Dilemme, mettre fin à la vie d’un proche

En 2011, ma mère avait 67 ans lorsqu’elle a appris qu’elle souffrait d’un cancer du pancréas. Trois à six mois, lui prédisent les médecins. La vie bascule. Elle se bat, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune chimiothérapie possible. En 2013, lorsque je pénètre dans sa chambre d’hôpital, je me fige. Ma mère a tout ôté. Plus de perruque, plus de téléphone. Sa décision était prise : « Tu me fais la piqûre ? » J’ai répondu du tac au tac : « Je n’ai pas le droit. »

S’ensuit une semaine douloureuse, le coma, puis la fin. Je m’en veux. « Et si j’avais eu le droit ?… Cette dernière semaine a été plus profitable pour moi que pour elle, cela m’a permis de continuer le cheminement… Son choix était rationnel, exprimé de façon très claire, très consciente. On savait qu’on était arrivés au bout… J’aurais aimé pouvoir lui dire oui. Et si j’avais pu lui dire oui, je lui aurais dit oui. »

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Cette histoire vécue relate le cheminement intime dAgnès Firmin Le Bodo, la ministre chargée des professions de santé qui participera à la réforme sur la fin de vie. Issue de la droite catholique, elle se définit « baptisée et communiée ». Si elle manquait la messe le dimanche, c’était pour les championnats de patinage artistique. Elle a toujours été « contre » les évolutions sociétales, dont la procréation médicalement assistée (PMA). C’était comme ça. « En fait, je ne m’étais jamais posé la question », confie-t-elle. « Un jour, je me suis demandé : “Pourquoi je suis contre ?” Et je n’ai pas trouvé la réponse. » La vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain ! De son côté l’eurodéputé François-Xavier Bellamy (LR) voit encore dans l’aide active à mourir un dangereux « droit d’être tué ». Qui a raison, attendre la mort venir ou faire une piqûre ?

Le point de vue des écologistes

Les interrogations que se posent Mme la ministre sont les mêmes que pendant la période qui précédait l’autorisation de l’avortement en 1974. Faut-il changer la loi ? La réaction de Mr Bellamy est la même qu’au moment du vote de la loi Veil, condamnation du « droit de tuer ». La démocratie c’est cela, rencontrer socialement un problème et chercher collectivement une solution au delà des antagonismes. Il n’y a plus d’arguments d’autorité comme aux temps de la religion ou des fascismes, il y a la recherche du consensus « socialement acceptable ». Et les décideurs en dernier ressort doivent savoir distinguer ce qui est à un certain moment légal et ce qui devient légitime. Agnès Firmin Le Bodo a été aveuglée par ses présupposés idéologiques de droite catholique, elle aurait du faire preuve de compassion envers sa mère, elle aurait du respecter sa volonté clairement exprimée, elle aurait du faire la piqûre même si on n’avait pas encore ce droit en 2013.

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Pourquoi tant d’inquiétude pour aider à mourir dans la dignité alors que l’espèce humaine est championne dans l’art de trucider son prochain et experte dans l’art de décimer les autres espèces ? Écoutons plutôt les citoyens pour qui l’aide aux suicide constitue un droit légitime.

En décembre 2013, une conférence citoyenne de 18 personnes tirées au sort pour représenter la diversité de la société ont fait émerger une réflexion collective sur la fin de vie après avoir auditionné des experts. Leurs recommandations finales marquaient une rupture. Le panel a jugé la notion de sédation complexe car « elle constitue un aspect relevant essentiellement de la technique médicale et par là semble échapper à la maîtrise et à la responsabilité du patient »… La possibilité de se suicider par assistance médicale, reposant avant tout sur son consentement éclairé, constituerait un droit légitime du patient en fin de vie (ou souffrant d’une pathologie irréversible). » Quand le consentement direct n’est pas possible, la conférence citoyenne préconisait une « exception d’euthanasie ». Bravo ! D’un point de vue écologiste, il faut savoir reconnaître la mort qui vient car elle est par nature notre lot commun.

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1 réflexion sur “Dilemme, mettre fin à la vie d’un proche”

  1. – « Pourquoi tant d’inquiétude pour aider à mourir dans la dignité alors que [etc.]. »

    Déjà parce que cette histoire de dignité, comme celle du libre choix etc. est un leurre (trompe-couillons). Comme s’il y avait d’un côté une mort digne… celle qui serait choisie, celle de l’euthanasie, et de l’autre une mort indigne, car subie. «La notion de dignité est très à la mode, mais très confuse»… écouter ce qu’en dit le philosophe Éric Fiat, spécialiste d’éthique médicale. Ensuite parce que notre époque est ce qu’elle est, et que personne ne peut nier que les esprits sont de plus en plus confus, perturbés, le Climat malsain, etc.
    Enfin parce que depuis longtemps déjà les citoyens n’en ont que le nom, que leur opinion a malheureusement bien plus à voir avec les girouettes qu’avec la raison.
    Cette réponse ne reflète évidemment que mon propre point de vue, je n’aurais donc pas le culot de prétendre qu’elle est la seule qui vaille.

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