Günther Anders au 4e congrès international contre les bombes atomiques en 1958 tenu au Japon : « La constance que les survivants de Hiroshima et à Nagasaki mettent à taire que l’événement a été causé par des hommes ; à ne pas nourrir le moindre ressentiment, bien qu’ils aient été les victimes du plus grand des crimes – c’en est trop pour moi, cela passe l’entendement. » Anders a montré que le nouveau régime du mal, c’est l’infirmité de tous les hommes lorsque leur capacité de détruire devient disproportionnée à la condition humaine. Alors le mal s’autonomise par rapport aux intentions de ceux qui le commettent.
La tragédie japonaise a ceci de fascinant qu’elle mêle inextricablement trois types de catastrophes que l’analyse traditionnelle distingue soigneusement : la catastrophe naturelle, la catastrophe industrielle et technologique, la catastrophe morale. Non, ce n’est pas Dieu qui punit les hommes pour leurs péchés, oui, on peut trouver une explication humaine, quasi scientifique, en termes d’enchaînement de causes et d’effets.
Il est beaucoup plus grave que les opérateurs des méga-machines qui nous menacent soient des gens compétents et honnêtes. On doit moins redouter les mauvaises intentions que les entreprises qui, comme l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), se donnent pour mission d’assurer « la paix, la santé et la prospérité dans le monde entier ». Car les plus grandes menaces viennent aujourd’hui moins des méchants que des industriels du bien.
NB : Lire l’article complet de Jean-Pierre Dupuy dans LeMonde du 20-21 mars 2011…