivalent de 20 % du PIB.  Rappelons qu’un coût médian (situé « au milieu ») ne dit rien des coûts à l’extrême ! On envisage donc aussi 1000 milliards. Qui va payer cette modique somme quand une partie du territoire français sera durablement pollué par la radioactivité ? Il y a eu 80 000 « réfugiés radiologiques » à Fukushima. Combien seraient-ils en France ? Les touristes étrangers viendront-ils contempler les dégâts, le compteur Geiger en bandoulière ?

Pour en savoir plus

* Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 26.03.2013, Le scénario catastrophe de l’IRSN en cas d’accident nucléaire en France

Lire aussi Le Monde.fr avec AFP | 07.02.2013, Un accident nucléaire du type de Fukushima coûterait à la France 430 milliards d’euros

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facture énergétique, bientôt la carte carbone !

La meilleure manière de ne pas perdre d’argent et d’en moins dépenser. En 2012, la facture énergétique française a établi un nouveau record pour un total de 68,5 milliards, soit près de 7 milliards de plus que le précédent record de 2011.* Le journaliste Hervé Kempf en tire la conclusion qu’il faudrait introduire dans la réflexion des mots aussi inconvenants qu’économies d’énergie, proposer de se passer d’écrans publicitaires dans le métro ou de télévisions dans les lieux publics et penser besoins réels et réduction de la demande plutôt qu’augmentation de la production d’énergie. Et quand il s’agit d’énergie, on se retrouve au cœur du fonctionnement de la civilisation thermo-industrielle.

Comme l’exprime Jean-Marc Jancovici, « Bien gérer la sortie de scène du Père fossile ne va pas être une mince affaire »**. Si demain nous n’avions plus de pétrole, ni gaz, ni charbon, ce n’est pas 4 % du PIB que nous perdrions (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %. Sans énergie, impossible de déplacer un objet (ou notre propre corps), illuminer ou chauffer une pièce, transformer un poisson dans l’océan en poisson dans notre assiette. Cette énergie fossile à profusion, c’est la véritable cause de la hausse de notre pouvoir d’achat. Réduire nos importation de pétrole et de gaz, c’est accepter obligatoirement une baisse de notre pouvoir d’achat.

A défaut de vouloir une décarbonisation massive, ce qui nous attend est une réédition de craquements comme nous en avons connu avec une intensité croissante depuis 1974, chaque choc étant plus terrible que le précédent, jusqu’au moment où la pénurie de ressources fera voler en éclats la civilisation actuelle. N’oublions pas qu’une facture énergétique de 68 milliards pour le commerce extérieur correspond aussi à une entrée de 20 à 25 milliards dans le budget de l’Etat… Sans pétrole, l’Etat serait déjà en faillite. Que faire ? Le marché carbone était une imposture, Sarkozy (et Hollande) refusent la taxe carbone, il nous arrivera bientôt la carte carbone. Faute d’avoir économiser l’énergie, elle nous sera rationnée… et c’est un moindre mal. Le totalitarisme suit trop souvent les soubresauts de l’histoire humaine.

* LE MONDE du 24-25 mars 2013, 68 milliards d’euros (chronique écologie d’Hervé Kempf)

** Changer le monde, tout un programme de Jean-Marc Jancovici (Calmann-lévy, 2011)

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La production d’énergie, une priorité de second rang

Bravo les jeunes ? Cartes sur table est un laboratoire d’idées créé en 2008 réunissant de jeunes contributeurs de 25 à 35 ans. CST veut permettre aux jeunes de devenir des acteurs majeurs du débat public. Cette génération « transition énergétique » a réuni le 22 février 2013 un colloque à l’hôtel de Lassay, sous la houlette de Claude Bartolone. Il s’agissait de discuter de leurs trois propositions, créer une coordination européenne de gestion des réseaux électriques, relocaliser la gestion de l’énergie et faire de la BPI la banque de la rénovation énergétique. Qu’en pensent les invités à la tribune, Bruno Rebelle (comité de pilotage sur la transition énergétique), Nicolas Garnier (association Amorce) et Patrice Geoffron (universitaire à Paris Dauphine) ?

D’abord que l’Europe est déjà interconnectée et que l’électricité n’est qu’un aspect du problème énergétique. Ensuite que la Banque publique d’investissement est considérée comme le bras armé du gouvernement dans le soutien aux PME, l’énergie ne peut être l’aspect principal. Seule l’idée d’une compétence locale pour la gestion de l’énergie est fortement développée par N.Garnier. Il rappelle que l’énergie était de la compétence locale jusqu’en 1946, qu’ensuite le quasi-monopole d’EDF s’est instauré et que nous sommes entrés dans une troisième phase, la réappropriation de l’énergie.

Mais les intervenants sont pessimistes. B.Rebelle montre que l’énergie n’est pas seulement un sujet technique, c’est surtout source d’inquiétude. C’est l’élément qui est ressorti du panel de 20 citoyens participant au débat officiel sur la transition énergétique. La précarité énergétique se traduit déjà pour certaines familles par des logements qui ne sont pas du tout chauffés. P.Geoffron montre que les sources potentielles d’énergie, déjà connues comme la biomasse, n’offrent plus d’avantage comme le faisait le charbon à l’égard du bois et le pétrole par rapport au charbon. Pourtant la rénovation thermique des logements n’a aucun succès dans la pratique.

La parole donnée ensuite à la salle montre les illusions entretenues dans les esprits. Un étudiant s’étonne qu’on puisse valoriser les économies d’énergie alors que la production d’électricité peut se faire sans émission de CO2 : c’est l’illusion du nucléaire. Un autre parle de la fusion avec ITER : illusion du progrès technique qui va trouver quelque chose ! Ces deux interventions sont à l’image d’une soirée consacrée presque uniquement à la production d’énergie. Les trois propositions de CST ne consacrent d’ailleurs aucune place à la sobriété énergétique. On s’appuie sur les propositions de Jeremy Rifkin consacrées à la production et à la distribution de l’énergie. Claude Bartolone, dans son discours liminaire, croit encore à la croissance verte.

Le gouvernement socialiste et sa génération « transition énergétique » se refuse à voir la réalité en face : il y aura bientôt pénurie, le pic pétrolier aura des effets socio-économiques bien plus proche dans le temps que le réchauffement climatique, la descente énergétique est proche. C’est pourquoi la première des solutions dans un scénario réaliste reste la sobriété énergétique. Le problème, c’est que la jeune génération a toujours vécu dans un contexte d’abondance énergétique, toutes les sources d’énergies possibles (biomasse, charbon, gaz…) se cumulent actuellement. Cette génération n’est donc préparée ni à envisager, ni à subir un choc énergétique. Si elle était consciente, elle demanderait par exemple l’arrêt de toute nouvelle infrastructure de transport routier ou aérien…

Pour en savoir plus : http://www.cartes-sur-table.fr/

(Texte déjà paru sur le site JNE)

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Bonus-malus sur l’énergie, bientôt la social-écologie ?

Enfin un texte* sur la sobriété énergétique ! L’Assemblée nationale a adopté définitivement la proposition de loi dite de « transition vers un système énergétique sobre ». Le point central est l’instauration d’un système de bonus-malus pour chaque foyer sur la consommation d’énergies de réseau, c’est-à-dire électricité, gaz naturel et chaleur. Le bonus-malus sera calculé en fonction d’un volume de base défini à partir du niveau consommé par le quart des foyers les plus sobres. La composition du foyer, la localisation géographique et le mode de chauffage seront pris en compte. Un bonus, sous la forme d’une diminution du prix du mégawatt/heure (MWh) sera attribué aux ménages dont la consommation est inférieure au volume de base, c’est-à-dire dans la « zone verte ». Jusqu’à trois fois le volume de base, en « zone orange », les MWh consommés au-delà de ce volume se verront appliquer un premier niveau de malus. Ce n’est qu’à partir d’une consommation excédant 300 % du volume de base que le malus deviendra vraiment pénalisant. En outre, le malus ne s’appliquera pas aux personnes bénéficiant des tarifs sociaux, même si celles-ci habitent dans des « passoires énergétiques ». Les résidences secondaires seront concernées, mais avec un volume de base fixé à la moitié de la consommation annuelle d’une personne seule et seront seulement assujetties au malus. En route pour la social-écologie ! Mais cela risque surtout d’être perçu comme une usine à gaz.

Si on avait eu autant d’information et de débats sur la sobriété énergétique  que sur le mariage pour tous, peut-être que les Français prendraient conscience de notre pénurie d’énergie prochaine…

* LE MONDE du 13 mars 2013, La loi instaurant un bonus-malus sur l’énergie est votée, le dispositif reste contesté

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Le nucléaire, histoire d’une faillite de la démocratie

C’était le deuxième anniversaire de la catastrophe nucléaire de Fukushima (11 mars 2011), ce n’est toujours pas la fête de la démocratie ! Michèle RIVASI, eurodéputée et fondatrice de la Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité (Criirad) parle d‘endettement radioactif : « Après une catastrophe classique, on dit en général que ‘le danger est passé’, mais avec le nucléaire le danger ne passe pas : il reste et s’insinue partout, même dans les rouages démocratiques. En effet, la principale conséquence d’un accident nucléaire est la déliquescence de l’Etat de droit, de la démocratie. C’est là le paradoxe suicidaire du nucléaire: on n’autorise que les démocraties solides à y avoir recours. Pourtant, là où le nucléaire passe, la démocratie trépasse…Désormais, au Japon, la voix de la liberté est contrainte par l’omerta nucléaire. Le pays a chuté en une année de la 22ème à la 53ème place du classement de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse. Livrés à eux-mêmes, les Japonais sont dans le doute permanent : la désinformation d’Etat a un effet démultiplicateur sur les risques sanitaires de la radioactivité, et certains scientifiques mandatés déclarent même que c’est la radiophobie qui affecte la santé des gens. »

De même l’histoire du nucléaire en France montre à quel point la culture du secret a été la règle. Les décisions qui engageaient le pays ont été prises de façon non démocratique. En 1974, le « plan Messmer » généralise le recours à l’énergie nucléaire en France et programme l’installation de plusieurs dizaines de réacteurs sur le territoire. La décision est prise dans la plus grande opacité, au niveau gouvernemental. L’Assemblée nationale n’est même pas consultée. Aucun débat n’est organisé. La relance du nucléaire dans les années 2000 s’est faite dans les mêmes conditions. En 2004, la construction d’un EPR à Flamanville est annoncée. Elle apparaît dans la loi sur l’énergie de juillet 2005. Ce n’est qu’après, que le débat public obligatoire est organisé ! Quant à l’enquête publique, elle est réalisée en plein été 2006. Les mouvements de protestation ont beau se multiplier, le décret autorisant EDF à construire l’EPR est publié juste avant la présidentielle de 2007. Quelques mois plus tard, Nicolas Sarkozy lance le Grenelle de l’Environnement et exclut d’office des débats la question du nucléaire. En janvier 2009, il annonce la création d’un deuxième EPR (à Penly, près de Dieppe) sans aucune concertation non plus. La décision a été prise à l’Elysée par le chef de l’Etat lui-même, après discussion avec les représentants du lobby nucléaire. Les électeurs n’ont jamais été appelés à se prononcer pour ou contre le nucléaire en France.

Dans les 110 propositions pour la France de 1981, François Mitterrand promettait : « Le programme nucléaire sera limité aux centrales en cours de construction en attendant que le pays puisse se prononcer par référendum. » Trente deux ans plus tard, nous attendons toujours le référendum…

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augmentation du diesel, une occasion perdue par le PS

L’éditorial du MONDE* posait clairement le problème de fond : « Entre efficacité écologique, impact économique, contraintes budgétaires et justice sociale, il faut bien arbitrer. Gouverner, c’est choisir. » Il s’agit en l’occurrence du diesel, actuellement avantagé par une taxation allégée. Il y a deux raisons selon LE MONDE de taxer le gazole, la santé publique mise à mal par les particules fines et le déficit budgétaire à financer. Et deux raison de ne pas bouger : l’emploi procuré par l’automobilisme à préserver, le pouvoir d’achat des ménages à conserver. Comme nous avons un gouvernement qui ne donne aucun signe de courage politique, c’est l’économique qui va encore imposer sa loi. Il ne va ni rapprocher les taxes sur l’essence et le gazole, ni mettre en place une prime de reconversion destinées aux véhicules diesel anciens les plus polluants. L’économique étouffe l’écologique au nom du social.

L’anti-écolo Arnaud Montebourg, ministre du « redressement productif », a aussitôt assuré** qu’il n’y aurait « pas de décision du gouvernement en 2013 ». Montebourg est du côté des industriels. Pour PSA Peugeot Citroën, la diesélisation est une « motorisation d’avenir » puisque moins gourmande en carburant que l’essence. De plus, depuis 2011, les normes font que tous les diesels ont un filtre à particule, ce qui fait que « le sujet santé serait derrière nous ». Le PDG de Renault a jugé que le fait d’encourager « la vente d’anciens diesels pour acheter de nouveaux diesels » serait « une très bonne initiative ». Ghosn est bien entendu contre l’idée de toucher à la fiscalité sur le diesel : « Il n’y a pas de problème aujourd’hui de santé autour des diesels actuels. »

Pourtant, ne pas taxer, c’est être responsable de quelques 40 000 décès par an. Quant à prévoir une prime de reconversion, c’est encore une fois de la pure démagogie : ceux qui roulent au diesel ont bénéficié d’une niche fiscale, autrement dit d’un privilège. De quoi faudrait-il les dédommager ? d’avoir bénéficié d’un privilège ? Il en est du gazole comme de l’essence. Ce gouvernement de lâches fait tout pour flatter le peuple et sa consommation d’hydrocarbures. Alors que nous avons mondialement dépassé le pic pétrolier, la France s’apercevra pourtant un jour assez proche qu’elle ne possède pas de pétrole sur son sol. La transition énergétique passe nécessairement par les économies d’énergie, et la taxation des carburants est un passage obligé si on ne veut pas se réveiller tout nu.

* LE MONDE du 5 mars 2013, Le diesel de la discorde embarrasse le gouvernement

** Le Monde.fr avec AFP | 05.03.2013, « Pas de décision en 2013 » sur une prime de conversion du diesel

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réduction de la consommation et transition énergétique

Deux livres récemment parus nous interpellent. La stratégie négaWatt* s’oppose au nucléariste Henri Safa**.

1/2) l’impossibilité de réduire notre consommation*

« L’homme est assoiffé d’énergie. Plus il en a, plus il invente de nouvelles applications et plus il en réclame davantage. On pourrait essayer d’infléchir cette tendance historique par la contrainte, mais la régulation énergétique s’est historiquement réalisée non par le rationnement imposé, mais par la capacité physique de l’accès à la quantité. Non seulement la contrainte serait mal vécue mais le besoin de l’homme étant insatiable, la pression ne tiendrait pas longtemps, à moins de sombrer dans un régime vraiment totalitaire. Au vu de la courbe de consommation énergétique dans le monde, il est fort probable que dans le futur, on ne consommera pas moins, mais plus d’énergie.

De toute manière, si dans le futur l’on souhaite accéder à d’autres espaces, aller voir ce qui se passe au-delà de notre planète et de notre système solaire, il nous faudra beaucoup d’énergie. Enormément d’énergie. L’Homme ne pourra pas être éternellement confiné à la Terre, il rêve d’aller plus haut, plus loin et plus vite. Les scénarios énergétique tablant sur des réduction drastiques de la consommation relèvent soit de l’utopie, soit de l’aveuglement pur et simple. »

2/2) les vertus d’une réduction de notre consommation**

« Réduire très fortement la consommation d’énergie ne veut pas dire retourner à la bougie ! Ceux qui usent d’une telle caricature sont souvent les mêmes qui agitent le spectre des atteintes à la liberté individuelle que représenteraient les mesures nécessaires à la transition énergétique. Les mots d’obligation et d’interdiction ne doivent pas effrayer. La quasi-totalité des conducteurs d’automobiles acceptent des règles contraignantes qui restreignent leur liberté, parce que leurs effets positifs sont jugés bien supérieurs à ceux que procurerait l’absence de règles. Qui serait d’accord pour que les chauffards irresponsables ne soient jamais sanctionnés ? Il en va de même avec l’énergie.

Nous sommes encore aveuglés par l’incroyable facilité avec laquelle nous y avons accès : appuyer sur l’interrupteur pour que la lumière jaillisse, ouvrir le robinet et l’eau chaude apparaît, remplir le réservoir de la voiture puis rouler. Mais nous savons que si nous continuons à faire tous ces gestes sans tenir aucun compte des conséquences que cela peut avoir, nous contribuons à accélérer et amplifier les menaces qui pèsent sur notre environnement et nos modes de vie. Nous devons accepter une limitation de notre consommation d’énergie, l’obligation de la mise aux normes, l’interdiction de certaines extravagances et inventer ensemble, démocratiquement, un « Code de bonne conduite énergétique ».

* Quelle transition énergétique ? d’Henri Safa (edp sciences 2013, 108 pages, 12 euros)

** Changeons d’énergie (transition mode d’emploi) de l’association négawatt (Actes Sud 2013, 94 pages, 10 euros)

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Le prix de l’essence n’augmente pas, dommage !

Trois manières* de s’apercevoir que le prix à la pompe n’augmente pas :

– en prix constant, c’est-à-dire une fois éliminé les effets de l’inflation. Selon Vincent Renard, depuis plusieurs décennies, le prix du carburant stagne, voire baisse à certaines périodes.

en prix réel, comparé à l’augmentation des salaires : selon Yves Crozet, le prix de l’essence n’arrête pas de baisser. On pouvait acheter 3 litres avec le salaire d’une heure de SMIC en 1973, et on peut en acquérir 6 aujourd’hui.

– en prix réel, comparé au budget du ménage : selon Jean-Pierre Orfeuil, le prix du carburant vendu aux ménages depuis 20 ans a considérablement augmenté, mais le poids du carburant dans le budget des ménages reste stable, autour de 3,7 % du revenu. En effet les foyers ont continué à s’enrichir un peu et les voitures que l’on vend aujourd’hui consomment deux fois moins qu’il y a 25 ans.

Le prix de l’essence va donc à l’encontre des fondamentaux : une ressource qui se raréfie (le pétrole) devrait augmenter sans cesse et de plus en plus vite au moment où on s’approche des limites de l’épuisement. En 2005, l’institution financière Ixis CIB notait que si le prix du pétrole avait augmenté depuis 1974 au rythme optimal d’une ressource épuisable, il vaudrait déjà 122 dollars en 2005 (alors qu’il ne cotait que 66,6 dollars). Le même organisme évoquait la possibilité d’un cours du baril à 360 dollars en 2015. Le pétrole le moins cher et le plus propre est celui qu’on ne brûle pas. Un gouvernement responsable devrait planifier une augmentation de 10 % du prix de l’essence chaque année (doublement tous les 7 ans) pour que les consommateurs de carburant anticipent le choc pétrolier qui peut arriver d’un moment à l’autre et commencent à adapter leur modes de déplacements.

* http://transports.blog.lemonde.fr/2013/01/27/lessence-a-la-pompe-moins-chere-quil-y-a-30-ans/

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Des déchets nucléaires enfouis à Bure pour l’éternité…

En 2013 commence le débat public sur l’enfouissement des déchets radioactifs à Bure.  En 2015, ce sera une demande d’autorisation, soumise à enquête publique. Le chantier pourrait alors débuter en 2019 avec mise en service en 2025. Mais la saga a commencé bien plus tôt.

Après la flambée des prix du carburant en octobre 1973, le gouvernement Messmer avait décidé unilatéralement la mise en route d’une filière électronucléaire. Mais on n’a commencé à s’intéresser aux déchets qu’en 1991 (loi Bataille). De 1991 à 2006, on devait tester trois axes, la transmutation, l’entreposage de longue durée en sub-surface et le stockage en profondeur. A l’échéance du nouveau vote au Parlement en 2006, rien n’était scientifiquement satisfaisant. La transmutation reste du domaine des utopies technologiques, il n’existait ni sélection de site, ni plan d’entrepôt pour les déchets HAVL (haute activité et vie longue) et les recherches sur le site d’enfouissement à Bure dans la Meuse ne permettaient pas encore de conclure à la faisabilité du stockage géologique.

Au début de l’année 2006, le président de l’Andra (agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) avait envoyé aux députés français le « dossier 2005 Argile » (qui traite du centre d’enfouissement à Bure) en reconnaissant qu’il n’a pas été produit de seconde version du « dossier 2005 Granite » (centre de stockage dans le granite, projet qui a été abandonné). Quelques morceaux choisis :  « Des incertitudes demeurent… Les expériences ont été conduites sur des durées brèves… Les ouvrages de stockage n’ont pas été testés en vraie grandeur… L’étude approfondie de la zone de plus de 200 km2 autour du site de Meuse/Haute Marne n’a pas été réalisé… » Il faut attendre encore juin 2008 pour que le ministère de l’écologie lance un appel à candidatures « afin d’identifier les sites volontaires » pour accueillir un centre de stockage de déchets radioactifs de faible activité à vie longue ». L’industrie nucléaire poursuit benoîtement ses activités alors qu’elle devrait les interrompre tant qu’une solution aux problèmes des déchets n’est pas trouvée. Le rapport Roussely juge d’ailleurs en 2010 « indispensable que l’Andra définisse de façon urgente la planification concernant le centre de stockage profond (à Bure)

En janvier 2011 le député Christian Bataille, dans un rapport* de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, se fâche : « La gestion des déchets nucléaires est une chose trop sérieuse pour la confier à leurs producteurs (…) Au nom de la rentabilité à court terme, les industriels (EDF, Areva, Commissariat à l’énergie atomique) remettent en cause la conduite par l’Andra (agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) du projet de stockage géologique. » Cette option étudiée par l’Andra dans son laboratoire souterrain de Bure, doit encore trouver sa traduction industrielle. En 2005, le coût de l’installation et de son exploitation pendant un siècle, avant fermeture, était évalué à 14 milliards d’euros. Mais l’Andra a depuis effectué des choix techniques qui ont porté la facture à quelque 35 milliards d’euros. Les industriels, c’est-à-dire les pollueurs, doivent payer. Ils ne sont pas contents ! Ils ont monté un dossier technique concurrent, qui ramènerait la facture aux 15 milliards initiaux. Selon le député, le gouvernement « n’a que trop tardé » à mettre en place la Commission nationale d’évaluation financière prévue par la loi de 2006. Tout le monde navigue à vue.

Le centre industriel de stockage géologique (Cigeo) de Bure sera un gigantesque cimetière nucléaire de 15 km2 de galeries et d’alvéoles, dans lesquelles les radioéléments devront être confinés pour l’éternité, ou presque : leur durée de vie se compte en centaines de milliers d’années, pour certains en millions d’années**. La radioactivité du neptumium 237 diminue de moitié au bout de deux millions d’années. En 2030, le volume des déchets à haute activité atteindra 5300 m3.

La Biosphère fonctionne selon des processus de recyclage, les humains ont abandonné cette réalité pour ne s’intéresser ni à la pérennité des ressources naturelles nécessaires à leur activité, ni à la gestion des déchets. Une activité humaine qui ne tient pas compte du cycle de vie du produit (de la ressource à la maîtrise des déchets) n’est pas une activité raisonnable… Le choix du nucléaire était une entourloupe ! Une seule solution, la sortie programmée du nucléaire…

* LE MONDE du 21 janvier 2011, Les producteurs de déchets nucléaires rappelé à la loi

** LE MONDE du 6 février 2013, Déchets radioactifs : un stockage pour l’éternité

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Energies fossiles, nous croyons encore au père Noël

« Gaz de houille, des ressources gigantesques sans fracturation hydraulique », « Hydrates de méthane, prochaine révolution énergétique ». Lu ainsi, les deux articles du MONDE du 29 janvier nous présagent des lendemains qui chantent. Mais le grand titre du premier est sous forme interrogative, « Le gaz de houille, nouvel eldorado fossile ? » et le sous-titre du second dubitatif : « Hydrates de méthane, ressource instable enfouie dans les profondeurs de l’océan. »

Le problème, c’est que la population, addict aux ressources fossiles, croit à la pérennité de notre modèle thermo-industriel parce qu’on « trouvera toujours quelque chose ». Pour l’instant les ressources non conventionnelles, sables bitumineux, gaz de schiste, pétrole de schiste, gaz de houille, hydrates de méthane… donnent encore quelques béquilles à cette croyance. Eclairons nos concitoyens. D’abord ils doivent prendre conscience que le fait de brûler des ressources fossiles, quelles qu’elles soient, accroissent le réchauffement climatique et les risques pour les pays pauvres ainsi que pour les générations futures. Ensuite ils doivent prendre connaissance plus précisément des informations données par LE MONDE.

Le gaz de houille, c’est le coup de grisou qui a tué bien des mineurs, c’est du gaz naturel piégé à la surface du charbon. On évalue (à la louche) le potentiel en Lorraine à sept ou huit années de consommation de gaz en France. Et après avoir brûlé ce gaz, quelles seront les alternatives ? Ensuite la faisabilité d’une production industrielle est loin d’être démontré et les risques environnementaux ne sont pas évalués. Les hydrates de méthane, ce sont des poches de gaz encapsulées dans des cristaux de glace très instables comportant un risque élevé d’accident, utilisant des techniques off shore périlleuses pour des gisements diffus, et pouvant libérer des poches de méthane alors que ce gaz à un effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2.

Les gens comme Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, ne rentrent pas dans ces détails trop gênants : « L’exploitation du gaz de houille va permettre de réduire la facture énergétique française. »  Le ministère de l’écologie reste circonspect : « Dans le domaine de l’énergie, tout emballement sur de potentiels eldorados est souvent risqué et prématuré »*. Jusqu’à présent, la sagesse écologique est perdante face aux intérêts économiques à court terme. Nos concitoyens devraient être mieux informés des enjeux du long terme…

* LE MONDE du 29 janvier 2013, le grisou, nouveau sujet de tension entre M. Montebourg et Mme Batho

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Interview du PDG de Total, bluff et désinformation

Pour le PDG de Total Christophe de Margerie le terme « transition énergétique » (pour le débat national initié par les socialistes) paraît plus « raisonnable » que  « décarbonisation » de l’économie. On voit déjà où il veut en venir, continuons à brûler du pétrole ! Rajouter qu’« un débat franco-français sans vision mondiale n’aurait aucun sens » veut bien dire qu’il ne faut rien changer… alors que la France pourrait jouer un rôle d’exemplarité. Christophe de Margerie affirme que la lutte contre le changement climatique, « c’est une question de survie à court ou moyen terme ». Donc arrêtons de brûler du pétrole, qui émet des gaz à effet de serre ! Mais de Margerie préfère parler de rentabilité des gaz de schiste : « Bientôt on pourra même exploiter les champs de gaz sec de manière rentable. » Et vive l’effet de serre. Et comme on cherche ardemment des alternatives à la fracturation hydraulique, on sera au point « dans dix à vingt ans… pour développer une technologie de rupture ». Toujours cette croyance aveugle de la technique qui trouve toujours ce qu’il faut… demain… ou plus tard ! D’ailleurs, « parlons plutôt de « massaging » de la roche plutôt de « fracturation » ». Quelle bonne idée que c’est là, mieux vaut massage que fracture, pourtant c’est la même chose ! « Si on exploitait le gaz de schiste français, ce serait bon pour l’économie et pour la sécurité de notre approvisionnement ». Ah, toujours le chantage à l’économie, brûlons la planète, cela fait des emplois ! « Les études à charge (fuites de méthane sur les forages de gaz de schiste) n’ont aucune valeur. » Bien entendu, seul Margerie a raison !

Et la descente énergétique après le pic pétrolier, solution première aux émissions de gaz à effet de serre ? Christophe de Margerie fait fort : « Le peak oil n’est plus vraiment d’actualité. Des découvertes et le développement de nouvelles technologies ont permis d’accroître les ressources pétrolières dont le monde dispose sur le long terme. Grâce en particulier aux huiles et gaz de schiste. Concernant le pétrole, nous estimons que nous disposions de plus de cent ans de ressources sur la base de la consommation actuelle. » Belle confusion entre réserves ultimes et pic quantitatif du pétrole ! De toute façon l’affirmation Margerie relève du mirage car, comme il le dit lui-même, « nous sommes toujours confrontés au « peak capacity« , c’est-à-dire à notre capacité à transformer toutes ces ressources en réserves développées » ! Hypocrisie quand tu nous tiens…

Matthieu Auzanneau, autrement dit notre copain Oil Man, commente : Margerie dit qu’il n’y a pas de « peak oil » MAIS confirme un « peak capacity » vers 2020-2025. Il ne reste plus qu’à expliquer la différence !

* LE MONDE du 11 janvier 2013 Christophe de Margerie : « Le changement climatique, c’est sérieux »

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Yves COCHET, Cassandre en 2003, çà décoiffait déjà !

Noël n’interdit pas de réfléchir… Intervention du député Yves Cochet lors du Colloque politique énergétique et politique industrielle (2 décembre 2003) :

« Je veux parler du pétrole et montrer pourquoi dans moins d’une dizaine d’années, des industries comme Airbus, Peugeot et Renault vont affronter un choc considérable. Deux phénomènes presque inéluctables vont se produire. Le premier est le passage du pic de production pétrolière mondial, donc le déclin de la production pétrolière mondiale. Le deuxième phénomène est la rencontre de deux courbes qui ne s’étaient jamais rencontrées depuis 150 ans : la courbe de l’offre mondiale de pétrole a toujours été supérieure à la courbe de demande mondiale de pétrole. Vers 2010, les deux phénomènes coïncideront : d’une part, il y aura le dépassement du pic de Hubbert et d’autre part une demande mondiale, essentiellement poussée par la Chine et l’Inde, qui dépassera l’offre de production. Le prix du baril, qui oscille entre 25 et 35 dollars depuis 1973, oscillera autour de 100 dollars en 2015, et autour de 200 dollars en 2025. Pour le gaz, le pic de Hubbert et le croisement des deux courbes auront lieu vers 2030.

Quelles sont les conséquences pour Airbus, Peugeot et Renault ? L’Airbus A380 ne sera jamais rentable car l’aviation civile commerciale de masse sera totalement effondrée en 2025 en raison du prix exorbitant du kérosène. Pour Renault et Peugeot, il y a actuellement 580 millions de véhicules individuels à moteurs thermiques dans le monde. Dans dix ans, ce chiffre va s’effondrer avec le prix du baril. Mais à cent dollars le baril, nos économiques seront très gravement touchées, les transports terrestres et l’agriculture, et surtout l’aviation civile et la pétrochimie. Nos économies vont pourtant dans un mur terrible, les chocs pétroliers de 1973 et 1979 seront des rigolades à côté de ce que l’on aura en 2010-2015. Cette économie pétrolière est terminée or il y a un déni incroyable de la réalité. Ce paysage n’est pas du tout celui de l’AIE où se trouvent des optimistes de tout crin ! Seulement 1 % des gens croient à ce paysage car tout le monde plane dans le rêve nostalgique des Trente Glorieuses.

Deux solutions sont envisageables pour éloigner le mur dans lequel nous fonçons. La première serait d’avoir des taxes très fortes sur les produits pétroliers pour diminuer l’envie de consommer du pétrole. La deuxième solution serait de passer violemment et massivement à l’efficacité énergétique et à la sobriété. Je prends une seule mesure pour terminer, mesure qui fait rire tout le monde sauf moi : interdire l’importation et la construction en France de véhicules de plus de 1500 cm2, fusionner Renault et Peugeot et leur permettre de ne construire que des Clio et des 206. »

François-Michel Gonnot (député de l’Oise) :

« Voilà une réaction qui décoiffe ! »

(éditions DECISION)

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L’EPR et l’électronucléaire n’ont aucun avenir

1. La France ne maîtrise pas toute la chaîne du nucléaire

1.1. L’extraction du minerai uranifère

a/ Il y a belle lurette qu’il ne sort plus un seul kilo d’uranium du sol français, alors que nous  extrayons encore, bon an mal an, un million de tonnes de pétrole de notre sous-sol. Pourtant, si la totalité de notre consommation pétrolière n’est pas considérée comme indigène dans les statistiques officielles, l’uranium importé en France l’est encore, intégralement. Peut-on vraiment parler d’indépendance, et même de crédibilité énergétique ?

b/ En juin 2007, lorsque Mme Lauvergeon était encore aux manettes d’AREVA, le consortium URAMIN a été acheté pour 1,8 Md€, dont 1,5 depuis passés « en provisions », c’est-à-dire en profits et pertes, dans une société contrôlée à 80 % par l’Etat, donc garantie par le contribuable. Ceci apparemment avec l’espoir de vendre des EPR à l’Afrique du Sud (information du Mail and Gardian, Johannesburg, 11 août 2012).

c/ AREVA vient de voir annuler la licence d’exploitation accordée en 2010 par la Jordanie à la JFUMC (Jordanian French Uranium Mining Company), car « les découvertes annoncées par AREVA étaient inexactes » comme révélé par une expertise extérieure (L’Express, Paris, le 23 octobre 2012).

d/ Le sort des quatre employés d’AREVA capturés au Niger par AQMI en 2011 et depuis détenus en otages au Mali, ne plaide pas davantage en faveur de la sécurité de nos approvisionnements (Cf. M6 Magazine, Enquête exclusive, 21 octobre 2012 : « le film s’attache aux intérêts stratégiques des Français sur place à Arlit, (et à leur) vie en vase clos, surprotégée, derrière les murs d’enceinte d’un camp retranché »). Malheureusement, le terrorisme peut s’exporter, les Américains l’ont appris le 11 septembre 2001. De plus, vendre la technologie nucléaire au premier venu peut entraîner des retours de flammes, ce que savent les Occidentaux et les Israéliens avec l’Iran.

e/ Si, comme certains experts le pensent, les USA peuvent devenir autonomes en énergie grâce aux gaz de schistes, le cours international des hydrocarbures va s’en ressentir fortement, marginalisant le nucléaire et faisant baisser les cours de l’uranium. D’où un billard à trois bandes, résumé comme suit : l’uranium va voir baisser ses prix… mais sans conséquences, puisqu’il n’y aura plus d’industrie nucléaire…

1.2. L’enrichissement de l’uranium

Pendant quarante ans, la France a utilisé un procédé certes fiable, mais extrêmement coûteux en énergie, pour séparer les deux isotopes de l’uranium naturel, par diffusion gazeuse de leurs fluorures à travers des barrières poreuses ultrafines. Parmi les autres procédés, l’ultracentrifugation a aujourd’hui la cote, en raison de sa simplicité et de son excellent rendement énergétique. Les Iraniens seraient bien placés pour nous donner la leçon car, faute d’avoir su réagir à temps, la France a dû acheter ses « bécanes » au consortium international URENCO (Allemagne, Pays-Bas, Grande-Bretagne) pour équiper la nouvelle usine de Pierrelatte, baptisée Georges Besse II et inaugurée le 14 décembre 2010 par Mme Anne Lauvergeon (AREVA)..

1.3. La réalisation et le fonctionnement des réacteurs

Rappelons que les EPR sont en fait des réacteurs Westinghouse sophistiqués, et que leur mise en œuvre sur divers chantiers s’est montrée plus que laborieuse, accumulant arrêts et retards, aussi bien en Finlande qu’en France. Le 27 juillet 2011, EDF a reconnu un retard de deux ans pour le démarrage de Flamanville (au moins 7 ans de chantier entre 2007 et 2014) et un quasi doublement de l’estimation initiale du coût, passé de 3,5 à plus de 6 Md€.

En ce qui concerne la sûreté des futurs réacteurs, on peut être objectivement tenté de dire que cette rubrique est probablement celle comportant le moins de sujets d’inquiétude, compte-tenu des nouvelles précautions prises : double enceinte pour le réacteur ; réservoir d’eau interne pour le refroidissement de l’enceinte ; zones indépendantes pour la sauvegarde ; dispositif de récupération du « corium » (= magma de fusion du cœur du réacteur). Ces dispositions appellent toutefois deux remarques : « la sécurité n’a pas de prix », mais elle retentit forcément sur la compétitivité financière de la filière (voir ci-dessous) ; de plus, et paradoxalement, la sophistication technique résultante n’est pas forcément synonyme de fiabilité, voire de « sûreté » (cf. le barillet de Super-Phénix).

De plus, que veulent dire « probablement » et « probabilités » en matière de risques nucléaires, à caractère aléatoire, voire imprévisible ? Même si les ingénieurs français sont les meilleurs du Monde, Tchernobyl et Fukushima ont démontré définitivement que le risque zéro n’existe pas en nucléaire, car les circonstances ou les causes, souvent humaines, sont rarement celles auxquelles on pensent (exemple : le tsunami, même chez les Japonais dont la culture des tremblements de terre est pourtant une référence). Après 30 ans de services, Concorde a explosé en vol à cause d’une pièce de métal de 8 kg égarée sur la piste d’envol. Pour le nucléaire, les conséquences d’un accident majeur s’inscriront à une échelle au minimum géographiquement régionale, et temporellement centenaire, très lourdes à gérer du point de vue humain (culturellement, les Français seront-ils aussi dociles ou résignés que les Soviétiques ou les Japonais ?).

1.4. Le traitement des combustibles usés et le stockage des déchets

La Hague existe et, grâce à la France, des tonnes de combustible irradié traversent terres et mers pour, en principe, retour des « déchets » à l’envoyeur. On peut voir là une rente de situation, mais aussi se demander si cette exception française (les Américains n’ont jamais eu de programme industriel pacifique, les Britanniques l’ont abandonné, seule la Russie persiste) ne résulte pas de la trouble fascination française pour le plutonium, l’une des substances les plus dangereuses qui soit, des points de vue toxicologique, radioactif et militaire. Pour les déchets, les « recherches » se poursuivent en France depuis la création du CEA ; en attendant les résultats, une partie en est pudiquement exportée en Sibérie. Remarque : il y a beaucoup de ressemblances entre les programmes nucléaires français et soviétique : capitalisme d’Etat ? carence démocratique ? technophilie primaire ?

2. L’EPR n’a aucun avenir technique et commercial 

2.1. L’EPR a-t-il un avenir en France ?

2.1.1. Les aspects financiers

« Au 1er janvier 2010, l’endettement d’EDF s’élevait à 42,5 milliards d’€ (= 280 milliards de F, séquelle du premier programme), pour un résultat brut d’exploitation de 17,5 milliards d’€ », (Nouvel Observateur, 2 juin 2011), soit un taux d’endettement de 243 %, à comparer à celui de la France, égal à « seulement » 90 %, tous deux d’ailleurs à la charge du consommateur et / ou du contribuable. Où trouver le financement d’une deuxième génération électro-nucléaire fondée sur des EPR dont les prix ne cessent de dériver à la hausse, si ce n’est par la privatisation et l’augmentation de 30 % (dans un premier temps) du prix du kWh ?

L’horizon 2025 de l’électronucléaire

Compte tenu des puissances des réacteurs, la mise au rencart des 24 premiers réacteurs sur 58 (en apparence 41 % du parc) ne correspond en fait qu’à la disparition du tiers de la puissance électrique (21,8 / 63,3 GW = 34 %), avec des puissances unitaires moyennes de 908 MW pour la génération condamnée et 1221 MW pour la génération survivante. 2/ De plus, en se débarrassant de ses 24 plus anciens réacteurs (moins performants que les plus récents), EDF verra le taux de DPM (Disponibilité à Puissance Maximale) de son parc passer de 74 % à près de 79 % (on annonce officiellement 90 % pour les EPR). 3/ Au total, la « force électrique » du parc à venir sera égale à 32,7 GW « efficaces », soit 70 % de celle du parc actuel (46,8 GW). Et si l’on y ajoute les deux réacteurs de Flamanville (2 x 1,6 x 0,90 = 2,9 GW), alors en atteindra-t-elle les trois-quarts ! 4/ Conséquence alors logique du plan officiel, où l’électricité nucléaire ne devra plus représenter en 2025 « que » 50 % de l’électricité totale, l’électricité « non-nucléaire », actuellement égale à 138 TWh (550 TWh x 25 %), devrait passer à 305 TWh (610 x 50 %), soit plus du double du niveau actuel. 5/ Double question : serait-ce pour cette raison que l’équipement du site de Penly-bis a été gelé ? Une telle montée en puissance des ENR est-elle possible ?

Si l’on respecte la double promesse d’un démantèlement des 24 plus vieux réacteurs et du passage à 50 % de la part du nucléaire dans la production de l’électricité, il inutile d’aller plus loin que la mise en fonctionnement des EPR de Flamanville (EDF à tout de même bon espoir qu’un au moins des deux réacteurs puisse être couplé au réseau avant 2025…). Encore avons-nous tablé sur une croissance globale de 11 % de la consommation électrique totale, avec + 0,2 % par an pour la consommation électrique individuelle, alors qu’elle tend plutôt à baisser aujourd’hui (cf. courbes) ; ceci d’autant plus que les nouvelles normes d’isolation RT 2012 vont diminuer la part du chauffage électrique (une absurdité thermodynamique), donc la consommation globale, malgré la montée en puissance des multiples usages non-thermiques de l’électricité domestique (qui participent d’ailleurs in fine au chauffage, conformément au second principe de la thermodynamique).

La principale condition pour la réussite du plan gouvernemental est que la croissance des énergies renouvelables dans la production / consommation électriques soit à la hauteur des enjeux ; l’argent économisé dans le programme électro-nucléaire doit donc être entièrement basculé vers les énergies renouvelables. En Suisse, la conseillère fédérale Doris Leuthard (ancienne présidente de la Confédération), en charge du dossier, a récemment rendu public le projet de plan énergétique national pour 2050, avec extinction du nucléaire et multiplication par 35 des énergies renouvelables, dont 70 fois pour le photovoltaïque (Le Temps, Genève, 29 septembre 2012. Information passée inaperçue en France). D’ailleurs, depuis 2000, dans l’Union Européenne, la puissance nucléaire installée a diminué de 14 GW (= 9 EPR) tandis que celle des ENR (= énergies renouvelables) a progressé de 142 GW. D’après Alain Lipietz (Télérama, N° 3273, 3 octobre 2012), « le 28 février 2012, pic de la consommation française, nous avons acheté 9 millions de kWh sur les 10 produits (le même jour) par le solaire allemand ! Cette énergie avait coûté 240 € le MWh aux électriciens allemands, ils les ont revendus 1700 € à la France ». En tout cas, abandonnons définitivement l’idée d’exporter notre savoir-faire nucléaire chez nos voisins…

2.2. L’EPR a-t-il un avenir dans le Monde ?

2.2.1. En Allemagne, l’abandon du nucléaire  a été programmé pour 2022. En été 2011, le groupe allemand Siemens, longtemps partenaire d’AREVA, s’est désengagé du nucléaire. En Finlande, la construction de deux EPR connaît les mêmes déboires qu’à Flamanville ; démarrée en 2005, leur construction n’est toujours pas achevée, et les « provisions » (= indemnités au futur exploitant TVO) se montaient déjà en 2011 à 2,7 Md€.

      L’inquiétant recul anglais d’AREVA (un titre dans Les Echos, 4 octobre 2012). « Depuis la catastrophe de Fukushima, les grands acteurs du nucléaire, dans la grisaille ambiante, décrivaient tous le Royaume-Uni comme une sorte de terre promise », considérée comme « le seul endroit au monde, avec la Chine, où le traumatisme japonais n’a pas eu pour effet de stopper ou de ralentir les projets de nouvelles centrales. Après avoir vu se fermer la plupart de ses débouchés, la filière nucléaire française toute entière a donc reporté ses espoirs sur le marché britannique. Avec, à la clef, pas moins de huit réacteurs nucléaires potentiels dans les dix ans ». « Mais depuis hier, cet horizon-là aussi s’est obscurci. En confirmant avoir « suspendu » son intérêt pour un projet /…/ de deux nouveaux réacteurs outre-Manche, le groupe AREVA a pris tout le monde au dépourvu. A commencer par les autorités britanniques /…/, après l’abandon des électriciens allemands EON et RWE ». « Un avertissement, à la fois pour la profession et les décideurs politiques ». Quatre ans plus tôt, le 24 septembre 2008, EDF avait acheté pour 15,6 Md€ le principal opérateur nucléaire British Energy, en vue de construire quatre EPR pour approvisionner le marché britannique.

Aux Etats-Unis, la NRC (Nuclear Regulatory Commission), « autorité de sureté nucléaire américaine, a rejeté le 30 août 2012 la demande de construction par EDF d’un EPR dans le Maryland. La loi américaine interdit (en effet) à une société étrangère d’être majoritaire dans un exploitant de centrale nucléaire ». C’est désormais le cas « du groupe français (sans) partenaire américain depuis le rachat à Constellation Energy de sa part dans la coentreprise Unistar. En fait, « depuis 2010, EDF n’envisage plus de construire d’EPR aux Etats-Unis. Le gaz de schiste à très bon marché a rendu le nucléaire peu compétitif » (Le Monde, 2-3 septembre 2012). Arrêtons la liste pour gagner du temps, en évoquant seulement l’échec d’AREVA en décembre 2009 dans les pourparlers d’achat de quatre EPR par Abou Dhabi, une affaire de plus de 20 Md€, alors qualifiée de « contrat du siècle ».

En fait, si le nucléaire a encore quelque espoir d’implantation dans le Monde, les fournisseurs potentiels seront plutôt des pays plus pragmatiques (ou plus cyniques…), optimisant le ratio coûts / avantages + risques, comme la Corée du Sud (opérateur Kepko), la Russie ou la Chine. Cela ne rappelle-t-il pas étrangement la destinée du Rafale, le meilleur avion du Monde, deux fois plus cher que ses concurrents, et par là invendable depuis 30 ans ? Une fois de plus, s’agirait-il d’une exception française : avoir raison contre le reste du Monde !

2.2.2. Du coup, on peut aussi s’interroger sur la participation du nucléaire dans ce que l’on appelle « le déficit de compétitivité » dont est frappé notre pays et qui agite à juste titre notre microcosme. L’Allemagne, souvent montrée en exemple, n’aurait-elle pas eu la chance insigne d’être privée de colonies, de force de frappe, de Concorde… et de Super-Phénix, ce qui lui a permis de fabriquer et d’exporter des chauffe-eaux solaires et des éoliennes ? Le comprendre est-il trop compliqué pour les polytechnarques qui nous gouvernent ? L’EPR va-t-il devenir un « Tchernobyl financier », selon la formule de Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement ?

Pour résumer et conclure :

1/ Au niveau national, l’électricité représente en énergie finale (= chez l’utilisateur), 22 % de l’énergie totale consommée, dont 75 % d’origine nucléaire ; consécutivement, la part de l’électronucléaire dans le bilan énergétique français, égale au produit des deux termes, vaut moins de 17 %, record mondial mais aussi chiffre palier tendant à la baisse. L’EPR ne semble pas pouvoir se développer si les engagements officiels de faire passer l’électro-nucléaire de 75 à 50 % sont tenus .en faveur des énergies renouvelables.

2/ Au niveau mondial, respectivement : 17,2 % (électricité consommée), 13,5 % (proportion de l’électro-nucléaire) et, consécutivement, 2,3 % (part du nucléaire dans le total des énergies). Ainsi, doubler d’ici 2050 l’électro-nucléarisation de la planète n’amènerait qu’à moins de 5 % sa part dans le budget énergétique mondial, tout en nécessitant la mise en chantier de deux réacteurs par semaine, le tout pour un total de 19 000 Md€ et tous les risques de dissémination afférents ! L’enjeu en vaut-il la chandelle (si l’on ose dire, après le « spectre de la bougie » agité par un ancien président de la République…) ? Pas davantage ici l’EPR ne semble être dans la course, ses prix ne le rendant pas compétitif sur un marché que bouleversera d’ailleurs peut-être une nouvelle source énergétique carbonée, celle des gaz de schistes. Dans un cas (déchets radioactifs millénaires) comme dans l’autre (CO2 comme gaz à effet de serre), l’impasse environnementale serait totale. Seules les énergies dites nouvelles et les économies d’énergie sont à la hauteur qualitative et quantitative des enjeux.

Un troisième EPR en France est inutile avant 2025 au moins ; la vente dans le Monde est de plus en plus illusoire dans le contexte post-Fukushima. L’illusion d’une filière franco-française s’écrase sur le mur des réalités économiques, techniques et environnementales.

Philippe Lebreton (L’EPR et l’électro-nucléaire ont-ils un avenir ?)

article de novembre 2012

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