Meadows, Mondes en décroissance

Lancement d’une nouvelle revue « Mondes en décroissance » lisible sur Internet. Voici des extraits d’une compilation des réponses de Dennis Meadows à 21 des questions les plus récurrentes sur son rapport « Les limites de la croissance », publié en 1972.

Dennis MEADOWS : En 1972, nous avons publié la première édition de Limites à la croissance. Comme il était impossible de prévoir avec certitude la trajectoire générale de la croissance physique future, nous avons présenté douze scénarios différents dans l’édition de 1972 de notre rapport – douze trajectoires possibles pour l’expansion de la population humaine et de l’économie matérielle. Même lorsqu’il est impossible de dire avec certitude ce qui va se passer, il est souvent facile de décrire de nombreux futurs qui n’ont aucune chance de survenir. Les constantes physiques ne changeront pas. Les lois de la thermodynamique ne seront pas abrogées. Mon point de vue actuel découle de la lecture approfondie de milliers de rapports, de discussions intenses sur ces questions avec des centaines de collègues professionnels, de recherches professionnelles menées pendant cinq décennies. Nous n’avons pas considéré une seule projection informatique comme étant l’avenir le plus probable. Mais plusieurs études récentes et indépendantes ont montré que l’un de nos scénarios, la figure 35 du livre de 1972, suit raisonnablement bien les données historiques de 1970 à 2010. Ce scénario est reproduit ci-dessous sous forme de figure.

L’épuisement est un processus thermodynamique. Augmenter le prix d’une ressource épuisée ne réduit pas magiquement son entropie ni n’en crée davantage dans le sol. Puisque la substitution infinie entre ressources non renouvelables ne sera pas possible en pratique, les projections de notre modèle sont trop optimistes. Il serait trompeur de parler de la technologie comme solution universelle et d’imaginer qu’elle surgirait rapidement et spontanément. Les technologies sont très spécifiques. Par exemple, les technologies qui combattent la pandémie ou facilitent les télécommunications ne compensent pas l’épuisement du pétrole. Et les investisseurs ne s’attendent pas à tirer profit de la résolution des problèmes mondiaux. Les motivations et les institutions qui créent les nouvelles technologies sont généralement les mêmes que celles qui ont produit les problèmes mondiaux existants. La résolution des problèmes mondiaux nécessite principalement de nouvelles normes, et non de nouveaux outils. Bien sûr, il y aura des guerres à l’avenir, les résultats de notre modèle brossent donc un tableau trop optimiste.

Si nous acceptons qu’une petite fraction de la population contrôle la plupart des richesses de la planète et exerce un contrôle central sur la majeure partie de l’humanité, qui vit dans la pauvreté matérielle, avec une mauvaise santé et peu de liberté, plusieurs milliards de personnes pourraient probablement survivre sur Terre plus ou moins indéfiniment. Si, au contraire, nous voulons que les peuples de la Terre vivent longtemps et en bonne santé, avec une relative aisance matérielle, une bonne santé et une liberté substantielle, et avec une équité en matière de bien-être et de pouvoir politique, le niveau de population durable sera certainement bien inférieur aux chiffres actuels. Je crois intuitivement que la planète Terre pourrait faire vivre durablement peut-être un milliard de personnes avec des niveaux de vie comme ceux de l’Italie aujourd’hui. Quel que soit le meilleur chiffre pour le niveau de population durable aujourd’hui, il diminue rapidement car les progrès technologiques ne parviennent pas à compenser les conséquences de la consommation accélérée de l’humanité et de la détérioration des ressources de la planète.

La population mondiale diminuera, que nous nous efforcions ou non d’atteindre ce résultat. Si elle n’est pas réduite par une intervention sociale proactive, elle le sera par les forces écologiques. Une action délibérée est requise de notre part uniquement si nous aspirons à ce que le déclin soit pacifique, équitable et progressif.

Je crois maintenant que le changement climatique est l’une des principales menaces existentielles pour la société industrielle sur cette planète. Mais son élimination magique laisserait subsister d’autres problèmes graves, tels que l’évolution pacifique de la dépendance profonde aux combustibles fossiles et l’arrêt de l’érosion des sols. Il n’existe aucun moyen d’éviter les profondes perturbations qui se produiront dans les décennies et les siècles à venir. Nos systèmes politiques, économiques et culturels comportent de nombreux mécanismes qui favorisent le court terme au détriment du long terme – élections fréquentes, rapports boursiers quotidiens, concept d’actualisation des flux de trésorerie, courte durée d’attention des médias. Tant que les politiques ne seront évaluées qu’en fonction de leurs conséquences immédiates et locales, il ne sera pas possible de parvenir à une durabilité globale.

Au cours de ses quelque 300 000 ans de présence sur cette planète, l’homo sapiens s’est adapté à de nombreuses reprises à des climats radicalement différents de celui dont jouit la société actuelle. Je ne m’attends donc pas à ce que le changement climatique fasse disparaître notre espèce de la planète. Mais le changement climatique détruira certainement les fondements d’une société à forte population, consommatrice d’énergie fossile et aux normes matérielles élevées.

Une aspirine peut permettre au patient de se sentir mieux temporairement, mais elle ne résout pas le problème sous-jacent. Il faudrait s’attaquer à la croissance incontrôlée des cellules cancéreuses dans l’organisme. De même, l’atténuation du changement climatique, de l’érosion des sols ou de la pollution peut permettre aux gens de se sentir mieux à court terme. Mais tant que les causes de la croissance incontrôlée de la population et de la consommation matérielle ne seront pas traitées, il n’y aura pas de solution permanente. La gestion des problèmes d’une population et d’une économie en déclin sera certainement plus facile que les efforts visant à maintenir les taux de croissance actuels. Mais notre culture résiste à cette idée.La promesse de la croissance – plus pour tous – a été le principal facteur de cohésion sociale nécessaire à une gouvernance efficace. Dans un système où chaque participant s’attend à avoir plus au bout du compte, il est possible de parvenir à un consensus. . Mais lorsque tout le monde comprend que la croissance n’est plus possible, lorsque la vie devient manifestement un jeu à somme nulle – si quelqu’un obtient plus, un autre doit obtenir moins – alors le consensus disparaît. La gouvernance durable exige des institutions et une culture capables de choisir et de supporter des sacrifices à court terme pour garantir des gains à long terme. Aucun système de gouvernance ne produira un avenir attrayant s’il est dominé par des personnes égocentriques, corrompues, imprévoyantes ou stupides. Jusqu’à présent, aucun des systèmes de gouvernance nationaux actuels n’a montré une grande propension à inciter ses citoyens à faire des sacrifices à court terme pour le bien-être à long terme des autres.

Il est clair que notre rapport n’a apporté aucun changement perceptible dans les politiques des dirigeants du monde depuis cinquante ans. Aujourd’hui encore, les gouvernements nationaux cherchent instinctivement à résoudre tous les problèmes en favorisant la croissance.

Pour moi, la plus grande réussite de notre rapport, ce sont les milliers de personnes qui partent du principe que la croissance physique ne peut pas et ne pourra pas continuer sur une planète finie. Que la résilience, dans l’équité, et non la croissance perpétuelle, est l’objectif le plus important.

Pour en savoir plus grâce à notre réseau biosphere

les limites de la croissance ou rapport au club de Rome (1972 )

Les limites à la croissance (dans un monde fini) de Meadows et Randers (2004)

(traduction française de The limits to Growth – The 30-year update)

Les limites de la croissance selon Gerondeau et Meadows (mai 2012)

la nature va gagner contre l’homme, Meadows l’a dit (juin 2012)

croiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiissance, Meadows contre Hollande (juin 2012)

MEADOWS et la décroissance démographique (juin 2022)

Meadows, rien n’a changé depuis 1972, la cata (avril 2023)

3 réflexions sur “Meadows, Mondes en décroissance”

  1. Pour celui qui connaît le sujet il n’y a là rien de nouveau, aucune surprise.
    Vu qu’il n’en voit aucune… Meadows ne propose aucune solution.
    Donc… s’il n’y a pas de solution c’est qu’il n’y a pas de problème. 🙂
    Souvent c’est à la fin du texte qu’on peut trouver un quelconque enseignement :
    – « Pour moi, la plus grande réussite de notre rapport, ce sont les milliers de personnes qui partent du principe que la croissance physique ne peut pas et ne pourra pas continuer sur une planète finie. Que la résilience, dans l’équité, et non la croissance perpétuelle, est l’objectif le plus important.»

    Ce n’est donc là que son point de vue ( Pour moi… ). Je comprends très bien que Meadows ait besoin de voir dans ce rapport un quelconque semblant de réussite.
    ( à suivre )

    1. Le premier point c’est donc la fameuse prise de conscience.
      OK c’est bon elle est faite, tout le monde a compris etc. etc.
      Et en attendant… ON continue comme si de rien n’était. Merci Mr Meadows.

      Le second c’est l’objectif … et le plus important par-dessus le marché !
      Alors là… pour moi ON est très loin du compte.
      – « Explique-moi Papa, c’est quand qu’ON va où ? » (Renaud)
      – « Quand ON ne sait pas où ON va, il faut y aller… et le plus vite possible ! » (Shadoks)

      Bref, la résilience se résume à ma devise : « À chacun sa came, en attendant ! »
      Quant à l’équité (autre mot pour «justice») elle reste con damnée à la géométrie variable.
      Et j’ai bien peur que l’injustice finisse par devenir la justice… comme le mensonge qui sera la vérité etc. Pour moi l’Essentiel à sauver est là. Je l’ai toujours dit.

      1. Ceci dit, cette nouvelle revue (portée par l’OPCD) « Mondes en décroissance » mérite qu’on y jette un œil. Cet OPCD (Observatoire de la post-croissance et de la décroissance) est tout de même une belle initiative, avec de belles valeurs, quelque chose de très sérieux, qui ne peut aller que dans le bon sens, celui de l’intelligence collective bien sûr. 😉 La lettre bimestrielle de l’OPCD- nº1 nous donne un aperçu de ce qu’est désormais cette revue.
        Seulement après c’est toujours pareil. D’un côté ceux que ça intéresse… ceux qui ont envie de progresser, de l’être un peu moins, ne serait-ce qu’un peu, c’est déjà ça … et de l’autre ceux qui n’en ont rien à foot. Et qui, comme ils disent, s’en battent les couilles.

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