Certains organismes vivants se reproduisent par simple duplication (bactéries, amibes…) et sont de ce fait immortels. Pour les autres. C’est très relatif : la mouche va vivre 17 jours en moyenne, le rat 6 années et le séquoia géant 6 000 ans. Ces différences sont inscrites dans les gènes qui donnent à une espèce une durée de vie maximale. Comme les autres espèces, les humains sont programmés pour mourir, mais ils modifient leur environnement pour mieux résister au processus de vieillissement. Certains veulent même agir contre les processus de vieillissement, manipuler la télomérase, lutter contre les radicaux libres, encombrer les centres de soins palliatifs. Peine perdue, l’espérance de vie en bonne santé régresse. Soyons réalistes, il faudrait se demander si c’est bien vivre que de vivre tous centenaires, si c’est respecter les cycles vitaux que de s’attarder sur la planète et prendre ainsi un peu plus de l’espace vital tant d’autrui que de la biodiversité. Voici l’histoire de notre ligne de vie.
Jean-David Zeitoun : Du néolithique au début du XVIIIe siècle, on pouvait mourir à plus de 80 ans, mais l’espérance de vie (qui est une moyenne) stagnait autour de 25 à 30 ans. Cela ne signifie pas que la plupart des femmes et des hommes mouraient autour de cet âge, mais plutôt que la mortalité infantile était très élevée : sous-nutrition, violences et infections, ce sont les plus résistants qui survivaient. De 1830 à 1880, l’industrialisation des sociétés occidentales produit un effet largement délétère sur la santé. En pleine explosion du progrès des sciences et techniques, l’urbanisation à marche forcée, la densification de l’habitat dans des conditions insalubres et le maintien de fortes inégalités sociales détériore l’espérance de vie, tirée vers le bas par une hausse de la mortalité infantile. En France et au Royaume-Uni, la taille moyenne régresse, abandonne quelques centimètres. Il faut être riche à l’époque pour être en bonne santé, et certains mécanismes par lesquels les nations s’enrichissent peuvent s’avérer néfastes pour la santé des populations. Aujourd’hui, nous avons d’un côté dans le PIB les dépenses de santé et les médicaments, mais de l’autre les pesticides, les hydrocarbures, la cigarette ou l’alcool. Avec les cancers, les maladies cardio-vasculaires, le diabète et l’obésité, morbidité et mortalité s’accroissent. A ux facteurs de risque comportementaux s’ajoutent, de plus en plus, les grandes menaces environnementales que sont le réchauffement, l’effondrement de la biodiversité et les pollutions diffuses, et sur lesquelles viennent se greffer les risques de maladies infectieuses émergentes comme le Covid-19. La « résistance à mourir » commence à rencontrer ses limites.
Michel Sourrouille : L’espérance de vie américaine est passée de 49 ans en 1900 à 79 ans en 1995. Depuis elle stagne, 78,7 en 2016, 78,8 en 2019 et régresse en 2020. En France l’espérance de vie en bonne santé est calculée sous la forme « espérance de vie sans incapacité « (EVSI). En 1986, l’espérance de vie à la naissance pour un homme était de 70,7 ans, l’EVSI de seulement 61,9 ans. Il ne faut pas confondre durée de vie et qualité de la vie.
James Howard Kunstler : Dans les années à venir, pendant la Longue Catastrophe provoquée par la déplétion pétrolière, des millions d’êtres humains vont mourir parce que sous le régime du pétrole bon marché, la capacité d’accueil de la Terre a été considérablement dépassée. Les épreuves affaibliront nombre d’individus, et la maladie en profitera, comme toujours. Les bidonvilles de la Terre seront probablement le foyer de la prochaine pandémie. Les ennemis séculaires de l’humanité – tuberculose, malaria, choléra, streptocoque… – seront prêts à frapper avec une immunité nouvelle, parades aux technologies du XXe siècle. La chute brutale de l’espérance de vie sera l’une des caractéristiques de cette période.
Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :
17 octobre 2020, Faut-il faire décroître le système de santé
extraits : Face à n’importe quelle crise agricole, énergétique, économique, etc., généralement l’on réclame davantage de moyens pour y faire face. Avec l’épidémie de coronavirus, on demande à l’État d’accroître les dépenses de santé afin d’engager du personnel, d’augmenter le nombre de lits, d’améliorer le dépistage… sans s’interroger sur une écologie médicale qui viserait à maintenir en bonne santé le milieu et conséquemment ceux qui y vivent.
17 mai 2020, Le coût de l’espérance de vie « augmentée »
extraits : On a même pu calculer que sept années de vie supplémentaire découlaient de traitements médicaux ou chirurgicaux très coûteux. Les dépenses de santé sont en constante augmentation et représentent actuellement près de 11 % du PIB, soit environ 271 milliards d’euros annuels. Le jeu en vaut-il la chandelle ?
14 mai 2020, Plutôt mourir du coronavirus plutôt qu’intubé
extraits : Aujourd’hui le rapport à la mort a changé, il devient intolérable de mourir de façon naturelle, on pratique l’acharnement thérapeutique, les transhumanistes rêvent de nous voir vivre 1000 ans et les militaires veulent pratiquer la guerre zéro morts. Les progrès techno-scientifiques nous ont fait perdre tout sens de la limite. De toute façon il faut bien mourir un jour, autant que ce soit en bonne santé et non pas transpercés par des tuyaux reliés à des machineries.
9 mai 2020, espérance de vie et équivalent pétrole
extraits : La corrélation entre la quantité d’énergie mobilisée par chaque être humain et l’espérance de vie est frappante. Parce que l’énergie fossile abondante et bon marché est une anomalie de l’histoire humaine, on peut en déduire que notre espérance de vie croissante l’est aussi.
Je disais hier qu’on observait partout dans le monde une baisse du taux de fécondité ainsi qu’un vieillissement des populations. On peut donc rajouter cette baisse de l’espérance de vie. Espérance de vie en bonne santé ou pas, tout ça va dans le sens d’une baisse inéluctable de la population mondiale.
Bien entendu les variations de ces 3 facteurs sont différentes selon les pays, les régions, les classes sociales, les professions, le sexe etc. Ces observations et ces études occupent des tas de spécialistes, sans qui nous ne saurions pas tout ça. C’est ainsi que nous savons les raisons pour lesquelles nous vivons plus vieux aujourd’hui qu’au Moyen-Age, les raisons pour lesquelles la mortalité infantile a considérablement baissé, les raisons pour lesquelles le taux de fécondité baisse plus vite ici que là, etc. etc.
Bref, tout ça nous le savons, du moins tout le monde devrait le savoir. Et partant de là il n’y aurait même pas lieu d’en discuter.
Sauf que, pour certains le taux de fécondité sera trop bas ici, et/ou encore beaucoup trop haut par là, avec toutes les conséquences que nous savons etc. Pour d’autres le problème sera le vieillissement. Souhaitons leur que le dieu Progrès les fasse bander au moins jusqu’à 100 ans. D’autres encore se focaliseront sur ces inégalités et ces injustices, pour eux inacceptables, insupportables, inqualifiables etc. Alors qu’elles ne sont déjà que le résultat du hasard. Le hasard qui nous a fait naître ici et pas là bas, à cette époque et pas au Moyen-Age, plus ou moins solides etc. etc. Mais bon, il n’y a pas non plus que le hasard.
Une chose est certaine, nous allons tous mourir un jour. En attendant, vivons dans la joie de vivre et essayons de tirer notre espèce vers le haut.
On croit souvent que l’espérance de vie correspond à l’âge moyen au décès dans l’année courante, c’est bien différent.
L’espérance de vie est calculée de façon assez compliquée en appliquant à chaque tranche d’âge la probabilité de décéder à tel ou tel âge telle qu’elle a été constatée dans l’année en cours (ou la précédente pour avoir les données disponibles). C’est donc un pari sur l’avenir qui suppose la stabilité des conditions environnementales et sociétales.
Je n’accorderais qu’une confiance moyenne aux espérances de vie aujourd’hui médiatisées Je ne remets pas en cause le procédé mathématique, mais, comme souvent, les mathématiques précises ne servent à rien si les hypothèses de départs sont arbitraires et c’est souvent le cas en sciences sociales. L’âge moyen au décès me semble une photographie certes plus « instantanée » mais finalement aussi significative de la situation.
C’est vrai, l’espérance de vie est un pari sur l’avenir, la pyramide des âges et l’âge moyen de décès nous en disent probablement plus. Cependant ça reste un indicateur, et comme tous les indicateurs ça nous indique la tendance.
Oui, mais dans un cadre de non-rupture de société, (on est bien obligé de faire ainsi, j’en conviens, mais les démographes devraient toujours insister sur cet élément et mettre en garde).
Imaginez qu’en 1913 on ait publié l’espérance de vie des hommes de 18 ans ! Les faits auraient largement contredit les anticipations. C’est pourquoi cette petite mise en garde me semble nécessaire au moment où les perspectives d’effondrement à moyenne échéance se font inquiétantes.
Quel que soit le sujet il faut savoir dès le départ de quoi on parle. Pour ça nous avons la chance d’avoir les outils à notre disposition. Seulement il y a le temps, l’envie etc. Les démographes savent évidemment ce que signifie cette espérance de vie, peut-être devraient-ils insister plus, le préciser chaque fois qu’ils en parlent. Mais alors cela vaut également pour tous les indicateurs, prévisions etc. Et cela vaut pour tout le monde (scientifiques, politiques, journalistes, commentateurs). Mais finalement, qu’est-ce que ça changerait qu’on le précise et le répète ?
Imaginons qu’on nous dise, que c’est sûr et certain… qu’en 2025 nous ne serons plus que quelques millions sur Terre… Déjà qui va le croire ? Et quand bien même tous les signes annonciateurs seraient là, visibles de tous… je vous laisse imaginer.