Écologie, de la prise de conscience au passage à l’acte

Les Français se disent de plus en plus sensibles à l’impératif écologique mais ne modifient pas leur comportement pour autant. Ou pas assez.  Les individus sont au courant de l’impact qu’ils peuvent avoir sur l’environnement, mais l’essence est si bon marché et les grandes surfaces si bien approvisionnées ! Ils sont des réalistes du court terme, convaincu du réchauffement climatique par la mise en scène de la fonte des glaces et la disparition de l’ours polaire, mais insensible à la montée trop progressive des eaux. Il faudrait donc user de la carotte et du bâton, mais les politiques ne veulent pas d’une écologie punitive. L’écotaxe a été abandonnée par Ségolène Royal, la taxe carbone n’avance qu’à pas de loup. On préfère tuer les loups, c’est plus facile de s’en prendre aux autres. Le sens de la culpabilité, ça fait ringard, religieux, sans intérêt. Si certaines personnes sont épouvantées en pensant au triste futur de leurs enfants, d’autres ne considèrent que leurs fins de mois difficiles ; impossible de faire des campagnes de sensibilisation à destination d’une population entière. Et dans un monde de publicité qui cultive les désirs immédiats et les envies tout azimut, le sens des responsabilités et des choix raisonnés est au rayon des invendus.

Alors ce sont les marchands qui prennent en main le recyclage. C’est EcoDDS, organisme chargé du traitement des déchets ménagers toxique, qui fait un Livre blanc « Comment faire changer les comportements des Français face à la nécessité des gestes citoyens » et meuble plusieurs pages du MONDE*. Comme on n’accepte plus de leçon de morale, on envisage même de donner une petite récompense, une place de cinéma par exemple, à ceux qui trient le mieux. On tombe si bas dans la considération de l‘engagement civique des citoyens que c’est à pleurer. Les habitudes de la société de consommation ont produits des automatismes, le cerveau humain préfère la routine aux changements de pratique, c’est plus sécurisant.

Le social ne peut qu’être écologique, mais on inverse aujourd’hui la causalité ; c’est le social (et l’emploi) qui prime sur les réalités biophysiques. Pourtant notre niveau de vie actuel est directement gagé sur les richesses naturelles. Sans pétrole, nos dépenses de consommation et nos rejets de déchets seraient totalement différentes de ce qui se passe actuellement. Mais envisager une société post-carbone à l’heure d’un contre-choc pétrolier (le prix du baril est encore très bas actuellement) paraît impossible. Nous rappelons le livre de J.A.Grégoire, « Vivre sans pétrole », écrit en 1979 : « L’observateur ne peut manquer d’être angoissé par le contraste entre l’insouciance de l’homme et la gravité des épreuves qui le guette. Comme le gouvernement crie au feu d’une voix rassurante et qu’on n’aperçoit pas d’incendie, personne n’y croit. Jusqu’au jour où la baraque flambera. Comment l’automobiliste pourrait-il admettre la pénurie lorsqu’il voit l’essence couler à flot dans les pompes et lorsqu’il s’agglutine à chaque congé dans des encombrements imbéciles ? Cette situation me paraît beaucoup plus inquiétante encore que celle des Français en 1938. Ceux qui acceptaient de regarder les choses en face apercevaient au-delà des frontières la lueur des torches illuminant les manifestations wagnériennes, ils entendaient les bruits de bottes rythmant les hurlements hystériques du Führer. Tous les autres refusaient de voir et d’entendre. On se souvient de notre réveil en 1940 ! »

* LE MONDE du 14 mars 2017, Ecologie : aux armes citoyens !

3 réflexions sur “Écologie, de la prise de conscience au passage à l’acte”

  1. La situation est bien résumée dans l’article. Je rajouterais seulement quelques mots au sujet de ce phénomène « étrange » , le déni de réalité.
    La prise de conscience est faite depuis un moment (qui peut ignorer la réalité ?) , seulement les actes ne suivent pas. Que ce soit au niveau politique, comme au niveau individuel. Et pour cause … cette triste réalité est refoulée, niée ! Ceci est assez bien connu, il s’agit là d’un simple mécanisme psychologique d’autodéfense. Un mécanisme de fuite devant une réalité impossible à supporter ! (lire Henri Laborit)La comparaison avec l’état d’esprit qui dominait en France en 1938 est pertinente. Alors que tous les signes d’une catastrophe étaient là… on rigolait en chantant  » Tout va très bien Madame la Marquise !  »
    https://www.youtube.com/watch?v=T5WdpSPeQUE

  2. En matière de culpabilité, je voudrais citer un exemple que j’ai connu (ressenti serait plus exact) à travers la réalisation d’un compost. En moins de deux mois après avoir commencé ce compost (il y a maintenant plusieurs années), il m’est devenu absolument impossible de jeter à la poubelle un déchet périssable, j’aurais désormais l’impression de commettre une faute contre la nature et je ne le fais plus jamais. Je pense que c’est une des voies pour améliorer notre comportement

  3. Pour que les citoyens puissent modifier leur comportement, il est impératif que le temps de travail soit fortement réduit sans perte de salaires. Cette même réduction est en effet indispensable au fait que les gens deviennent en mesure de diminuer les déplacements.

    Il faut également démocratiser radicalement l’accès à l’IVG et à de la contraception réellement efficace qui soit sans effets secondaires indésirables rédhibitoires. En effet, que toute personne ait le droit de ne pas procréer est essentiel à la limitation de la natalité, limitation qui est écologiquement nécessaire.

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