Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

Les partis, nécessaires et inadaptés

La seule avancée globale du parti socialiste au niveau écologique a été l’adoption d’une nouvelle Déclaration de principes, adopté en juin 2008. Ainsi dans son article 3 : « Les finalités du socialisme démocratique portent pleinement la volonté de préserver notre planète aujourd’hui menacée particulièrement par les risques de changement climatique et la perte de la biodiversité, de protéger et de renouveler les ressources naturelles, de promouvoir la qualité de l’environnement… Conscients de l’étroite interaction des activités humaines et des écosystèmes, les socialistes inscrivent la prise en compte de la planète au même rang de leurs finalités fondamentales que la promotion du progrès et la satisfaction équitable des besoins. »

Mais ce texte fondamental n’est pas connu des militants et l’application qui devrait en résulter dans les programmes socialistes est inexistante. J’ai quand même réussi une avancée ponctuelle en organisant avec l’aide logistique du pôle un colloque à l’Assemblée nationale le 25 janvier 2011: « Pic pétrolier, quelles conséquences politiques pour 2012 ». Le porte-parole du pôle, Géraud Guibert, ne croyait pas au succès d’une telle réunion, il n’avait réservé qu’une petite salle. Finalement il a été obligé de réserver la salle du groupe parlementaire socialiste, et même cette salle a été trop petite, nous avons refusé beaucoup de monde. Il est vrai que ce jour-là le pétrole a failli vraiment entrer en politique : deux députés à la tribune, 7 ou 8 présents dans la salle.

Je fais l’introduction suivante : « L’objectif de ce colloque est simple, faire entrer le pétrole en politique. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Les politiques envisagent (un peu) le réchauffement climatique mais pas du tout la déplétion pétrolière et donc la crise générale qui suivra le pic pétrolier. Le premier choc pétrolier (suite au quadruplement des prix du baril en 1973) avait inspiré la campagne de René Dumont, candidat à la présidentielle de 1974. Les analyses du mouvement écologiste naissant restent d’actualité : « En surexploitant les combustibles fossiles, on vole les ressources des générations futures. » ; « Nous demandons l’arrêt de la construction des autoroutes, l’arrêt de la fabrication des automobiles dépassant 4 CV, nous luttons contre la voiture individuelle… » De même en avril 1977, le président Carter s’adressait à la nation grâce à la télévision: « Ce que je vous demande est l’équivalent d’une guerre. Il s’agit bel et bien de préparer un monde différent pour nos enfants et nos petits-enfants. » Il propose d’économiser l’énergie. Mais sa cote de popularité a été divisée par 2 (de 70 à 35 au début de 1978).

De plus le contre-choc pétrolier (la baisse du prix du baril) à partir de 1986 éloigne la problématique pétrolière des esprits. Le Grenelle de l’environnement est resté muet sur cette question. Certes, un groupe a planché sur le thème « lutter contre le changement climatique et maîtriser la demande en énergie ». Mais dans le rapport publié, les économies d’énergie ne sont pas considérées comme une nécessité, simplement comme une solution pour réduire les émissions de dioxyde de carbone. Dans le groupe 2, sur le thème « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles », pas de discussion ! A croire que le pétrole n’est pas une ressource naturelle non renouvelable.

Pourtant tous les analystes annoncent la catastrophe. Dès 1979, un ingénieur de l’industrie automobile, Jean Albert Grégoire, publie « Vivre sans pétrole ». Pour lui, « Apercevoir la fin des ressources pétrolières, admettre son caractère inéluctable et définitif, provoquera une crise irrémédiable que j’appellerai crise ultime. » Il faut ensuite attendre 2003 pour que l’après-pétrole soit à nouveau analysé par Richard Heinberg dans « Pétrole, la fête est finie ». Un autre Américain, J.H. Kunstler, parle même en 2005 de la « Longue Catastrophe » qui accompagnera la déplétion pétrolière. La même année 2005,Yves Cochet, qui sera un des intervenants du colloque de 2011, est encore plus incisif, il publie « Pétrole apocalypse ».

L’idée générale de tous ces analystes est la même : plus nous attendrons, plus le choc sera terrible. Des rapports militaires, ceux de la Bundeswehr ou du Pentagone, se préoccupent vraiment de l’insécurité qui suivra le pic pétrolier. Quelques citoyens avertis commencent à s’inquiéter, la fréquentation de ce colloque le prouve. Plus de 200 personnes dans cette salle comble et nous avons refusé par manque de place l’inscription de plus de 100 autres personnes. Que font les politiques alors que la descente énergétique est imparable ? Les intervenants se succèdent et illustrent ma pensée. Le géologue Bernard Durand dévoile ses angoisses : « Le Pic Pétrolier (Peak Oil) mondial, c’est-à-dire le moment où les quantités de pétrole disponibles à la consommation à l’échelle mondiale vont atteindre leur maximum possible, va avoir lieu incessamment. L’offre globale de pétrole va ensuite diminuer, et les quantités de pétrole disponibles par habitant de la planète diminueront plus vite encore. » L’expert Jean-Marc Jancovici  est rentré dans le vif du sujet : « Les parlementaires n’ont pas conscience de l’urgence du problème pétrolier, donc ils ne viennent pas s’informer, donc ils n’ont pas conscience du problème ! » Le député Yves Cochet confirme : « Le gap, le fossé entre ceux qui voient le pic pétrolier et les autres est immense. Mais quand demain nous ne saurons pas si nous aurons ou non de l’eau potable et si nous aurons à manger pour nos enfants, alors nous ne pourrons que prendre conscience de la réalité. »

Les médias ont boudé l’événement : pas de grosse pointure à la tribune, donc pas de couverture médiatique. Les médias ne savent pas distinguer ce qui est important ou secondaire. Ils se spécialisent de plus en plus dans le faits divers. Surtout, contrairement à ma demande réitérée, ce colloque n’a eu aucune conséquence politique… L’après-pétrole n’est pas au programme socialiste. Car du point de vue des socialistes, pour tout résoudre, il suffit d’un peu plus de croissance… verte à la rigueur. De Strauss-Kahn à Hollande, ils sont tous d’accord ! C’est le même discours que la droite. C’est désespérant. Le PS n’a pas encore compris que la croissance a historiquement augmenté les inégalités et en corollaire détérioré la planète. De plus en plus désespérant car l’approche des primaires socialistes (dite « citoyennes ») d’octobre 2011 élimine tout débat de fond : chacun son candidat, comme d’habitude. Car qui se dit membre du parti socialiste pense comme son clan. Les personnalités passent avant les idées. Les militants pensent PS d’abord. S’ils veulent arrêter de sous-traiter l’écologie aux Verts, c’est en croyant que le PS est capable de prendre à bras-le-corps l’urgence écologique par lui-même. Illusion ! Certains rêvent personnellement d’une place officielle qu’on ne leur donnera jamais en tant qu’écolo. Car mon parcours pendant neuf ans au sein du PS m’a montré un appareil partisan qui court après le pouvoir, sans aucune autre ambition. La lutte de classes s’est dissoute dans les lendemains qui déchantent. La crise de la dette étouffe l’urgence écologique. La social-démocratie n’a plus de doctrine lisible ni de projet viable. (la suite, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

3 réflexions sur “Fragments de vie, fragment de Terre (suite)”

  1. « Car du point de vue des socialistes, pour tout résoudre, il suffit d’un peu plus de croissance… verte à la rigueur. De Strauss-Kahn à Hollande, ils sont tous d’accord ! C’est le même discours que la droite. C’est désespérant »

    Oh le pauvre Michel, il va trouver facheux que Biopshère admette l’existence de l’UmPs recyclé en LR/LREM ! Mitterrandie de droite Mitterrandie de gauche… Le vieux tonton a stérilisé toute alternance politique en mettant ses parasites des 2 côtes du manche ! Il a même gangréné la droite par des chevaux de Troyes.

    1. Depuis 81 il n’y a strictement plus d’alternance. Droite et Gauche font juste semblant de se disputer devant les caméras pour faire croire que ce sont des partis différents, mais en pratique dès lors que gauche ou droite parvient au pouvoir c’est exactement la même politique ! Plus de dettes pour soutenir la consommation et la croissance, de plus en plus d’immigrations clandestines, davantage de dégradation des services publiques, justice de plus en plus favorable aux truands toutes catégories, plus d’insécurité et plus d’inégalités entre le sommet et le reste de la pyramide (tombeau que les socialos affectionnent tant, ça laisse présager l’avenir de la France)
      Tonton a bien réussi son œuvre de destruction de la France, pour en plus la diluer dans une Union Européenne où il n’y aucune solidarité, au contraire facilite à l’Allemagne de nous plomber économiquement en sabotant notre politique énergétique, dont principalement le nucléaire…

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