Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.
Ma philosophie : l’écologie profonde
Quelque idées générales : Il me semble que nous devrions porter en nous une vision fondamentale de ce à quoi nous croyons. Contre le marxisme et le maoïsme qui imprégnaient mes camarades de jeunesse, j’ai choisi une voie marginale, celle de l’objection de conscience, donc un simple moyen, la non-violence. Cela ne constituait pas une doctrine globale qui puisse rayonner sur tous les engagements de mon existence. Mais un jour, dans la revue « L’écologiste » n° 12 de 2004, j’ai découvert l’écologie profonde (deep ecology) qui avait été théorisée par le philosophe norvégien Arne NAESS dès 1973. Dans son livre Ecologie, communauté et style de vie, Naess expose les fondements d’une nouvelle ontologie (étude de l’être en soi) qui rend l’humanité inséparable de la nature. Si nous saisissons cette ontologie, alors nous ne pourrons plus endommager gravement la nature, sans nuire en même temps à une partie de nous-mêmes. Formidable, j’avais trouvé ma voie.
J’avais déjà commencé à percevoir dans les années 1970, alors que j’étais encore en fac, que l’individu est indissociable de son environnement global, humain et non-humain. Je crois que la première approche de ce sentiment a eu lieu le 31 décembre 1970 quand j’ai écrit dans mes notules : « J’admire mon corps, les muscles de ma main, cette tendresse de la peau, la minutie de ses courbes, l’ordonnance de ses volumes, j’admire les cellules, leur imagination débridée de formes fantasques et de fonctions éclatées, mais j’admire encore plus le fait que cette multiplicité renferme en elle l’unicité de la matière, noyau et électrons, nous rattache à l’univers et à l’infini, nous rapproche de toute chose. » Sans le savoir encore, je me dirigeais vers la fin de mon anthropocentrisme, vers le début de mon sentiment d’unité avec l’univers.
Le 1er février 1971, j’ai recopié cette notule : « Comment, écrit Tchouang-Tseu, savons-nous si le moi est ce que nous appelons le moi ? Jadis moi, Tchouang-Tseu, je rêvais que j’étais un papillon, un papillon qui voltigeait, et je me sentais heureux. Je ne savais pas que j’étais Tchouang-Tseu. Soudain je m’éveillai, et je fus moi-même, le vrai Tchouang-Tseu. Et je ne savais plus si j’étais Tchouang-Tseu rêvant qu’il était un papillon, ou un papillon rêvant qu’il était Tchouang-Tseu. » Je ne sais plus où j’avais pris ces paroles fortes, je ne suis pas bouddhiste, mais il me semble toujours important de savoir éteindre la soif du MOI. L’écologie profonde a correspondu à mon attente.
Arne NAESS a proposé avec George Sessions une plate-forme de l’écologie profonde en huit points clés que j’approuve totalement. Voici leur contenu, j’ai rajouté les trois titres pour y mettre une cohérence :
I) les principes
1) le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains.
2) la richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes.
3) sauf pour la satisfaction de leurs besoins vitaux, les hommes n’ont pas le droit de réduire cette richesse et cette diversité.
II) le problème
4) l’interférence actuelle des hommes avec le monde non-humain est excessive et la situation s’aggrave rapidement.
III) les solutions
5) l’épanouissement de la vie et des cultures humaines est compatible avec une diminution substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non-humaine requiert une telle diminution.
6) les politiques doivent changer, elles doivent affecter les structures économiques, techniques et idéologiques. La situation qui résultera du changement sera profondément différente de la situation actuelle.
7) le principal changement idéologique consistera en la valorisation de la qualité de la vie plutôt que de toujours promouvoir un niveau de vie supérieur.
8) ceux qui adhèrent aux points précités ont obligation de tenter de mettre en place directement ou indirectement ces changements nécessaires.
(à suivre, demain)
Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :
Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE
01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion
02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas
03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !
04. Premiers contacts avec l’écologie
05. Je deviens objecteur de conscience
06. Educateur, un rite de passage obligé
07. Insoumis… puis militaire !
08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales
09. Du féminisme à l’antispécisme
10. Avoir ou ne pas avoir des enfants
11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs
12. Ma tentative d’écologiser la politique
13. L’écologie passe aussi par l’électronique
14. Mon engagement associatif au service de la nature
15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience
16. Ma pratique de la simplicité volontaire
17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes
18. Techniques douces contre techniques dures
19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie
21. Ma philosophie : l’écologie profonde
– « Michel aimait Gérard, Et Gérard le lui rendait si bien, Qu’à la fin ça ne rendait rien.
Les histoires d’a … Les histoires d’amour finissent mal en général »
Michel était fâché avec Karl, MARX, et Mao, et ses petits camarades aussi.
Michel ne les aimait pas, ou plus du tout peu importe, et peu importe aussi les raisons.
Un jour, de 2004, Michel, SOURROUILLE, rencontre Arne, NAESS, et sa profonde.
Et là c’est le coup de foudre. Pour la vie ! Jusqu’à ce que la mort nous sépare.
Ceux qui croient qu’ils ont librement choisi leur partenaire se trompent. Nous savons maintenant que nous sommes tous attirés par tel ou tel type de femme ou d’homme, c’est comme ça. Mais là encore ce n’est pas nous qui avons choisi qu’il en soit ainsi. ( à suivre)
Les rencontres sont toujours le fruit du hasard. En quelque sorte les séparations aussi.
Et tout finalement. Le hasard et la nécessité ! La Force des choses quoi.
Michel aurait pu avoir comme moi un coup de foudre pour Sénèque, ou pour le Parti d’en Rire… comme d’autres l’ont pour je ne sais qui, voire même pour un triste sire.
Mais non notre Michel s’est laissé séduire par le joyeux Malthus, et par les profondeurs de l’écologie. Mais attention, pas par n’importe laquelle, par la vraie, la pure, la dure, la seule qui vaille. Parce qu’il le vaut bien ! Logique, les Michel aiment la profondeur. 🙂