L’horloge de l’apocalypse annonce minuit moins cent secondes. En 1991, à la fin de la guerre froide, grâce à la détente elle avait pourtant reculé jusqu’à dix-sept minutes avant minuit. Sur le front nucléaire, les concepteurs ont constaté le démantèlement du socle de contrôle international des armements avec le retrait en 2019 des Etats-Unis et de la Russie du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. Les Etats-Unis de Donald Trump menacent aussi de ne pas renouveler le traité New Start de réduction des armes stratégiques nucléaires, conclu en 2010. Sans compter la nouvelle militarisation de l’espace. Concernant le climat, les experts ont pointé la déception après les grands sommets consacrés au climat, qui n’ont pas suscité les engagements nécessaires pour infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre. Les « horlogers » s’inquiètent aussi du délitement sociétal tels que les campagnes de désinformation et les deepfakes (vidéos trafiquées).* Et encore, ces experts ne disent rien de la descente énergétique qui s’amorce ni le l’effondrement de la biodiversité qui s’accélère !
La « Doomsday Clock » du Bulletin des scientifiques atomiques a été imaginée en 1947 pour symboliser l’imminence d’un cataclysme planétaire. Un groupe d’experts, dont treize lauréats du prix Nobel, fixe chaque année la nouvelle heure. A chaque mouvement de l’horloge correspond une période de tension ou d’espoir dans les relations diplomatiques. Le 26 janvier 2017, les scientifiques mettaient par exemple en garde l’opinion après les propos du nouveau président américain, Donald Trump. : « les “faits alternatifs” ne feront pas magiquement disparaître les défis dus aux changements climatiques ».**
Bon, on peut penser ce qu’on veut de ce système d’horloge à l’américaine, mais au moins il a l’objectif de chatouiller un peu les consciences, ce qui vaut mieux que ceux qui lisent, boivent un coup, rotent et tournent la page. Il y a beaucoup de gens, décideurs aveugles ou consommateurs effrénés, qui sont responsable de la situation de plus en plus inquiétante où nous sommes arrivés. Les premières classes du Titanic ont continué de danser jusqu’à ce que la dangereuse gîte du bateau réputé « insubmersible » devienne incontestable… Il n’y a pas que l’horloge de l’apocalypse qui nous aura averti. Ainsi le rapport sur les limites de la croissance en 1972, l’empreinte écologique qui montre dès 1996 qu’on explose la planète, le syndrome du Titanic de Nicolas Hulot en 2004, les avertissements de 10 000 scientifique ici ou 15 000 scientifiques là, etc. Les contraintes écologiques, climatiques et démographiques, par leurs conséquences déjà observables (désertification, stress hydrique, famine, guerres civiles, dirigeants corrompus ou inconséquents…) ont déjà fait basculer l’aiguille au-delà de minuit dans bien des pays. Douter, se moquer, parler d’élucubrations ou de grand guignol apocalyptique ne grandit pas les commentateurs qui profèrent sur lemonde.fr ces phrases toutes faites.
* LE MONDE du 22 janvier 2020, L’horloge de l’apocalypse avancée de vingt secondes, plus près de minuit que jamais
** LE MONDE du 28 janvier 2017, Qu’est-ce donc que cette « Horloge de l’apocalypse » qui a changé avec Trump ?
Et oui, l’Internationale Socialie finit toujours mal…. Aux douze coups de minuit, ce sera le Grand Armageddon et puis c’est tout !
– « on peut penser ce qu’on veut de ce système d’horloge à l’américaine, mais au moins il a l’objectif de chatouiller un peu les consciences, ce qui vaut mieux que ceux qui lisent, boivent un coup, rotent et tournent la page. »
Certes. Seulement depuis le temps, nous devrions avoir compris les limites de cette stratégie consistant à «chatouiller les consciences». Théoriquement cette horloge a la même raison d’être que le fameux «jour du dépassement». A savoir alerter, interpeller, signaler le danger. Seulement, et sans parler de la fiabilité de leurs calculs, force est de constater que ces deux «machins» ne servent finalement à rien.
Cette horloge (conceptuelle) a été mise en service en 1947. Si depuis que la Bombe existe nous avons échappé à l’apocalypse (nucléaire) ce n’est certainement pas grâce à cette horloge. Mais seulement à la chance (au hasard) qui jusque là nous a été favorable. De son côté «le jour du dépassement» est juste l’occasion de «chatouiller les consciences» durant un jour de l’année. Et maintenant ça tombe en pleine période de vacances d’été. Force est de constater que dès le lendemain la vie continue comme si de rien n’était. Et demain ou après demain (27 ou 28 janvier 2020), soyons assurés qu’on aura déjà tourné la page. On aura fait un bon gros rototo et on aura déjà digéré les 100 secondes.
Finalement, nous pouvons nous demander si ces deux «machins» ne servent pas seulement à occuper du monde, en attendant. Et bien sûr à nous amuser et nous abuser, en passant, et en attendant. Et des «machins» qui ne servent à rien, si ce n’est à occuper ceux qui les inventent, les conçoivent, les font «marcher», les vendent, les commentent etc. etc. eh bien là encore, force est de constater que ce n’est pas ça qui manque. Il y a bien sûr toutes ces grands messes, COP, contre-COP, pétitions, etc. etc. mais aussi tous ces bouquins, articles etc. bref tout ce Barnum. Parce que même si l’Horloge va bientôt sonner Minuit, si ce n’est le Grand Midi… en attendant The Show must gon on !
En attendant, de plus en plus de gens prennent conscience de l’impasse. Et il est donc tout à fait normal et naturel que grandisse une certaine angoisse. Et évidemment, cette angoisse est l’occasion de la récupérer et de l’exploiter. Bien sûr il existe mille façons de procéder, tout dépend déjà des objectifs des récupérateurs et autres exploiteurs de cette angoisse. La collapsologie par exemple, en est une. Force est de constater que certains ont fait de cette nouvelle «science» leur business.
Hier (25/01/2020) sur Fr. Culture à 16h, j’écoutais l’émission «Conversation scientifique». La question du jour était «Qu’allons-nous faire de l’angoisse écologique ?» Comme quoi cette angoisse fait aussi le bonheur des radios, des télés, des journaleux et des journalistes de tous poils. Pour tenter de répondre à cette question, Etienne Klein avait invité le philosophe Régis Debray, qui avait là l’occasion de parler de son dernier petit essai intitulé «Le siècle vert» (que je conseille). Comme quoi cette angoisse fait aussi le bonheur des philosophes. Finalement c’est toujours la même question qui revient (en boucle) : Que faire en attendant ?