Mieux vaut faire l’amour que la guerre, cela pourrait être le point de vue des écologistes, proches de la nature et éloignés des violences humaines. Depuis que la contraception a dissocié la fonction de reproduction et le principe de plaisir, nous pouvions penser que la sexualité, enfin associée à l’extase sans angoisse, pouvait devenir une activité banalisée et fréquente… à l’image d‘Hipparchia. Mais le véritable plaisir des humains, c’est de tout compliquer. Tant que nous n’aurons pas de rite de passage à la vie sexuelle, simple et généralisé à tous, nous connaîtrons l’angoisse et/ou la violence du passage à l’acte qui a abouti au processus #MeToo, balance ton porc, élimine les hommes. Misère, misère…
Roger-Pol DROIT : « Hipparchia vécut vers 350-280 av. J.-C., en Grèce. Elle renonça à la respectabilité pour vivre selon les enseignements de l’école cynique, sans gêne ni pudeur. Une liberté en actes qui étonne encore. Jeune fille de bonne famille, Hipparchia est née en Thrace. Elle était destinée à faire vite quelque riche mariage avant d’élever ses enfants en silence au gynécée, l’espace clos réservé aux femmes. La philosophie en a décidé autrement, bouleversant son existence. Tout commence avec son frère Métroclès qui étudie rhétorique et philosophie à l’école fondée par Aristote à Athènes. Déclamant un discours qu’il a composé avec application, le jeune homme lâche un gigantesque pet. Mort de honte, il s’enferme, cesse de s’alimenter, veut se laisser mourir. Un de ses amis vient à son secours. Il se nomme Cratès et s’efforce de vivre « selon la nature », conformément aux enseignements de l’école cynique, fondée par Antisthène, illustrée par Diogène. A grand renfort de pets tonitruants et d’éclats de rire, Cratès persuade le frère d’Hipparchia que « rien de ce qui est naturel ne saurait être honteux ». Le chien (kunos en grec) ignore gêne et pudeur, et les cyniques (c’est-à-dire, littéralement, les « canins ») veulent en débarrasser les humains. Révélation fulgurante pour la jeune femme. Elle décide de vivre, elle aussi, selon la nature. Et d’épouser Cratès. Pas beau ? Peu importe. Trop vieux ? Elle s’en moque. Elle menace de se donner la mort si on l’empêche de mener sa vie comme elle l’entend. Les parents cèdent.
Hipparchia et Cratès scellent donc un « mariage de chiens », comme ils disent. Ils ne se quittent plus, consomment leur union en public, n’importe où, au coin des rues. Au grand scandale des passants, au grand dam de la famille. Et en devenant, pour la postérité, l’exemple de la provocation et de l’outrance. Saint Augustin dans La Cité de Dieu déclare de tels comportements légendaires. Il est impossible, à son avis, d’éprouver un désir sexuel sous le regard d’autrui – jugement qui semble témoigner principalement de ses propres limites, dans la mesure où toutes sortes de réalités bien connues attestent le contraire. Malgré tout, il serait hâtif de conclure que faire l’amour dans la rue suffit pour être philosophe. Mais en se délestant des obligations sociales et culturelles, Hipparchia donne à voir leur artifice et leur pesanteur – par des actes, plus efficacement sans doute que par de longs discours. »
Le point de vue des écologistes : Il n’y a pas de différence entre chiens et chiennes, c’est un modèle que les humains auraient du méditer depuis longtemps. On se refuse notre état de nature, et on fait n’importe quoi. L’amour en public aujourd’hui, c’est de notoriété publique, il suffit de regarder des images vidéos de ce qu’on appelle l’industrie pornographique. Mais c’est seulement un appendice de notre système marchand et de son exploitation des êtres humains. On monétise le plaisir sexuel et on fabrique des voyeurs.
Avant d’aller plus loin, prenons un exemple plus conventionnel, la nudité sur les plages et ailleurs. Le naturisme devrait pouvoir être pratiqué aux yeux de tous, c’est pourtant un tabou. Nous sommes corsetés par une morale contre-nature. Pour un naturiste, faire l’amour quand on veut, où on veut ne pourrait être qu’une étape supplémentaire vers la tolérance partagée : « Ils font l’amour au coin du bois (au coin du parking), grand bien leur fasse... »
Mais dans un camp naturiste, on n’apprécierait pas forcément Hipparchia. Les naturistes ne sont pas toujours des écologistes proches de la nature… Misère, misère.
– « Les femmes ont longtemps été invisibilisées des domaines des sciences et des savoirs, et la philosophie ne fait pas exception. Pendant des siècles, il était inconcevable pour elles d’accéder au discours philosophique, qui, jusqu’au XXe siècle, était l’apanage des hommes. Certaines penseuses font toutefois exception, et parviennent à briser le plafond de verre à toutes les époques. »
( celles-qui-osent.com )
Et dire qu’encore aujourd’hui, certains «intellectuels» en sont encore à penser que les femmes sont moins capables que les mâles… moins inventives et patati et patata. Misère misère !
C’est de ce genre d’idées, à la con, dont les cyniques se moquaient et ils avaient raison.
Alors qu’ils ne sont pas foutus de donner les noms de 60 philosophes (par exemple), les mêmes «intellectuels» diront : « Oui mais, elles restent des exceptions. »
Autrement dit, elles comptent pour des prunes. Et là, juste pour mesurer le niveau de ces «grands» penseurs, hélas pas si exceptionnels que ça, misère misère… on peut s’amuser à leur demander de nous sortir des chiffres. Alors, combien de prunes ?
– « Ménage dénombre 65 femmes philosophes dans l’Antiquité »
( Les femmes philosophes dans l’Antiquité – Isabelle Koch – sur cairn.info )
65… et sans compter les oubliées. Et ça ce n’est que pour l’Antiquité.
Et que pour la philosophie ! Allez va, en refaisant les comptes, et surtout en se défaisant de quelques topoi misogynes… dont même Gilles Ménage et de grands philosophes étaient imprégnés… on finira peut-être par revoir sa copie et avancer.
Et ça ce n’est que pour le femmes. 😉
– « Diogène le cynique » ( Roger-Pol Droit -19 juillet 2003, dans Le Monde )
Cette fois, le philosophe Roger-Pol Droit nous présente Hipparchia. Pourquoi ?
Tout simplement parce qu’elle était une femme : « Femmes philosophes à découvrir » (1/5).
Nous en découvrirons donc quatre autres, femmes philosophes .
– « Hipparchia fait l’amour dans les rues d’Athènes » ( 23 juillet 2022 )
Ce titre attire évidemment l’attention. On sait que le titre est très important, on sait combien la philosophie passionne aujourd’hui les foules… Misère misère. En lisant ça, le voyeur de passage a de suite envie de connaitre cette salope qui baise dans les rues d’Athènes.
Si c’est là juste une astuce pour mieux vendre cet article… on peut comprendre. (à suivre)
Toutefois n’allons pas réduire Hipparchia, ou Diogène, les cyniques en général, à une bande de salopes et de branleurs. Non, parce que ces histoires là ne sont qu’anecdotiques. Les cyniques ne se distinguaient pas seulement en se masturbant ou en faisant l’amour dans la rue, mais par leur total refus de toutes les conventions.
Et donc par leur mode de vie, dans la simplicité et la frugalité. Par leur ironie, leur humour mordant… et leur franc parler, qui n’avait rien à voir avec la vulgarité crasse d’aujourd’hui. Les cyniques mettaient la liberté avant tout. On peut dire que les cyniques étaient les précurseurs de l’anarchisme. En plus de l’écologisme.
Le terme «cynisme» vient du grec ancien κύων / kuôn, qui signifie «chien».
J’aime les chiens. Et les chiennes aussi, évidemment. 🙂