Eradication des baleines, une volonté d’ignorer les limites

Il y a plus de quarante ans, l’impossibilité de poursuivre une croissance indéfinie dans un monde fini était déjà démontrée par le rapport du Club de Rome dont voici ci-dessous un extrait :

« Rares sont ceux qui imaginent devoir apprendre à vivre à l’intérieur de limites rigides lorsque la plupart espèrent les repousser indéfiniment. Cette foi s’est trouvée renforcée par une croyance en l’immensité de la terre et de ses ressources et en la relative insignifiance de l’homme et de ses activités dans un monde apparemment vaste. Ce rapport entre les limites de la terre et les activités humaines est en train de changer. Même l’océan, qui, longtemps, a semblé inépuisable, voit chaque année disparaître, espèce après espèce, poissons et cétacés. Des statistiques récentes de la FAO montrent que le total des prises des pêcheries a pour la première fois depuis 1950 accusé une baisse en 1969, malgré une modernisation notable des équipement et des méthodes de pêche (on trouve par exemple de plus en plus difficilement les harengs de Scandinavie et les cabillauds de l’Atlantique.

Le secteur de l’industrie baleinière est un secteur marginal de l’économie globale, mais il fournit l’un des exemples les plus caractéristiques de l’accroissement sans frein d’une activité dans un cadre matériellement limité : les baleines les plus rentables, les baleines bleues, ont été systématiquement exterminées avec des moyens sans cesse plus puissants et plus perfectionnés. Pour maintenir et accroître le tonnage d’huile produit chaque année, on a mis en œuvre des bateaux de plus fort tonnage, plus rapides et dotés de moyens de traitement plus productifs. En conséquence il a fallu pourchasser en nombre croisant les baleinoptères dont le rendement en huile était inférieur. Cette seconde espèce puis une troisième étant en voie de disparition, les baleiniers en sont maintenant à chasser le cachalot. C’est l’ultime folie. Déjà depuis les années 1965, le tonnage capturé accuse une baisse sensible. On a voulu que l’industrie baleinière survive à la baleine, ce qui se passe de commentaires. »*

Nous en sommes là en 2014, le « choc de croissance » qu’attend François Hollande n’est pas celui qu’il imagine… le rapport du club de Rome a été récemment actualisé. En voici la conclusion : « Une chose est claire : chaque fois que la transition vers un équilibre soutenable est repoussée d’un an, les choix qui restent possibles s’en trouveront réduit. Les problèmes augmentent, alors que les capacités de les résoudre sont moindres. Attendre vingt ans supplémentaires, et on se trouve embarqué dans une expérience chaotique et finalement sans issue. »**

* édition Fayard 1972, Halte à la croissance ? 318 pages, 26 francs

** traduction française de The limits to Growth – The 30-year update (2004)

2 réflexions sur “Eradication des baleines, une volonté d’ignorer les limites”

  1. Cette affaire est doublement exemplaire et incite au pessimisme.
    Il est bien évident que du point de vue économique pour un pays comme le Japon, la chasse à la Baleine ne représente rien de significatif, l’Etat pourrait parfaitement prendre en charge les derniers baleiniers pour quelques années. Il n’y a aucune justification économique sérieuse à la poursuite de cette sinistre activité.
    Du point de vue culturel aussi c’est désolant, comment ne pas comprendre que ces traditions doivent s’effacer devant la menace physique de disparition d’un ensemble d’espèces (les cétacés) absolument extraordinaires ?
    Si sur le plan intellectuel et moral, les humains ne sont pas capables de comprendre cela, quel est le sens d’un combat pour l’humanité ?
    Bref cette chasse n’a rien à faire dans le monde d’aujourd’hui et nous la continuons, comment dans ce contexte, nous prétendre capables de préparer le monde de demain ?

  2. On ne peut pas faire des batailles navales autour des dernières baleines
    Le navire écologiste Bob-Barker et le baleinier de la flotte japonaise Yushin-Maru no 2 se sont percutés dimanche dans l’océan Antarctique, chaque camp accusant l’autre de l’avoir fait intentionnellement.
    Le ministre de l’environnement australien Greg Hunt a souligné que l’incident s’était produit dans des eaux néo-zélandaises et lancé un avertissement aux deux parties : « Personne ne peut jouer avec la sécurité, on ne peut pas faire n’importe quoi dans des eaux internationales. Tout le monde doit se conformer à la loi. »
    http://lemonde.fr/planete/video/2014/02/03/bataille-navale-entre-ecologistes-et-chasseurs-de-baleines_4359048_3244.html

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