Nous recevions l’abbé Fontanilh, l’ancien aumônier de papa, le curé de Cadillac. « Bénissez-nous mon père, bénissez ce repas… et donnez du pain à ceux qui n’en ont pas » Un cérémonial à la maison, toujours le même. Désuet, irréel. Pendant le repas, j’attaque la religion. C’était pour moi un jeu de questions-réponses. Comme le quitte ou double que j’avais gagné au temps du catéchisme. Est-ce que l’enfer existe ? L’abbé commence à perdre patience. Je conteste l’infaillibilité papale. Il perd pied. Pourquoi le célibat des prêtres, cette absurde exigence ? Il se fâche, jusqu’à vouloir me faire mal physiquement. Il passe derrière moi, me prend aux épaules, et il serre, serre. Je ne pouvais croire en Dieu… ses représentants étaient bien trop fragiles.
Pour Karl Marx, toute critique commence par la critique de la religion : « Religion, opium du peuple » ! J’avais bien commencé, sans le savoir. Quand le doute s’instille, il se propage. Je commençais à être libre de mes pensées. Les révoltes verbales font le révolté. Je ne croyais plus que ce qu’on pouvait me démontrer. Or l’existence de Dieu, totale abstraction, repose uniquement sur un acte de foi. Au lycée Michel Montaigne de Bordeaux, sur l’ensemble des classes de première, nous n’étions plus que quatre devant l’aumônier. L’un était là parce qu’il était obligé par ses parents, l’autre s’ennuyait en internat, un troisième venait pour le spectacle. Car j’étais là uniquement pour contester le curé.
Le christianisme est devenu pour moi un vieux meuble qu’on conserve par charité. Plus tard dans les années 1970, je polémique avec un ami candidat prêtre, Christian Alexandre : « Vous les Chrétiens, vous êtes comme le capitalisme, fondé sur une hiérarchie, une préséance absurde et ridicule. Vous êtes contre le racisme, mais vous n’arrivez pas à vous entendre entre chrétiens. Vous faites le service militaire au lieu de trois ans de tôle pour insoumission. Classer le naturisme et la pilule comme un mal est abaisser la morale. Je connais l’Evangile, ce n’est qu’un vieux bouquin qui ne me suffit plus. Ce n’est plus l’Eglise qui prêche l’amour véritable, mais les hippies. Ils ne se référent plus aux textes chrétiens, mais à Confucius, Marcuse, mai 1968 ou aux communes libres. Ils ne s’attachent pas à une doctrine limitée et fermée. Ils préfèrent cultiver leur existence terrestre sans applaudir à l’automatisme de quelques gestes ancestraux symboliquement vides. Je regrette le temps que j’aie passé à la messe… » (à suivre)
NB : pour lire la version complète de cette autobiographie, ICI
Bonjour Michel Sourrouille.
Cette haine des curés ne trouverait-elle pas tout simplement son origine, chez un con d’abbé, plus con que la moyenne ?
Quand on réfléchit à notre liberté et à nos déterminismes, on en vient rapidement au hasard. Ce hasard qui a fait se rencontrer nos parents, qui nous a fait hériter de leurs gênes, qui nous a fait naître à tel endroit et à telle heure, etc. Ce hasard qui aurait pu très bien faire de vous ou de moi un amish, un musulman, un général, ou qui sait… un curé.
Tout le long de notre vie le hasard nous fait rencontrer des personnes qui influent sur nos vies, dans un sens ou un autre. Il s’agit de gens de toutes sortes, des biens comme des cons, puisqu’il y en a partout.
Si … au lieu de rencontrer cet abbé Fontanilh , vous aviez rencontré l’abbé Pierre, alors peut-être auriez-vous une autre vision de Tout Cela. Nul besoin d’être croyant pour voir les choses ainsi.
La spiritualité n’est pas synonyme de religion. Voir ce Grand Mystère ( ? ou peu importe le nom qu’on lui donne) ne fait pas de nous un cureton ou un fou de Dieu. L’accepter tel qu’il est, autrement dit inexplicable, inaccessible… n’empêche nullement de réfléchir à des choses disons plus terre à terre, et à tenter de les améliorer.