Dire NON au capitalisme empêche de penser écolo

Selon Alain Badiou*, « avec sa notion de profit privé, le capitalisme serait seul responsable  de l’exploitation destructrice de la nature… Que tant d’espèces soient menacées, que le climat reste incontrôlable, tout cela est un sous-produit de la concurrence impitoyable entre prédateurs milliardaires… La concentration du capital ne fait que porter à leur comble les inégalités monstrueuses, les absurdités sociales, et les idéologies délétères comme l’absurdité transhumaniste ou le primitivisme obscurantiste ». Désolé Alain, la situation a complètement changé depuis le manifeste du parti communiste de 1848.

Le capitalisme est aujourd’hui sans visage. Qui est responsable quand tout le monde peut devenir actionnaire, quand les retraités jouent en bourse avec les fonds de pension, quand la direction des multinationale n’est qu’une technocratie au service d’actionnaires anonymes. Le prolétariat n’a plus d’adversaire bien identifié, il n’y a plus de combat possible. Les travailleurs devaient se révolter contre l’exploitation de l’homme par l’homme, mais ils n’ont plus de conscience de classe, leur homogénéité factice (la classe sociale en soi) s’est dissous dans les catégories socioprofessionnelles et chacun défend les avantages acquis de sa bulle professionnelle (la classe pour soi). Dénoncer le capitalisme est donc un simple effet de manche quand il n’y a plus de capitaliste à pendre avec les tripes du dernier bureaucrate. De toute façon le socialisme est mort et le libéralisme a triomphé. Il suffit de rappeler que le communisme, quand il a dit avoir pris le pouvoir au nom du prolétariat, n’a en fait rien changé au pillage de la planète. Aujourd’hui les multimillionnaires se multiplient en Russie ou en Chine. En fait le capitalisme est devenu un mot valise où chacun met ce qu’il veut, c’est un moyen usé mais facile pour les maoïstes/trotskystes/gauchistes et même professeur de faculté pour simplifier le raisonnement. Plus grave, aborder ainsi le débat politique occulte l’urgence écologique et le fait que nous sommes tous complices de l’état de dégradation de la biosphère.

Marx est définitivement enterré car il n’y a plus d’antagonisme réel entre travail et capital qui se sont alliés pour mettre en coupe réglée le facteur de production biosphère. Bien entendu les inégalités criantes doivent être condamnées, mais le jet ou le yacht privé n’émet qu’une infime partie des gaz à effet de serre que crachent le milliard d’automobiles dans le monde. Travailleurs et capitalistes, retraités ou classes moyennes des pays du tiers monde, nous appartenons pour la plupart à la classe globale, celle qui peut accéder à un mode de déplacent avec énergie thermique. Nous sommes presque tous co-responsables de la combustion de l’énergie fossile par notre mode de vie. Et c’est cette énergie exosomatique qui permet de piller la planète et entraîne notre main mise sur les territoires et la vie des autres espèces. Le capitalisme n’est qu’un bouc émissaire, c’est la civilisation thermo-industrielle qui provoque à la fois notre oubli des limites et la surpopulation. C’est la croissance économique qui ouvre l’appétit des consommateurs et incite à acheter le dernier gadget à la mode, smartphone, SUV, télé grand écran, etc. Dans ce contexte, ce qui doit être combattu, ce n’est pas le capitalisme, mais la publicité qui aliène le choix des individus, c’est la politique des grands-travaux de la plupart des élus, c’est l’agriculture intensive et le lobby chimique, c’est le complexe militaro-industriel qui nous ruine ou la société du spectacle qui nous divertit pour empêcher d’aller à l’essentiel. Il n’y a plus d’adversaire quand le principal ennemi c’est nous-mêmes… quand nous ne vivons pas sur le mode de la sobriété énergétique et de la simplicité du mode de vie. La transition écologique ne se fait pas parce que nous suivons l’analyse de Marx ou une utopie techniciste, la modification de notre comportement individuel et de nos prises de décision politique se fera parce que nous serons obligés de considérer les soubresauts de la planète, réchauffement climatique, stress hydrique, stérilisation des sols, etc. Ce sont les contraintes biophysiques qui nous obligent même si certains croient encore au miracle technologique qui va nous sauver. Nous devrions tous nous comporter en écologistes, les chapelles idéologiques sont hors sol, inopérantes, inutilement antagonistes. L’écologie n’est ni de droite, ni de gauche, c’est un enjeu supérieur.

* LE MONDE du 27 juillet 2018, Etre nature (7/7) : « Le capitalisme, seul responsable  de l’exploitation destructrice de la nature »

3 réflexions sur “Dire NON au capitalisme empêche de penser écolo”

  1. Capitalisme ou pas ? C’est jouer sur des mots, du bla bla dépassé.
    A l’inverse du poncif universel : L’homme seul est capable de penser sa survie (et d’échouer)
    Dès qu’il est en groupe, il rivalise à celui qui a la plus grosse dans une attitude suicidaire !

  2. Puisqu’il faut bien mettre des mots sur les choses, Alain Badiou nomme «communisme» l’alternative au capitalisme. Ce capitalisme qu’il condamne, comme bien d’autres. Ce communisme que prône Badiou n’est que le sien, il aurait pu aussi l’appeler «badouisme», ou «socialisme», mais il préfère probablement appeler un chat «un chat». Badiou se revendique donc communiste, au moins c’est clair. Et Badiou a bien raison de ne pas voter et de dénoncer la farce électorale.

    Le capitalisme a son histoire, le communisme également, encore faut-il un peu les connaître. Réduire le communisme à certains régimes autoritaires indique une pensée limitée, ou alors il ne s’agit que d’un pitoyable «argument», un stratagème employé par des anti-communistes primaires. De toute façon, de l’autre côté on ne fait pas mieux, disons que c’est de bonne guerre.

    Le capitalisme se distingue par cette capacité à se métamorphoser, à absorber tout ce qui lui fait barrage, notamment les idées. Aujourd’hui le capitalisme est vert, il est même rouge par endroits, dans le passé il a été brun, il n’en est jamais à une contradiction ni à une aberration près. De son côté le communisme n’a jamais réellement existé, ce n’est pas l’étiquette qui garantit l’authenticité.

    Dire que «Le capitalisme est aujourd’hui sans visage» traduit cette tragique perte de repères actuelle. Quand une large majorité de «citoyens» (crétins) ne sait plus faire de différence entre gauche et droite, c’est grave. Quand on en est arrivé à penser que le capitalisme c’est vous c’est moi, c’est n’importe qui, quand on ne fait plus de différence entre un petit retraité qui fait bêtement confiance à son banquier, un petit actionnaire, un patron d’industrie, un Bill Gates… c’est grave. Quand on se laisse berner par un petit banquier se disant «ni-ni» et qu’on en est même arrivé à faire campagne pour lui … c’est grave.

    Les régimes autoritaires se distinguent par leur propagande, leur impressionnant pouvoir de formater les esprits, de faire prendre des vessies pour des lanternes. De ce côté là nous sommes servis. Dire que nous vivons dans «une étrange dictature» (Viviane Forester) n’est absolument pas déplacé. Et ne pas en être conscient, c’est grave.

  3. Puisqu’il faut bien mettre des mots sur les choses, Alain Badiou nomme «communisme» l’alternative au capitalisme. Ce capitalisme qu’il condamne, comme bien d’autres. Ce communisme que prône Badiou n’est que le sien, il aurait pu aussi l’appeler «badouisme», ou «socialisme», mais il préfère probablement appeler un chat «un chat». Badiou se revendique donc communiste, au moins c’est clair. Et Badiou a bien raison de ne pas voter et de dénoncer la farce électorale.

    Le capitalisme a son histoire, le communisme également, encore faut-il un peu les connaître. Réduire le communisme à certains régimes autoritaires indique une pensée limitée, ou alors il ne s’agit que d’un pitoyable «argument», un stratagème employé par des anti-communistes primaires. De toute façon, de l’autre côté on ne fait pas mieux, disons que c’est de bonne guerre.

    Le capitalisme se distingue par cette capacité à se métamorphoser, à absorber tout ce qui lui fait barrage, notamment les idées. Aujourd’hui le capitalisme est vert, il est même rouge par endroits, dans le passé il a été brun, il n’en est jamais à une contradiction ni à une aberration près. De son côté le communisme n’a jamais réellement existé, ce n’est pas l’étiquette qui garantit l’authenticité.

    Dire que «Le capitalisme est aujourd’hui sans visage» traduit cette tragique perte de repères actuelle. Quand une large majorité de «citoyens» (crétins) ne sait plus faire de différence entre gauche et droite, c’est grave. Quand on en est arrivé à penser que le capitalisme c’est vous c’est moi, c’est n’importe qui, quand on ne fait plus de différence entre un petit retraité qui fait bêtement confiance à son banquier, un petit actionnaire, un patron d’industrie, un Bill Gates… c’est grave. Quand on se laisse berner par un petit banquier se disant «ni-ni» et qu’on en est même arrivé à faire campagne pour lui … c’est grave.

    Les régimes autoritaires se distinguent par leur propagande, leur impressionnant pouvoir de formater les esprits, de faire prendre des vessies pour des lanternes. De ce côté là nous sommes servis. Dire que nous vivons dans «une étrange dictature» (Viviane Forester) n’est absolument pas déplacé. Et ne pas en être conscient, c’est grave.

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