Plus personne ne peut de nos jours contester que l’humanité est confrontée à une crise écologique globale d’ampleur inégalée. Elle résulte en premier lieu d’une croissance démographique explosive de l’espèce humaine, d’une telle ampleur qu’E.O. Wilson a pu pertinemment écrire que l’accroissement de ses populations se fait beaucoup plus selon un mode bactériel que selon les modalités démo-écologiques propres à une espèce de primate évoluée ! Comment ne pas être atterré de constater que l’effectif du genre Homo, a plus que quadruplé en moins de cent ans au cours du seul XXe siècle, sa population ayant dépassé les 6 milliards en l’an 2000 ! Comment ne pas être consterné quand l’on constate que des démographies et des sociologues, adoptant une attitude de nataliste attardé, affirment aujourd’hui encore que l’explosion démographique n’aura pas lieu ! Il s’agit d’un refus du réel que l’on observe parmi ceux que Pierre Jouventin appelle de façon courtoise des « rêveurs optimistes ».
A la différence des autres prédateurs, l’homme chasseur-collecteur a exterminé une à une de très nombreuses espèces qu’il chassait en meute comme les loups, alors que l’écologie enseigne que dans la nature existe un équilibre permanent des populations de prédateurs et de proies. Cette constatation a fait dénommer par les démo-écologues le couple proie-prédateurs comme le binôme « prédateur prudent et proie efficace ». Notre espèce a éradiqué peu à peu toutes les autres espèces de grande taille qui lui étaient proches, les autres Homo comme la grande faune. En outre, autre indice d’une animalité incomplète, l’homme n’a plus régulé ses effectifs à partir du néolithique, à l’opposé de ce que font les autres espèces animales supérieures qui représentent ce que l’on dénomme en écologie des espèces K, que privilégient le développement au détriment de la reproduction. La stratégie r est adoptée normalement par des petits mammifères de faible longévité et de croissance rapide. L’homme constitue la seule espèce de grand Primates qui se comporte depuis le néolithique comme un stratège r. Par ailleurs, à la pression insensée qu’exerce depuis déjà longtemps la surpopulation humaine sur la nature et ses ressources, se sont ajoutées les conséquences parfois calamiteuse du développement de technologies pas toujours maîtrisées, ce qui a accru de façon exponentielle l’impact effectif de nos espèce non seulement sur la biosphère, mais bien au-delà sur l’écosphère.
Si seulement la population mondiale était régulée, tous nos problèmes présents et futurs seraient écologiquement résolus en quelque dizaines d’années puisque notre pression sur le milieu de vie redeviendrait faible. Une décroissance des populations humaines pourrait maintenir dans son intégrité la biosphère et l’écosphère. Ne pas agir ainsi est d’autant plus aberrant que le fait de contrôler sa natalité est une question de simple bon sens accessible à quiconque est doté de raison.
François Ramade, dans sa préface au livre de Pierre Jouventin « L’homme, cet animal raté (Histoire naturelle de notre espèce) » aux éditions Libre & Solidaire (2016).
@Patrick Pellet
Il ne faut pas trop chipoter non plus, tout le monde peut se tromper, même les calculettes font parfois des erreurs. Si celle du WWF déconne celle de Didier Barthès est assez juste.
1,6 x 3 ça fait bien 4,8 et non pas 6. Et 1,6 x 4 ça fait 6,4. Certes ça ne fait pas 6 mais comme je disais on ne va pas chipoter. Au point où nous en sommes, quelques centaines de millions de malheureux terriens de plus ou de moins ça n’y change rien.
Et si comme l’affirme Didier Barthès… si à 1,6 milliard nous sommes « déjà très au-delà de tout équilibre écologique » … alors on ne va pas chipoter non plus pour quelques milliards de plus ou de moins.
Petite anecdote à propos des euphémismes voire des mensonges sur la démographie: Au début des années 2000, j’attendais dans une file d’attente d’un grand magasin pour payer un petit bouquin sur les gestes quotidiens à accomplir …pour sauver la planète.
Pendant que j’attendais de passer à la caisse, je me mettais à lire la préface de ce livre, signée par le WWF.Quel fut mon étonnement quand j’y lus que la démographie avait « triplé au XXème siècle »! 1,6 X 3= 6 et non 4,8 sans doute. Je sortis de la file d’attente et je reportai le livre en rayon…
Bonsoir José
Je ne comprends pas trop le sens de votre commentaire. Déjà, avec des si… on mettrait Paris en Bouteille. Et si… ma tante en avait, alors elle pédalerait sur un vélo d’homme. Et je pourrais étayer, en discuter longtemps, de ma tante et de son vélo.
Ensuite, quel est ce discours optimiste dont vous voulez parler ? De toute façon pour moi, les optimistes sont des bluffeurs, des menteurs, ils se mentent à eux-même.
Vous connaissez donc l’histoire du type qui tombe du 30ème étage. En passant devant chaque étage il se dit « jusque là tout va bien »… au niveau du 1er étage il se dit toujours « jusque là tout va bien ! » Que voulez-vous, il se trouve que c’est le genre d’histoire qui me fait rire. Toutefois je comprends qu’il n’en est pas de même pour tout le monde. En ce qui me concerne, quand je dis « jusque là tout va bien », ce n’est même pas du second degré, mais du troisième. Je vous rappelle aussi que je ne crois absolument pas aux miracles.
@Michel C
avec des si…
Mieux vaudrait étayer le discours optimiste, parce que ça fait un moment que pour le discours pessimiste on a largement assez d’éléments. Bien entendu, le type qui tombe par accident du 30ème étage peut toujours se dire qu’il existe une possibilité que la constante de gravitation soit soudain divisée par 100 pendant sa chute.
Bonjour Didier Barthès
Je pense que vous n’avez pas bien saisi le sens de mon commentaire. Trop court, pas assez de mots, probablement 😉
Ce titre ne me choque absolument pas et je ne le trouve pas spécialement provocateur. Vous aurez bien compris que je n’écarte pas l’hypothèse que notre espèce soit effectivement un loupé de Dame Nature (disons-le comme ça). Je dirais donc pas que ce livre ne vaut pas l’arbre qu’il a fallu abattre.
J’ai lu cette critique et je n’ai rien à déplorer, au contraire j’approuve bon nombre de choses. Déjà le fait d’avoir mis le mot intelligence entre guillemets (notre « intelligence »). Et je ne peux qu’être d’accord avec le début de la critique, où il écrit que ce livre «raconte l’histoire d’un échec, le nôtre. » Je n’aurais pas dit mieux.
Seulement dans mon commentaire j’avançais une autre hypothèse. Un échec peut parfois être une chance, nous pouvons parfois tirer des leçons de nos erreurs. Rien n’est garanti, évidemment. Comme je dis, d’un âne on ne fera jamais un cheval de course. Qu’il n’y ait rien à espérer de certains spécimens, je pense que c’est évident, mais je ne suis toujours pas convaincu que notre espèce est condamnée à rester au stade Shadok. C’est pour cela que je préfère parier sur cette capacité qu’a l’homme de s’améliorer, de grandir, de devenir un Sapiens enfin digne de ce nom. Il me semble que la question (que je ne comprends pas bien…) posée à la fin de cette critique, semble rejoindre cette idée que j’essaie de traduire.
Quoi qu’il en soit le pessimisme ne doit pas nous faire oublier notre part d’humanité, et n’oublions pas non plus qu’il existe aussi des pessimistes heureux.
Ici une critique du livre de Pierre Jouventin (L’homme cet animal raté), dont cet article évoque la préface de François Ramade.
http://economiedurable.over-blog.com/2017/12/l-homme-cet-animal-rate-par-pierre-jouventin.html
Bonjour Michel C
Vraiment je vous invite à lire ce livre de Pierre Jouventin qui s’intitule ainsi et vous verrez quel sens il donne à ce mot (animal raté) , ne vous jetez pas sur le titre au motif qu’a priori il vous choque. Pierre Jouventin y décrit avec beaucoup d’intelligence les dérives qui ont conduit notre espèce, à l’inverse de toutes les autres, à une situation par laquelle elle met en péril l’ensemble de la biosphère.
Ce titre n’est pas provocateur il résulte d’une longue réflexion et vous ne pouvez ainsi l’envoyer aux oubliettes en une phrase, vous savez bien que les choses sont compliquées et il ne faut pas les régler d’un mot.
Déjà, rien ne nous autorise à dire que Sapiens est un « animal raté ».
Et d’abord, si tel était le cas, qui ou quoi en serait la cause, le responsable ?
Je veux un nom, des noms ! Sinon à qui pourrais-je éventuellement m’en prendre, sur qui, sur quoi, pourrais-je éventuellement passer ma colère ? Je veux qu’on me dise quel est le sagouin qui a fait ce sale coup, ce loup. Ah oui, il faut rappeler que le mot « loup » désigne aussi un défaut d’exécution dans un travail manuel. D’où le verbe «louper». Je me souviens qu’à l’usine, les loups on les mettait à la poubelle, au rebus. Ou alors au recyclage. Bref, loupé ou raté c’est kik-kif bourricot.
Toutefois il s’agit-là d’une hypothèse, disons une thèse, qui peut en effet se défendre. Mais quelle que soit la cause ou le responsable de cette erreur… le Créateur, Dame Nature ou tout simplement « pas de chance »… si Sapiens est raté alors il est trop tard. Quand c’est raté c’est raté. Et ce n’est même pas la peine de pleurnicher, ça n’y changerait rien. Si ça peut en rassurer certains, nous ne serions d’ailleurs pas les premiers à qui ça arrive.
Quant à nous, pauvres petits spécimens de cette espèce, ratée ou pas… en tous cas loin, très loin, d’être parfaite … déjà nous devrions accepter comme telle notre formidable capacité à rater nos entreprises. Nous aurions même intérêt à en rire. « Plus ça rate et plus on a de chances que ça marche. » Pour de multiples raisons, il nous est tous arrivé un jour de rater quelque chose, une mayonnaise, un examen, un bon coup… Quand on loupe un bon coup, ou un joli coup, il n’y a plus qu’à se rhabiller. Et tant qu’à faire, avec élégance ! Comme dit Michel Onfray dans « Décadence ».
Mais heureusement à cette thèse il y a une antithèse, une autre hypothèse. Il se peut aussi que Sapiens n’en soit qu’au stade d’ébauche. Qui sait, peut-être a t-il encore devant lui une belle marge de progression, d’évolution. Peut-être a t-il besoin de passer par certaines épreuves, pour grandir.
Synthèse : Plutôt que de susciter ou d’attiser le dégoût et la haine de cet hypothétique « animal raté », je pense que nous ferions mieux de parier sur la seconde hypothèse.
Maintenant je pense que le disque de Biosphère est un peu rayé. Le mien aussi d’ailleurs, comme celui des autres commentateurs. Toujours les mêmes refrains, qui tournent en boucle, toujours les mêmes chansons. L’ « animal raté » j’avais déjà entendu, je lance le pari qu’en suivant repassera la chanson sur le virus et le cancer. Et après on devrait se farcir le Grand Hommage à Malthus. Parfois, je me croirais sur Radio Nostalgie.
La sagesse et l’évidence même.
Pourquoi cela n’est-il pas universellement reconnu ?
Précisons aussi que lorsque nous constatons une multiplication par 4 des effectifs de notre espèce en un siècle (le 20ème , passé de 1,6 milliard en son début à 6 milliards à sa fin) cela s’est produit avec des effectifs déjà très au-delà de tout équilibre écologique (aucune espèce animale de notre taille n’a jamais été plus de quelques millions (10 peut-être) sur la planète. Le niveau de cette base de départ ne fait que renforcer le caractère complètement fou de ce que nous vivons actuellement et qui nous exposera à une redescente d’autant plus douloureuse (pour l’humanité, car pour les autres espèces c’est déjà fait)