Démocratie grâce à des conventions citoyennes

L’accompagnement de la fin de vie est à la croisée de l’intime et du collectif. Tout le monde peut donc avoir son idée sur sa législation, quel point de vue final adopter ? Le pape François a rappelé son espoir de voir en France un débat sur la fin de vie qui « puisse se faire, en vérité, pour accompagner la vie jusqu’à sa fin naturelle ». Comme si le représentant d’une religion avait quelque chose à dire sur une décision politique dans un pays démocratique !

Le 24 octobre 2022, après une audience papale, Emmanuel Macron se confie : « Sur le sujet de la fin de vie, j’ai dit au pape que je n’aimais pas le mot d’euthanasie. Ma mort m’appartient-elle ? C’est une question intimidante, je ne suis pas sûr d’avoir la réponse. » Sur le sujet, la pensée du chef de l’État reste insondable à ce jour, mais il préfère inviter pour en parler les représentants des religions. De toute façon un président de la chose publique n’a pas à imposer son point de vue.

Il nous paraît aussi hallucinant que le gouvernement ménage d’emblée le corps des médecins gagnant leur vie par les soins palliatifs et l’acharnement thérapeutique au détriment des usagers, ceux qui en toute liberté estiment qu’on doit arrêter de les « aider » à survivre. Les députés et sénateurs devraient trancher en dernier ressort, mais adeptes de l’eau tiède et du conservatisme, on ne devrait aboutir qu’à des demi-mesures très loin d’une autorisation du suicide assisté.

Le Comité consultatif national d’éthique a parfaitement démontré au cours de son existence qu’en matière d’éthique tout est relatif car ses propositions sont variables dans le temps et même parfois contradictoires. En 2013, le CCNE avait estimé « dangereux pour la société que des médecins puissent participer à donner la mort ». Pour le CCNE en 2021, la question principale à régler est celle du libre arbitre de la personne qui souhaite mourir : comment lui permettre de prendre une décision de manière éclairée, sans être soumise à la pression médicale ?

L’association ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) joue son rôle de conseil dans évolution de la loi… depuis des années et des années !

Jean-Luc Godard qui a pratiqué pour lui-même le suicide assisté disait : « Je ne suis pas anxieux de poursuivre à toute force. Si je suis trop malade, je n’ai aucune envie d’être traîné dans une brouette. »

Dans ce maelstrom d’opinions diverses et souvent contradictoires, la Convention citoyenne sur la fin de vie était donc la meilleure façon de délibérer de façon démocratique et en toute transparence.

Jacques Commaille et Stéphanie Lacour : Les prises de parole ont illustré l’ambivalence des pouvoirs publics quant à ce dispositif de convention citoyenne. L’« Innovation démocratique majeure » ne doit pas « se substituer au débat démocratique », selon la première ministre. La présidente de l’Assemblée nationale, questionnée par des citoyens désireux de savoir si leurs travaux sur la fin de vie seraient réellement pris en compte, leur a rappelé qu’ils n’avaient pas « la légitimité de représenter le peuple », laquelle « se gagne par l’élection ». D’autres acteurs politiques expriment même du mépris à l’égard de cette expérience. Alors que les élites consacrées, médecins, juristes, experts, locuteurs officiels de l’éthique ou encore de la morale religieuse, philosophes… s’arrogent le monopole de la formulation de ce qui est socialement désirable, les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie ont pourtant démontré que le débat démocratique pouvait être bien plus inclusif.

Le point de vue des écologistes démocrates

Un commentateur sur lemonde.fr reste dubitatif sur la légitimité de telles conventions pour des prises de décisions « directes » : « Comment sont sélectionnés les membres, comment sont-ils informés, etc. Le citoyen que je suis, préfère voter pour son représentant que d’être représenté par un inconnu dont je ne sais rien. »

Nous, nous avons à l’esprit la dernière séance au CESE, au cours de laquelle des citoyens représentatifs  ont lu le manifeste : « Nous sommes 184 citoyennes et citoyens tirés au sort, riches d’une diversité d’origines, d’expériences et d’opinions. Nos constats et nos propositions sont issus d’un exercice collectif et démocratique. Pendant 27 jours, nous avons croisé nos regards et confronté nos points de vue sur l’accompagnement de la fin de vie. Pour en comprendre les enjeux, nous avons aussi entendu et questionné près d’une soixantaine d’experts et de personnalités… Nos travaux achevés sont désormais les vôtres. Ils sont le fruit d’une délibération collective dont nous portons les conclusions au débat public. Concitoyennes, concitoyens, emparez-vous de cette question qui est un enjeu de société majeur. »

Nous retrouvons la même conclusion dans le rapport de 600 pages des 150 citoyen.e.s qui ont réfléchi durant neuf mois dans le cadre de la convention citoyenne pour le climat : « Citoyennes et citoyens de toutes origines et professions, nous sommes représentatifs de la société ; nous avons été sélectionnés par tirage au sort selon une génération aléatoire de numéros de téléphone, sans nous être portés volontaires préalablement. Nous ne sommes pas des experts, la convention citoyenne reconnaît la capacité des citoyens moyens de s’exprimer sur un sujet d’avenir majeur… Ce que nous avons vécu est une véritable prise de conscience de l’urgence climatique… La plupart d’entre nous n’auraient pu imaginer en acceptant de participer à cette convention qu’ils puissent préconiser des mesures qui peuvent sembler extrêmes. »

C’est l’expression renouvelée – par-delà des différences d’opinion et d’ancrages familiaux, sociaux, professionnels, d’appartenance à des cultures locales – d’un même engagement au profit du bien commun, exaltant ainsi les vertus d’une légitimité inscrite dans l’histoire française : celle de la délibération populaire. Si nos parlementaires suivaient de même un stage intensif de formation sur toutes les décisions qu’ils prennent, notre système deviendrait plus « représentatif » !

Nos articles antérieurs sur ce blog biosphere

La volonté du peuple exprimée grâce au tirage au sort (2019)

les leçons à tirer de la Convention Climat (2020)

Parlement godillot et convention citoyenne (2020)

Tout savoir sur la Convention Citoyenne (2021)

Convention sur la fin de vie, le manifeste (2 avril 2023)

4 réflexions sur “Démocratie grâce à des conventions citoyennes”

  1. – « Si nos parlementaires suivaient de même un stage intensif de formation sur toutes les décisions qu’ils prennent, notre système deviendrait plus « représentatif » ! »
    Ah, avec des « si » … ON pourrait mettre Paris en bouteille etc.
    Qui nous dit que nos parlementaires, nos élus, ne sont pas représentatifs ?
    Et représentatifs de quoi ? La présidente de l’Assemblée, la première ministre, Macron encore dernièrement, TOUS finalement se gargarisent à répéter que « la légitimité de représenter le peuple … se gagne par l’élection ». En effet, vu qu’il a été élu, par le PEUPLE pardi, pas un seul n’osera dire qu’il n’est pas légitime. La FOULE par contre, c’est autre chose. Curieusement pas un seul, là encore, n’ose s’en faire le représentant, « légitime ».
    – La « foule » contre le « peuple » : la leçon de légitimité simplette d’Emmanuel Macron
    (nouvelobs.com – 24 mars 2023 )

    1. Ceci dit, en effet, si … TOUS les électeurs suivaient des stages de formation, et non de déformation … déjà si beaucoup étaient moins cons … alors nous pourrions commencer à parler de démocratie.
      En attendant, ON ne fait là encore que tourner en rond.

      Quant à la Convention citoyenne sur la fin de vie, je crois utile de rappeler qu’elle est unanime (184/184 = 100%) quant à la nécessité d’offrir des soins palliatifs pour tous. Et divisée sur le reste.
      Une majorité (75%) s’est toutefois prononcée pour ouvrir une « aide active à mourir », mais … à d’importantes conditions.

  2. – « Comme si le représentant d’une religion avait quelque chose à dire sur une décision politique dans un pays démocratique ! »
    Ben voyons. Par contre n’importe qui, n’importe quel abruti, peut dire n’importe quoi.
    Chez nous ON appelle ça la démocratie.
    Et moi je l’appelle la démocrassie !
    ——————————–
    – « De toute façon un président de la chose publique n’a pas à imposer son point de vue. »
    Ben non. Sinon ça s’appelle une dictature. Et quand c’est l’Opinion, le Gros Animal, la Foule, qui impose son point de vue, de n’importe quoi et sur n’importe quoi, ça s’appelle l’ochlocratie.

    1. – « Il nous paraît aussi hallucinant que le gouvernement ménage d’emblée le corps des médecins gagnant leur vie par les soins palliatifs et l’acharnement thérapeutique au détriment des usagers […] »

      Comme si certains médecins ne s’acharnaient pas à gagner la leur à refaire des nez et des nichons. Comme d’autres encore, dans certains pays, la gagnent en pratiquant des euthanasies. Oh pardon, en aidant, en assistant, des usagers… disons même des consommateurs, à en finir dans la dignité. Parce qu’ils le valent bien !
      De mon point de vue, de quoi peu importe, ce qui est hallucinant c’est qu’ON en soit arrivé à penser et à raisonner comme des tambours. Comme résonnent les corps creux.

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