MEADOWS et la décroissance démographique

Le livre co-écrit par Denis Meadows sur les limites de la croissance date de 1972. En 2004, le diagnostic* n’a pas changé, nous allons au désastre. Prenons l’exemple de la démographie, l’argumentation paraît imparable.

La baisse de la fécondité ne signifie pas que la croissance de la population mondiale a cessé ni qu’elle n’est plus exponentielle. Elle signifie simplement que le temps de doublement s’est allongé : il est passé de 36 ans à 2 % par an (en 1965) à 60 ans et 1,2 % par an aujourd’hui. Le nombre net d’individus sur la planète continue d’augmenter chaque année puisque le taux s’applique à un nombre d’habitants plus important. Dans les pays pauvres, la transition démographique reste bloquée à la phase intermédiaire, celle où l’écart entre les naissances et les décès est important. D’où l’expression « les riches font de l’argent et les pauvres font des enfants ». Est-ce la pauvreté qui entraîne l’accroissement démographique ou l’inverse ? Dans les faits, la boucle de rétroaction positive (population => pauvreté => accroissement démographique => population…) forme un système piège, une boucle d’aggravation de situations déjà problématiques.

Lorsqu’une situation se dégrade, les boucles de rétroaction positives tirent le système vers le bas à un rythme sans cesse croissant. Lorsque les populations ont faim, elle cultivent la terre de façon plus intensive. Elles obtiennent davantage de nourriture à court terme, mais cela se fait aux dépens d’investissement à long terme dans l’entretien des sols. La fertilité de la terre diminue, entraînant avec elle la baisse de la production de nourriture. Dans une économie affaiblie, il se peut que les services sociaux soient réduits. Si l’on diminue le financement de la planification familiale, le taux de natalité risque de s’élever. La population augmente alors, ce qui diminue un peu plus encore les services par habitant. Dans le système simulé que nous utilisons, World3, l’objectif premier est la croissance. L’économie ne cessera son expansion que lorsqu’elle se heurtera aux limites. Mais les processus physiques mis en œuvre par les boucle de rétroaction ont une force d’inertie considérable. Il n’y a donc rien d’étonnant a ce que le plus probable soit le dépassement et l’effondrement.

Les spécialistes résument les causes de la dégradation environnementale par une formule appelée IPAT, plus précisément I = P x A x T. L’Impact (empreinte écologique) de toute population est égal au produit de la population (P) par son niveau de consommation ou « abondance » (A) et par les dégâts causés par les technologies (T) choisies pour satisfaire ce niveau. Afin de réduire l’empreinte écologique de l’humanité, il semble raisonnable que chaque pays s’efforce de progresser dans les secteurs où il a le plus de possibilités de le faire. Pour les pays en développement, il s’agit de la population, pour les pays occidentaux de l’abondance et pour les pays d’Europe de l’Est de la technologie.

Le concept de capacité de charge a été élaboré à l’origine pour des relations simples entre population et ressources, par exemple le nombre de têtes de bétail qui pouvait rester sur un pâturage donné sans dégrader la terre. Il devient plus complexe s’agissant de populations humaines. La capacité de charge est en soi une limite. Toute population qui se développe au-delà de sa capacité de charge n’a pas beaucoup d’avenir devant elle. Elle entame la capacité de soutien du système dont elle dépend. Mais il est impossible de faire des prévisions précises sur l’état de la population, du capital technique et de l’environnement dans plusieurs dizaines d’années. La compréhension que les hommes ont des cycles écologiques complexes est très limitée. En outre, leur faculté à observer, à s’adapter, à apprendre, à faire des choix rend le système par essence imprévisible. La prévision d’une catastrophe devant un public sensé et volontaire doit, dans l’idéal, ne pas aboutir et se révéler fausse en induisant l’action qui va l’empêcher de se produire.

Supposons qu’à partir de 2002, chaque couple dans le monde soit conscient de ce qu’implique la poursuite de l’accroissement démographique pour leurs propres enfants comme pour ceux des autres. Supposons que la société garantisse à tous les individus qu’une fois devenus vieux, ils seront respectés et jouiront d’une sécurité matérielle même s’ils ont très peu d’enfants. Supposons qu’en conséquence tous les couples décident de se limiter à deux enfants (en moyenne) et qu’ils aient à leur disposition des moyens de contrôle des naissances qui leur permettent d’atteindre leur objectif. Pareil changement ferait naître une perception différente des coûts et des avantages liés à la procréation et augmenterait les perspectives d’avenir…

* Les limites à la croissance (dans un monde fini) de Dennis Meadows, Donella Meadows & Jorgen Randers

édition rue de l’échiquier 2017, édition originale 2004 sous le titre The Limits to Growth, the 30-Year Update

6 réflexions sur “MEADOWS et la décroissance démographique”

  1. La croissance de la population mondiale est importante, mais n’est pas la cause la plus urgente. Les dommages résultent de la population, richesse et technologies: l’équation I=PAT. Equation incomplète. Elle ne prend pas en compte deux aspects relatifs aux types de dommages causés par la population : 1) le géographique, s’ils sont locaux, régionaux ou globaux et 2) la dimension ou ampleur, s’ils sont réversibles, réparables ou irréversibles, irréparables. Les dommages provoqués par la population pauvre sont plutôt 1) locaux et 2) réversibles et réparables. Contrairement à la dégradation globale et irréversible des 10 % les plus riches. Impossible de comparer les dommages d’un « gringo » mangeur de hamburger à New York à d’un paysan du Bangladesh. Sans prend en compte ces deux variables, l’équation ne sert à rien. Presque 3 milliards de personnes sont des paysans pratiquant l’autoconsommation, l’autarcie.

  2. – « Prenons l’exemple de la démographie, l’argumentation paraît imparable. » (introduction)

    Pour qu’une argumentation soit imparable, il faut déjà qu’elle soit rigoureuse. On ne construit pas une démonstration sur des postulats foireux ou des prémisses fausses. On ne commence pas en essayant de démontrer qu’un cercle est un carré, ou qu’une croissance logistique est une croissance exponentielle*. Sinon tout ce qui suivra risque fort de ne pas pris au sérieux. Et on n’aura pas avancé.
    * croissance exponentielle => courbe en forme de J
    croissance logistique => courbe en forme de S

    1. La Poule ou l'Oeuf ?

      – « Est-ce la pauvreté qui entraîne l’accroissement démographique ou l’inverse ? »
      Ce qu’il semble admis, c’est que la croissance démographique est une des CONSÉQUENCES de la croissance économique.
      À partir du 17ème siècle, en même temps que le développement des techniques et des technologies (+ progrès de la médecine), la croissance démographique augmente.
      Et à partir du 19ème siècle (révolution industrielle) les choses s’accélèrent.
      On parle alors de Progrès, d’exponentielle et d’explosion.

    2. Esprit critique

      – « Supposons qu’à partir de 2002, chaque couple dans le monde soit conscient de ce qu’implique la poursuite de l’accroissement démographique […] Supposons que la société garantisse à tous les individus qu’une fois devenus vieux, ils seront respectés et jouiront d’une sécurité matérielle même s’ils ont très peu d’enfants. Supposons qu’en conséquence tous les couples décident de se limiter à deux enfants (en moyenne) [etc.]»

      On peut toujours supposer et aligner des si à n’en plus finir, en attendant, si le monde actuel n’en est pas encore là, par contre de nombreux remplissent ces conditions depuis un moment déjà. La France par exemple. Or, qu’est-ce que ça change ?

      1. Si… l’ensemble de l’humanité vivait comme le Français Moyen… alors il nous faudrait 2,7 planètes. Donc tous ces si nous avancent à pas grand chose. Toutefois je vois bien que l’argumentation (imparable) a de quoi répondre :
        – « … il semble raisonnable que chaque pays s’efforce de progresser dans les secteurs où il a le plus de possibilités de le faire. Pour les pays en développement, il s’agit de la population, pour les pays occidentaux de l’abondance et pour les pays d’Europe de l’Est de la technologie.»

      2. Déjà, je ne vois pas pourquoi la technologie serait plus problématique à l’Est qu’à l’Ouest. Ou au Nord comme au Sud. Si la technologie se limite au vélo (low-tech) je pense que ça devrait pouvoir le faire. Quant à l’abondance, évitons de la confondre avec la démesure, le gaspillage etc. Quoi qu’il en soit, l’abondance (le gaspillage etc.) comme la technologie (innovations, Progrès) sont directement liés à la croissance économique. L’obsession de la Croissance (économique) nous con damne a toujours être trop nombreux. Cette folie ne peut se terminer que par le dernier homme trônant piteusement sur une montagne de déchets et de cadavres.

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