Politiken, le grand journal de gauche danois, a annoncé une série de mesures destinées à réduire son empreinte carbone : suppression des vols intérieurs pour les journalistes, compensation de l’empreinte carbone pour chaque vol international et refonte de ses pages « voyage ». Le quotidien ne pouvait rester inactif face à la crise climatique. Le cahier « voyage » du week-end sera supprimé « pour ne pas donner l’impression d’inciter les lecteurs à sauter dans un avion le vendredi soir pour quelques jours à l’étranger ». Priorité sera donnée aux pays nordiques, avec un seul article par semaine sur une destination lointaine.*
Belle et saine initiative ! Le Monde est-il prêt à suivre cet exemple ? La promotion dans les pages du Monde des city-break inenvisageables en un week-end sans l’avion est déplorable. Ce type d’articles est une extension des pubs des compagnies lowcost déconnectées des problèmes environnementaux. Le quotidien français de référence doit se montrer responsable sur ce type de sujet. Il faudrait obliger chaque structure économique ou sociale à présenter un plan de réduction de son impact écologique. Je prends le pari : dans 15 ans on regardera celui qui prend l’avion 4 fois par an comme on regarde un ennemi du bien public.
Plus globalement cet article pose le problème de l’exemplarité. Gandhi n’a cessé de le répéter, « soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ». Un discours climatique n’a de portée que s’il s’appuie sur des réalisations concrètes. Il ne faut pas dire aux autres de faire et ne pas faire ce qu’on dit. La grave détérioration actuelle de la planète ne laisse pas le choix, il nous faut changer de mode de vie et sorti d’une civilisation des énergies fossiles. Cela demandera bien des efforts de la part des institutions, médias trop dépendants de la publicité, entreprises qui vivent du carbone, etc. Cela demandera bien des efforts à chacun de nous, des efforts pour échapper à la pression du confort. L’idée-clé de l’écologie politique, c’est la conscience aiguë que nous avons déjà dépassé les limites de la biosphère.
Il ne faut pas attendre d’en haut ce qu’on peut déjà faire par soi-même. Arne Naess écrivait dans Ecologie, communauté et style de vie : « En définitive, toutes nos actions et toutes nos pensées, même les plus privées, ont une importance politique. Si j’utilise une feuille de thé, un peu de sucre et de l’eau bouillante, puis que j’en bois le produit, je soutiens le prix du thé et du sucre et, plus indirectement, j’interfère dans les conditions de travail au sein des plantations de sucre et de thé dans les pays en voie de développement. Pour chauffer l’eau, j’ai probablement utilisé du bois ou de l’électricité ou un autre type d’énergie, et ce faisant, je prends part à la grande controverse concernant l’utilisation de l’énergie. J’utilise de l’eau et prends aussi part à une myriade de problèmes politiquement brûlants qui concernent les réserves d’eau. J’ai donc une influence politique quotidienne. Je peux par exemple penser que les pays en voie de développement ne doivent pas exporter le thé, mais plutôt produire plus de nourriture… » Et à ceux qui lui demandaient comment sortir de la crise, l’écologiste Teddy Goldsmith répondait en souriant : « Faire l’exact contraire de ce que nous faisons aujourd’hui, et ce en tous les domaines. »
* LE MONDE du 17 janvier 2019, Pour lutter contre le réchauffement climatique, les journalistes de « Politiken » prendront moins l’avion
« Belle et saine initiative ! Le Monde est-il prêt à suivre cet exemple ? »
Qu’il le fasse ou pas ne changera hélas pas grand chose à notre problème. Parce que le genre de mesures prises par Politiken ne pèsent pas bien lourd, elles ne sont que symboliques. Par exemple, la fumeuse « compensation » m’a toujours fait rire, tout comme cette cons signe de fermer le robinet en se lavant les dents.
Je me demande même si ces mesures ne sont pas plutôt contre-productives. En admettant que cela parte d’une bonne intention, autrement dit qu’il ne s’agisse pas ici d’une minable affaire de green-washing… non seulement les mesurettes entretiennent l’idées qu’avec des petits gestes, tous ensemble (ouai-oaui !) nous pourrions faire de grands pas, mais elles permettent aussi de nous verdir la conscience.
Et à partir du moment où nous croyons en une issue favorable… et qui plus est, si nous sommes en paix avec notre petite conscience (à partir du moment où notre petit équilibre vital est assuré)… alors nous voilà dispensés de faire plus.
« Belle et saine initiative ! Le Monde est-il prêt à suivre cet exemple ? »
Non , malheureusement mais mon « immense sympathie » pour mon journal « de référence » me pousse à lui trouver une solution pour ne plus mettre de CO2 du tout et ne plus polluer les esprits : la suppression de toute subvention à la presse ===> les oligarques devraient alors financer leur propaganda abteilung via leurs fonds propres et on sait que mon cher t….on fait de la perte à tour de rotative !
Je me permets d’ arborer un large sourire narquois en pensant à tous nos pov journalistes qui perdraient leur emploi