Jean-Claude Noyé : Qu’on me permette, en ouverture de ces lignes, d’évoquer une anecdote personnelle : à l’automne 2015, j’ai rédigé pour l’hebdomadaire La Vie un dossier sur les limites de la croissance qui mettait en valeur des actions de militants de la sobriété heureuse (1). Craignant sans doute la réaction de nos lecteurs, le directeur de la rédaction a bloqué sa parution pendant de longues semaines et, n’était le soutien insistant des confrères et consœurs, ce dossier a bien failli ne pas être publié. Cinq ans plus tard, en septembre 2020, le même directeur de la rédaction, parti avec une délégation de 16 Français – en train et bus, empreinte carbone oblige ! – rencontrer le pape à Rome pour parler avec lui de la protection de l’environnement, m’envoya un SMS pour me dire qu’il avait pendant cette visite pensé à moi et aux idées que je portais, et qu’il regrettait de ne pas les avoir davantage soutenues.
En quelques années, tout a changé. La « décroissance », qui n’est jamais que l’autre nom, moins consensuel, de la « sobriété heureuse », a cessé d’être moquée à bon compte et elle a fait irruption sur la scène publique. Le quotidien Le Monde lui a consacré en 2018 une série d’articles sous-tendus par ce leitmotiv : « Nous voulons passer d’une jouissance d’avoir à une jouissance d’être » A l’automne 2021, Le Monde a publié d’autres articles autour du même sujet en prenant pour prétexte la primaire du parti EELV. Celle-ci a en effet vu deux candidates refuser expressément la politique des petits pas et présenter des projets de rupture radicale de nos modes de vie à des fins de préservation de la planète (en contenant le changement climatique et en limitant la perte de biodiversité, conséquence première du gaspillage des ressources naturelles). Dans un JT de 20 h, le programme de Delphine Batho a ainsi été présenté comme un programme de décroissance assumée. Quant à la réduction drastique de nos besoins, longtemps parent pauvre de la réflexion sur la politique énergétique, trois rapports récents (2), dont le sérieux n’est pas contesté, affirment qu’elle est la seule solution pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Ainsi donc, comment construire une société sobre ? En décidant de choisir cette interrogation pour thème de l’année 2022, les JNE se placent au cœur de préoccupations qui n’ont cessé de grandir au fil des années. Selon plusieurs observateurs, dont le philosophe Dominique Bourg, les effets dévastateurs de la canicule de l’été 2018 à grande échelle (pour la première fois, elle a sévi dans la totalité de l’hémisphère Nord), ont accéléré la prise de conscience par un large public d’un futur angoissant et de la nécessité de faire mieux avec moins. De prendre bel et bien acte que sur une planète aux ressources finies, on ne peut avoir un développement économique infini.
Lire, Sobriété, l’antithèse du pouvoir d’achat
Dès les années 1960-1970, des voix ont mis en avant cette hypothèse. En vain. Le rapport de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Boston, dit rapport Meadows ou encore rapport au Club de Rome, fit certes grand bruit. Publié en français sous le titre Halte à la croissance ? (Fayard, 1972), il concluait que le système mondial suit une trajectoire en impasse. Dûment étayé et confirmé par la suite, mais trop discordant par rapport à la doxa de l’époque, il fut trop vite enterré.
Il me semble donc important que les JNE puissent s’associer à la célébration du cinquantième anniversaire de la parution de ce rapport. Ce ne serait que rendre justice à ce travail prémonitoire. Et l’un des temps phares d’un programme d’année autour de la sobriété qui reste à construire. D’ores et déjà, des idées se dessinent. Comme celle d’associer à notre réflexion (colloques et autres webinaires) de jeunes économistes tel Eloi Laurent, auteur de Sortir de la croissance : mode d’emploi et de Et si la santé guidait le monde ? L’espérance de vie vaut mieux que la croissance (Les Liens qui libèrent). De donner la parole tant aux promoteurs des Low tech (avec, pour figure de proue, le centralien Philippe Bihouix) qu’à des élus qui essayent d’incarner la frugalité dans des projets concrets et des territoires où nous pourrons leur rendre visite. De s’interroger non seulement sur les freins institutionnels et politiques qui empêchent le grand basculement, mais aussi sur nos propres difficultés à anticiper un futur désirable. Les tenants de l’écopsychologie ont là assurément des choses à nous dire, je pense entre autres à Michel Maxime Egger qui a signé en 2020 Se libérer du consumérisme (Ed. Jouvence).
Last but not least, notre thème d’année pourra être l’occasion de questionner nos pratiques journalistiques : que faisons-nous pour aider ceux qui nous lisent, nous regardent ou nous entendent à comprendre quels sont les vrais enjeux ? A oser regarder des vérités qui dérangent ? Comment entendons-nous limiter l’empreinte écologique de nos activités ? Que faisons-nous, encore, pour dénoncer les mille et une ruses du greenwashing ? Ne serait-ce que l’usage toujours trop répandu du terme « développement durable » ? A ce propos, laissez-moi, en guise de conclusion, formuler un simple vœu : que ce vilain oxymore, un mot fourre-tout qui ment sur l’essentiel et arrange tout le monde, disparaisse une fois pour toute des colonnes de ce site et de nos échanges. Rendre aux mots leur sens et leur saveur : ce n’est qu’un début. Mais un début essentiel.
Lire, JNE journalistes pour la nature et l’écologie
(1 ) Dossier intitulé « Croissance Nous l’avons tant aimée… Peut-on vivre sans elle ? » avec, en ouverture, l’article : « Croissance, la fin d’un mythe ».
(2) Les rapports du Réseau de transport d’électricité (RTE), de l’association Négawatt et de l’Ademe.
Il n’y aura pas de décroissance ni de sobriété. Si je n’achète pas un produit ce sera un autre individu qui l’achètera ! Dans tous les cas, les industriels parviendront à produire et écouler tous leurs stocks comme ils les souhaitent, alors niveau pollution on ne résoudra rien ! La pollution continuera de s’accroître ! D’autant que les 3/4 de l’humanité sont dans la misère, et ces 3/4 d’individus sont tellement frustrés de ne pas pouvoir consommer comme les occidentaux que, même si je renonce à consommer pour moins polluer, les industriels trouveront toujours des clients pour écouler leurs stocks, il n’y a que ça sur Terre des individus qui ne demandent qu’à consommer à leur tour !
Si moi français je n’achète pas un truc, pour les industriels ce n’est pas grave, ils trouveront facilement un africain un indien, un latinos, un chinois pour me remplacer dans le rôle de consommateur outrancier… On ne peut pas empêcher les industriels de trop produire, hormis en leur imposant des quotas ! Mais tant que c’est en libre marché, les industriels écouleront leurs stocks et continueront de trop polluer.
– « Si je n’achète pas un produit ce sera un autre individu qui l’achètera ! »
En effet, c’est ce qu’on entend souvent. C’est surtout ce que le con-sot-mateur se plait à croire, en achetant le produit. Seulement cette théorie a elle-aussi ses limites. Si un produit ne se vend pas, il arrive toujours un moment où on arrête de le produire. Peut-être qu’un jour les calèches et les sabots en bois reviendront à la mode, en attendant le marché se limite au folklore. Autre exemple, le bas coût (low cost). Vendre des produits (ex. billets d’avion) à des prix ridicules juste pour écouler leur marchandise, là encore il y a des limites.
Quant aux industriels (capitalistes), ils trouveront toujours le moyen d’engranger. S’ils ne peuvent plus nous vendre de bagnoles (thermiques, électriques, à 4 roues, ou 3 etc.), ni de godasses spéciales pour chacune de nos mille et une activités (marcher sur le goudron, dans l’herbe, la boue etc. courir sur le goudron, dans l’herbe etc. jouer au foot, au tennis, basket, ski etc. etc.) alors ils se feront du blé en nous vendant des calèches et des sabots en bois. Et bien sûr eux continueront à mener grand train, carrosses et godasses de luxe et patati et patata.
Lorsque les gens renoncent à un acheter un produit, ils ne renoncent pas à acheter le produit en lui-même, ils changent de marque c’est tout, mais ils continuent d’en acheter… A l’échelle mondiale, si les automobilistes achètent moins de Renault, c’est parce qu’ils vont acheter plus de Toyota de Ford ou d’autres choses…. Et cette logique s’applique à tous les produits…. Il suffit de regarder la vente de chaque type de produit dans le monde et on s’en aperçoit ! De plus en plus de voitures dans le monde, de plus en plus de robots électro-ménagers dans le monde, de plus en plus de repas industriels, etc…
– « Lorsque les gens renoncent à un acheter un produit, ils ne renoncent pas à acheter le produit en lui-même, ils changent de marque c’est tout, mais ils continuent d’en acheter… »
D’abord tu ne peux pas généraliser et ensuite ce n’est pas vrai. Quelle est la marque de ton caviar préféré ? Ou alors celle de ton home cinéma, de ton smartphone. Moi déjà, de ça j’ai pas. Et si je devais faire la liste de tout ce que je refuse d’acheter, de payer, il me faudrait bien plus de 1000 caractères.
Tu vas alors me dire que refuser et renoncer ce n’est pas tout à fait pareil. En effet. Refuser c’est dire NON (ça ne m’intéresse pas, je n’en veux pas, je me l’interdis etc.) Renoncer c’est abandonner. Et quelque part un abandon ça fait mal. Seulement quand on sait vraiment ce qu’on ne veut pas, ou mieux ce qu’on veut, renoncer et refuser c’est finalement pareil. L’un comme l’autre sont aussi faciles.
« Quant aux industriels (capitalistes), ils trouveront toujours le moyen d’engranger. S’ils ne peuvent plus nous vendre de bagnoles …alors ils se feront du blé en nous vendant des calèches et des sabots en bois »
Quand je lis ce genre d’âneries… je suis désespéré par ton cas ! Désolé, mais même si je décidais de prendre une calèche pour remplacer une voiture, je me ferai jeter de la route par les forces de l’ordre, jamais les autorités ne me laisseraient prendre les autoroutes, les nationales et même les rues en ville ! Donc il y a bien une autorité extérieure à soi qui décide des moyens de transports que l’on se doit d’utiliser !
« Ou alors celle de ton home cinéma, de ton smartphone. Moi déjà, de ça j’ai pas. Et si je devais faire la liste de tout ce que je refuse d’acheter, de payer, il me faudrait bien plus de 1000 caractères. »
Ne raconte pas d’histoire, si tu renonces à acheter certains produits, tu les remplaces par d’autres achats ! Parce que ton argent tu le dépenses et tu comptes bien en profiter ! (on appelle ça des choix d’opportunité en langage commercial, bref tu ne fais que déporter tes dépenses ailleurs )Si par exemples tu renonces d’acheter un téléphone portable pour te payer un voyage en avion à la place, je ne suis pas certain que tu pollues moins ? Et comme je dis, un téléphone portable que tu refuses d’acheter, un autre individu sur Terre achètera le produit à ta place et l’industriel écoulera son stock !
Ce que tu peux être fatigant ! Dans cette discipline aussi t’es le Champion. 🙂
Je n’ai pas dit que les calèches et les sabots en bois c’était pour tout de suite, sois patient. En attendant, sache que si je renonce à acheter certains produits ce n’est sûrement pas pour me payer des voyages en avion. J’achète ce dont j’ai besoin, pas plus. Je passe parfois pour un clodo et je m’en fous. À côté de ça je ne rechigne pas à payer un poulet 25 euros, ni à mettre le prix dans un bon restau, et en ce moment j’économise. En attendant, je ne manque absolument de rien. Je n’ai aucune dette, pas de crédit, je suis un petit-bourgeois, je le sais et l’ai toujours dit. Du coup je ne pleure pas quand je fais le plein de mon vieux véhicule puant, ni pour payer mes impôts, mes factures et mes charges, contraintes ou pas. Toutefois je pense aux autres, notamment à ceux qui n’ont pas eu la même chance que moi.
@ fatigué ou t’es fatigant ?
Vois tu, tu confirmes tout ce que je dis, tu achètes moins de téléphone portable et t’achète plus de viande, soit plus de poulet ou plus de côtes de bœuf en faisant le tour des restaurants de ta région ou de France (dont j’imagine tu ne te rends pas sur place en trottinette)… Pas certain qu’on pollue moins en mangeant plus de viande que de tapoter sur un téléphone portable, mais bon… D’autant qu’il faille des engrais et pétrole pour nourrir tout ce bétail…. Et qu’as tu à répondre à ceux qui préfèrent renoncer à la viande pour passer plus de temps sur un téléphone portable ? (Évelyne Thomas dit toujours c’est mon choix que de polluer de cette façon et pas dans une autre, sic ! )
« Je n’ai pas dit que les calèches et les sabots en bois c’était pour tout de suite, sois patient. »
Je t’ai déjà expliqué qu’il n’y aura jamais assez de chevaux en France pour remplacer tout le parc d’automobiles ainsi que de camions pour transporter les marchandises, sans compter les services publics de pompiers, d’ambulanciers, de policiers et de gendarmes…. Juste 1,2 millions d’équidés en France pour remplacer 600.000 poids lourds en France et 52 millions de véhicules immatriculés en France ! Un monde sans voiture en France, c’est le retour de l’usage de ses jambons pour se déplacer, puisque le trafic commercial absorbera tout le parc d’équidés…
C’est fou ça ! Qui t’as raconté cette histoire de côtes de bœuf ? Ah bon …
Et manger un bon poulet, ou manger dans un bon restau, peu importe si c’est 4 fois par jour, par mois ou par an… ça veut dire manger comme un porc ? Pourquoi pas vivre comme un porc tant qu’à «bien» faire ? Et penser comme un porc, tu comprends ce que ça veut dire ? J’en doute.
1,2 millions d’équidés en France ? Avec toi ou sans toi ?
Cinquante ans déjà. Et cinquante ans ça se fête. Donc cette tribune.
50 ans c’est à quelque chose près l’âge de l’écologie. 1972 c’est le célèbre rapport Meadows, et le premier Sommet de la Terre organisé par l’ONU, à Stockholm. 50 balais c’est l’âge de l’IEE (institut européen d’écologie) fondé en 1971 par Jean-Marie Pelt. Un demi-siècle que cette association s‘efforce de sensibiliser, informer et d’agir… Tout comme cette autre association à peine un peu plus vieille, fondée en 1969, la JNE (journalistes-écrivains pour la nature et l’écologie).
50 ans de grands-messes, de rapports, conférences, articles, bouquins, films, chansons et j’en passe. Un demi-siècle de blablabla et de cinéma.
En attendant, cet édito ne marquera certainement pas l’Histoire. Et quand bien même, il suffit de voir ce qu’on fait du Rapport Meadows. De ce rapport comme de tant d’autres rapports, études, analyses, leçons, mises en garde etc. Ne serait-ce déjà que ce problème que souligne de Jean-Claude Noyé à la fin de son édito. Rien que ça, rendre aux mots leur sens… la saveur ça peut attendre… comment faire ? Misère misère !
Quant au reste, on peut toujours rêver .
– Le Problème, ou la Question : « Ainsi donc, comment construire une société sobre ? »
– Début de Solution, ou de Réponse : « D’ores et déjà, des idées se dessinent. »
En France on n’a pas de pétrole, mais on a des idées. Nous voilà donc bien avancés.
La sobriété, la décroissance… on en reparle dans un demi-siècle.