Éloignement de la nature, violences urbaines

Nous avons entassé des populations fragiles issues de l’immigration dans des cités qui se transforment en ghettos et en poudrières, pour peu que des dépressions économiques, du racisme et des violences s’en mêlent. Mis en cage, certains animaux se tuent ou deviennent dépressifs. Socialisés en appartement, sur le béton et l’asphalte, les enfants sont amputés d’une partie de ce qui constitue leur humanité. Il convient d’insister sur la nécessité pour l’être humain d’une relation active à la nature. Sur la base de ce type de constat, l’Organisation mondiale de la santé avait réintégré le jardinage dans les déterminants-clés de la santé.

Marcel Marloie : « De tout temps, l’habitat humain a comporté à la fois le logement et un coin de nature. Ce fut le modèle de la maison avec jardin qui, à l’Exposition universelle de Paris de 1889, avait été considéré comme la meilleure manière de loger le peuple. Ce fut aussi le modèle de la double habitation, à savoir la maison ou l’appartement en ville complétés par la maison de campagne. Un mode de vie qui était privilégié par l’aristocratie dès l’Antiquité, pratiqué dans toute l’Europe par les classes enrichies à partir du XIXe siècle, et démocratisé au XXe siècle avec la multiplication des résidences secondaires. Mais la Charte d’Athènes, rédigée par Le Corbusier à la suite du quatrième congrès international d’architecture moderne de 1933, a vulgarisé un habitat en immeubles collectifs dans lequel le jardin fut remplacé par des espaces verts entretenus par les municipalités, et où les enfants et les adultes n’eurent plus le droit que de regarder et de se promener sans trop courir.

Du fait de l’accroissement de la population, nous n’en reviendrons plus à la maison avec jardin pour tous. Parce qu’il faut juguler l’étalement urbain destructeur des sols, il nous est impossible de généraliser la résidence secondaire. Mais il est possible de démocratiser encore plus le modèle de la double habitation en complétant le logement en ville par l’accès à une parcelle dans un collectif de jardins. J’entends par « collectif de jardins » ce que nous appelions autrefois en France les jardins ouvriers. Pour ne citer que les collectifs de jardins, environ 1 % des citadins français y disposent d’une parcelle contre 4 % en Allemagne, 12 % en Pologne… les enfants socialisés dans ces conditions s’y épanouissent, les familles sont plus résilientes aux crises, la biodiversité, le climat et la démocratie en bénéficient. Il ne fait guère de doute que cela pourrait faire régresser la violence urbaine. »

Le point de vue des écologistes jardiniers

Camtaoij : Dans ma ville (environ 100000 habitants), il est très facile d’obtenir un jardin ouvrier, ça coûte une vingtaine d’euros par an pour 200 m2. Mais on n’y croise jamais les jeunes des quartiers défavorisés, qui sont pourtant à proximité. Ce sont principalement des retraités, principalement des hommes, et pas spécialement défavorisés (des boomeurs cisgenres blancs, comme diraient certains bas-de-plafond). Donc, oui, je crois que ces jardins sont une très bonne chose, mais est-ce que ça correspond à une demande de la population que l’auteur voudrait toucher ?

Rompiscatole : Les jeunes de banlieue sont à moins d’une heure de la campagne et des magasins à piller sur les Champs-Élysées.
Ils choisissent les Champs-Élysées.

Michel SOURROUILLE : L’autosuffisance individuelle est quasiment inatteignable : seul, vous êtes vite confronté à vos limites. Vous pouvez éventuellement faire un petit potager, mais pas davantage. La coopération entre individus est nécessaire, essentielle. C’est pourquoi l’autoproduction c’est aussi un réseau de liens. C’est d’ailleurs une des motivations de ceux qui s’investissent dans les jardins potagers. Quand on a beaucoup de tomates, on en donne aux voisins, à la famille. On troque avec d’autres jardiniers. L’autoproduction c’est aussi une voie vers la décroissance. Elle va avec une forme de sobriété.

Mike Davis : Un étonnant changement collectif de mode de vie eut lieu à l’échelle des Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale en l’espace de quelques années. Le gouvernement américain mit en place toute une organisation afin d’aider à l’effort de guerre, dont les « jardins de la victoire » furent le symbole. On compta près de vingt millions de jardins potagers communautaires ou familiaux en 1943. L’autre pan de cette économie de guerre domestique portait sur les transports : covoiturage, bicyclette. Enfin le Bureau de la défense civile encouragea une consommation rationnelle, c’est à-dire ne consommer que « ce qui est nécessaire » et passer ainsi d’une « économie de gaspillage » à une « économie de préservation ». Aujourd’hui, un site  proclame : « Planter un jardin de la victoire pour combattre le réchauffement climatique réduirait la pollution que votre nourriture contribue à produire en amont. » On peut aussi penser au mouvement émergent des villes dites en transition, essayant, cette fois à l’échelle d’un territoire, de modifier nos manières de vivre (de consommer, de produire, etc.). Car on ne peut pas vraiment dire que ce soit les Etats qui se soient jusqu’à présent mobilisés sur les questions écologiques !

Pierre Angulaire : 95 % des familles seraient aujourd’hui incapables de s’occuper d’un jardin potager et de produire des légumes, un potager demande beaucoup de temps (pas seulement une heure de transports), de l’énergie (même quand il fait chaud), de l’eau, de la disponibilité (adieu les vacances d’été si on ne veut pas tout trouver desséché par l’été). Le jardin potager, ça sera pour dans 50 ans, quand les grandes villes auront été abandonnées.

4 réflexions sur “Éloignement de la nature, violences urbaines”

  1. Les récentes violences urbaines (on parle aussi d’émeutes, pourquoi pas de révolution ?) sont l’occasion pour certains de faire le lien avec l’immigration.
    Et comme d’un point de vue malthusien l’immigration n’est que LA conséquence du Surnombre (le Poumon vous dis-je !) … les Zantis-Migrons et autres fachos peuvent ainsi se faire les amis des malthusiens et autres dénatalistes. Des fois qu’ils ne l’étaient pas déjà (les amis de nos amis sont nos amis). La violence, ici urbaine, serait donc la conséquence, du moins serait liée, à notre trop grand nombre. Peut-être bien, eh va savoir…
    Et les autres violences alors, la violence en général ? Celles de Sainte-Soline par exemple, rien à voir avec les Migrons cette fois, si ? Ah mais oui que je suis bête, les mégabassines c’est pour nourrir le Surnombre. Et hop, ON retombe sur ses papattes. ( à suivre )

    1. Et les violences conjugales, comme qu’ON les explique alors, hein ?
      Et les violences psychologiques, la violence sur les écrans et partout.
      Et la dite «légitime», la violence d’Etat, celle des casqués, des chiens de garde de l’Ordre Etabli, celle qui s’oppose à celle des cagoulés. Et la violence en col blanc, dans les entreprises, et en politique. Le Poumon là encore, peut-être ?
      C’est comme les guerres, et tout ce qui nous accable. Si les gens ont la flemme de jardiner… comme de marcher à pied, de lire, de réfléchir etc… c’est le Poumon.
      C’est pas un peu trop simple, ou simpliste, non ?

    2. 3) Biosphère s’évertue à nous expliquer la «contre-violence», à la défendre etc.
      Sur ce point, je pense qu’il devrait donc être d’accord avec moi.
      De mon point de vue… ces violences urbaines, comme celles à Sainte Soline et ailleurs, ne font que traduire un RAS-LE-BOL.
      Même s’il ne sont pas capables d’analyser correctement tout ça (le monde, la politique etc.), ces jeunes «sauvageons» (comme disait je ne sais plus qui) voient clairement qu’ON se fout de leur gueule. En fait, peu importe la couleur de la gueule, l’âge, le genre, le QI etc. tout le monde voient bien qu’ON se fout de notre gueule.
      Or tout a des limites, notamment le ras-le-bol, qui s’exprime lui aussi de multiples façons, à commencer par le désintérêt, politique, l’abstention, le je-m’en-foutisme etc. etc.
      Et en dernier recours la violence. Qui engendre la violence etc. etc. Le cercle infernal.
      ( à suivre)

      1. 4) Un contrôle (au faciès) de trop, une bavure, une injustice, une bassine trop grande, une provocation, un mot de travers… ça peut-être n’importe quoi. Une goutte suffira toujours pour faire déborder le vase.

        Pour moi ces débats («débats») sur ces violences urbaines, comme ceux au sujet des violences des dits «écoterroristes» (jeteurs de soupe et autres), quand ce ne sont pas les «preneurs d’otages» et j’en passe, sont stériles. À moins qu’il ne visent qu’à masquer et/ou à légitimer la violence dite «légitime».
        La violence est partout, ses causes sont multiples, elle serait même dans nos gènes, à ce qu’ON dit. En attendant, il y a violence ET violence. Là encore d’un côté la Bonne, les bonnes, celles qui servent le Système … et de l’autre… toutes les autres.
        À moins que TOUTES ne le servent.

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