écrivez-moi

Je viens de recevoir cet intéressant article qui pose le problème de notre inefficace bavardage… Si tu as des infos écolos, je peux les publier sur ce blog…  

écrivez-moi.  

Chronique – Article publié le : 19/12/2007   À quoi bon Bali ?


La conférence de Bali a de nouveau échoué en se maintenant dans le paradigme de réduction des émissions de gaz à effet de serre par la limitation de la demande. Or, pour réduire les émissions de GES, mieux vaudrait que le carbone reste sous terre… A Bali, la 13ème conférence de l’ONU sur les changements climatiques est venue confirmer l’inconséquence des décideurs et des parties prenantes. Il est sidérant de constater que les acteurs politiques et les représentants du monde associatif présents à Bali ont la même vision réductrice de l’état d’urgence engendré par les gaz à effets de serre. Cette lecture minimaliste se traduit dans les propositions du dispositif technique à mettre en œuvre : elles sont de manière criante en deçà des mesures nécessaires. Les objectifs fixés avant Bali étaient déjà insuffisants: pas plus de deux degrés de hausse des températures d’ici à la fin du siècle, diviser par deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre, le pic doit culminer d’ici à 2020. Ces propositions se fondent sur un diagnostic erroné et il suffit de tenir compte de ce que disent les scientifiques pour constater qu’il faut mettre la barre plus haut.
Dans le dernier rapport du GIEC de novembre 2007, il est préconisé que les pays industrialisés divisent par 20 leurs émissions de gaz à effet de serre. Or, cela fait plus de cinq ans que les stratèges du climat préconisent une simple réduction par quatre pour ces pays-là. Comment expliquer ce négationnisme de l’urgence ? Déni, aveuglement, lâcheté ? Aux sommets de La Haye en 1998, à Marrakech en 2001, à Johannesburg en 2002, les mêmes mots sont ressassés : « nous sommes sur les bons rails ». La langue de bois environnementale existe : elle s’exerce à merveille dans ces grandes rencontres de la diplomatie verte où les hauts dirigeants du monde entier simulent collectivement la prise de conscience des risques climatiques. Une fois encore, les participants se sont empressés de se vanter auprès des médias du « pas décisif », de la « grande avancée », ou encore d’un hypothétique « processus volontariste » que constitue la feuille de route adoptée à la conférence onusienne de Bali. Mais les émissions continuent à augmenter, les ravages des dérèglements climatiques créent de nouveaux éco-réfugiés ou éco-sinistrés, la fonte des glaces ne cesse pas.

Face au manque d’efficience de ces grands sommets, une question sous-jacente apparaît : ce genre de conférence va-t-il nous sauver ? Combien de fois encore devrons-nous contempler le spectacle de ce grand cirque consensuel dont ne résulte jamais de mesures courageuses ? En l’occurrence, la feuille de route proposée à l’issue des négociations ne propose aucune référence chiffrée de réduction des gaz à effet de serre. Les Européens et certains pays du G77 – y compris la Chine – souhaitaient pourtant des références quantifiées. Nous ne disposons actuellement que d’un calendrier fixant les échéances de nouvelles négociations supposées donner forme au successeur du Protocole de Kyoto qui fête cette année ses dix ans d’existence. Les objectifs – déjà minimes – qu’il préconisait, pour 2008-2012 ne seront pas atteints.

Au fond, c’est toute la logique du dispositif de ce protocole qui serait à revoir. Une meilleure façon de concevoir un plan climat serait de s’intéresser aux extracteurs d’énergies fossiles -les pays de l’OPEP en somme-, et aux sources de l’offre énergétique, plutôt qu’aux émetteurs et à la demande. Kyoto avait cette ambition folle de contenir les émissions de milliards de personnes, de tous les conducteurs individuels d’automobiles, de toutes les industries mondiales. Dans les pays producteurs, le pétrole est généralement nationalisé, cela reviendrait à ne devoir négocier qu’avec les gouvernements. Nous réduirions ainsi le nombre d’interlocuteurs à convaincre de plusieurs milliards à une douzaine. En cela, le protocole de déplétion proposé par le regroupement national d’experts « Association for the Study of Peak Oil » (ASPO), visant à réduire progressivement les importations de pétrole permet une économie véritablement durable. Le Protocole offre également aux nations les moyens de réduire coopérativement leur dépendance au pétrole. Le détail de ce texte peut être trouvé sur le site qui lui est consacré : www.oildepletionprotocol.org. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mieux vaut en effet que le carbone reste sous terre. La conférence de Bali a échoué en ce sens : elle n’a pas su questionner la grille de lecture déjà en place. En se maintenant dans le même paradigme de réduction des émissions de gaz à effets de serre par la limitation de la demande, elle est passée à côté du paradigme décisif de la décroissance de l’extraction des ressources fossiles.

Prenons l’exemple d’une personne en partance pour un long voyage, en plein dilemme, seule face à sa conscience d’éco citoyen. Cet individu doit partir en Amérique Latine : prend-t-il ou ne prend-t-il pas l’avion ? Du côté de la demande, il y a deux manières de croire que l’on est vertueux : on peut ne pas prendre l’avion, mais il décollera certainement quand même. On peut aussi s’acheter une indulgence : compenser son émission excessive de gaz à effet de serre en payant quelques arbres, en contribuant à la reforestation de pays dévastés. Ce genre de « compensation carbone » est un luxe que seuls les très riches peuvent se permettre et n’a pas d’impact immédiat, ni réellement efficace sur l’absorption de CO2.

Une mesure réellement effective en revanche, serait envisageable du côté de l’offre. En réussissant à convaincre un pays producteur comme l’Arabie Saoudite de modérer sa vente. Si elle consentait à ne plus produire que 9 millions de barils par jour, au lieu des 10 habituels, cela constituerait une réduction équivalente d’émissions de gaz à effet de serre. L’offre de pétrole diminuerait, par conséquent, les prix augmenteraient ce qui garantirait un revenu en pétrodollars à peu près équivalent pour l’Arabie Saoudite. Cette mesure alternative aurait prise sur le réel, sur le moléculaire, et c’est ce qui a cruellement manqué à Bali.

Yves COCHET

Mathématicien, ancien Ministre de l’Environnement, Député de la 11e circonscription de Paris.

Source : http://www.actu-environnement.com/ae/news/chronique_yves_cochet_conference_bali_4137.php4