L’AIE, une officine des basses œuvres pétrolières

Créée à la suite du choc pétrolier de 1973 par les pays riches de l’OCDE, l’Agence internationale de l’énergie est surtout destinée à faciliter la coordination des politiques énergétiques des pays membres afin de soutenir la croissance économique. L’AIE a toujours minimisé le danger d’une pénurie de pétrole afin de ne pas générer un mouvement de panique. En fait il n’y a jamais autant de pétrole dans le monde que ce que l’Agence affirme. Dans son rapport World Energy Outlook de 1998, l’AIE avait ajouté un « facteur d’équilibrage » dénommé « pétrole non conventionnel non identifié » qui constituait en réalité un nom de code pour dire « pénurie » ! Il est vrai que l’Administration américaine intervient pour étouffer toute évaluation pessimiste réalisée par l’AIE. Car si le gouvernement annonçait que le pic pétrolier menaçait notre économie, Wall Streeet s’effondrerait. Pourtant, dans son WEO de 2010, l’AIE reconnaissait que la production du brut conventionnel avait culminé en 2006 : « La production de pétrole brut atteint un plateau ondulant autour de 68-69 millions de barils/jour, à l’horizon 2020, sans toutefois jamais retrouver son record absolu de 70 mb/j atteint en 2006. »*

C’est à la lumière de ses considérations historiques qu’il faut regarder la dernière info du MONDE : « La fin du pétrole abondant n’est pas pour demain. Dans son dernier rapport, l’AIE estime que l’offre mondiale d’hydrocarbures liquides progressera de 8,8 % pour atteindre 103 millions de barils par jour en 2018… L’offre augmentant plus rapidement que la demande, les pressions sur les prix de l’or noir devraient s’alléger… »** Dans une interview donnée au MONDE en novembre 2012, l’économiste en chef de l’AIE, Fatih Birol, promettait déjà une stratégie de l’offre : « La future autonomie énergétique américaine est due au développement des technologies de pointe qui lui permettent notamment d’exploiter les hydrocarbures non conventionnels comme le pétrole et le gaz de schiste. » Fatih Birol pensait que la demande d’énergie allait croître de plus d’un tiers d’ici à 2035, nulle mention dans son discours de la nécessaire sobriété énergétique.

Pour les (in)croyants, nous signalons la parution récente chez Springer d’un « Atlas du pétrole » écrit par un très grand géologue pétrolier, Colin Campbell, qui décrit la situation pays par pays. Il ne s’agit donc plus d’histoires romancées, mais de données. On se rend compte que la très grande majorité des pays producteurs a dépassé son peak oil. La production totale est encore en légère hausse, mais seulement grâce au non-conventionnel : liquides de gaz naturel (LGN), pétrole de schistes, extralourds (Canada, Venezuela). C’est le commencement de la fin du pétrole. Toute transition vers un abandon du pétrole devrait être anticipée avec des décennies d’avance. Il faudrait donc préparer la civilisation de l’après-pétrole dès maintenant, or l’AIE et LE MONDE nous empêchent de le faire…

* L’avenir du pétrole (panne d’essence, panne de sens) d’Olivier Parks (éditions Dangles

** Le Monde.fr | 14.05.2013, L’offre mondiale de pétrole augmentera de 9 % d’ici à 2018

6 réflexions sur “L’AIE, une officine des basses œuvres pétrolières”

  1. Apis Mellifera

    Biosphère,
    Vous écrivez en citant l’AIE : « La production de pétrole brut atteint un plateau ondulant autour de 68-69 milliards de barils/jour, à l’horizon 2020, sans toutefois jamais retrouver son record absolu de 70 mb/j atteint en 2006. »
    Cela fait vraiment beaucoup… ne serait-ce pas des millions à la place des milliards ?

    1. Exact, millions et non milliards dans le premier paragraphe. C’est corrigé, merci.
      « Millions », cela fait déjà beaucoup (trop) !

  2. Apis Mellifera

    Biosphère,
    Vous écrivez en citant l’AIE : « La production de pétrole brut atteint un plateau ondulant autour de 68-69 milliards de barils/jour, à l’horizon 2020, sans toutefois jamais retrouver son record absolu de 70 mb/j atteint en 2006. »
    Cela fait vraiment beaucoup… ne serait-ce pas des millions à la place des milliards ?

    1. Exact, millions et non milliards dans le premier paragraphe. C’est corrigé, merci.
      « Millions », cela fait déjà beaucoup (trop) !

  3. de la part de Bernard D.
    L’AIE s’est systématiquement planté depuis 2002 dans ses prédictions, toujours beaucoup trop optimistes. Elle ne peut utiliser que des données en provenance des gouvernements. L’ASPO, dont je fais partie, utilise des données recueillies par « scouting » . Nous sommes beaucoup moins optimistes. Un rappel : Campbell et Laherrère, dans un article célèbre de Scientific American de 1998, ont prédit le déclin du pétrole conventionnel avant 2008. Il s’est produit en 2006, même l’AIE l’a reconnu.
    La question fondamentale est : le pétrole non conventionnel (pétroles extralourds du Canada et du Venezuela, liquides associés au gaz naturel (LGN)) et le pétrole synthétique ( CTL, GTL, biocarburants, STL (huiles obtenues par pyrolyse de schistes bitumineux) pourront-ils se développer plus vite que le déclin du conventionnel ? Notre réponse est non.
    Un autre aspect très important : la consommation augmente rapidement dans les pays producteurs, fortement encouragée par une politique de prix très en-dessous des prix du marché. Leur capacité exportatrice va donc s’amenuiser rapidement. D’autre part, au rythme où se développe la circulation automobile en Chine, le prélèvement par la Chine, et aussi par l’Inde, est en train de s’accroître exponentiellement ! Attention, danger à brève échéance!
    Je suis catastrophé de voir que cette question n’a pas été mise à l’ordre du jour du DNTE, qui de ce fait n’est qu’une mascarade de plus!

  4. de la part de Bernard D.
    L’AIE s’est systématiquement planté depuis 2002 dans ses prédictions, toujours beaucoup trop optimistes. Elle ne peut utiliser que des données en provenance des gouvernements. L’ASPO, dont je fais partie, utilise des données recueillies par « scouting » . Nous sommes beaucoup moins optimistes. Un rappel : Campbell et Laherrère, dans un article célèbre de Scientific American de 1998, ont prédit le déclin du pétrole conventionnel avant 2008. Il s’est produit en 2006, même l’AIE l’a reconnu.
    La question fondamentale est : le pétrole non conventionnel (pétroles extralourds du Canada et du Venezuela, liquides associés au gaz naturel (LGN)) et le pétrole synthétique ( CTL, GTL, biocarburants, STL (huiles obtenues par pyrolyse de schistes bitumineux) pourront-ils se développer plus vite que le déclin du conventionnel ? Notre réponse est non.
    Un autre aspect très important : la consommation augmente rapidement dans les pays producteurs, fortement encouragée par une politique de prix très en-dessous des prix du marché. Leur capacité exportatrice va donc s’amenuiser rapidement. D’autre part, au rythme où se développe la circulation automobile en Chine, le prélèvement par la Chine, et aussi par l’Inde, est en train de s’accroître exponentiellement ! Attention, danger à brève échéance!
    Je suis catastrophé de voir que cette question n’a pas été mise à l’ordre du jour du DNTE, qui de ce fait n’est qu’une mascarade de plus!

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