Le Seigneur a dit : « croissez et multipliez… » – Oui, mais il n’a pas dit par combien ! L’humanité a réussi à se débarrasser de la plupart des freins à sa prolifération. La poussée démographique, tempête qui modifie entièrement l’équilibre des forces et qui menace nos moyens même de subsistance, dépasse tous les autres problèmes qui paraissent de ce fait mineurs. Comme le souligne un rapport des Nations unies (1958), si le rythme actuel d’accroissement se poursuivait encore pendant 600 ans « le nombre des êtres humains serait tel que chacun n’aurait plus qu’un mètre carré à sa disposition. » Il faut reconnaître qu’en dépit de quelques erreurs, provenant notamment du développement du machinisme qu’il n’avait pas prévu, Malthus (Essay on the Principle of Population, 1798) avait raison. Pour le naturaliste, l’accroissement actuel des populations humaines a les caractères d’une véritable pullulation. Êtres humains doués de raison, proportionnant leur expansion aux moyens de subsistance, ou créatures proliférantes, dégradant leur propre habitat, il nous appartient de choisir ce que nous voulons être.
Nous sommes parfaitement conscients du fait que les rendements agricoles ont été considérablement augmentés depuis les premières ères de l’humanité. Mais il faut tenir compte du fait que les difficultés de répartition des denrées entre les différentes fractions de population ne disparaîtront pas facilement, sans doute même jamais. S’il n’y a qu’un monde à beaucoup de points de vue, notamment celui du biologiste, il y en a plusieurs sur le plan économique. Aussi est-il sage que chacune des fractions de l’humanité proportionne son expansion démographique à ses ressources propres.
L’extension des villes se fait souvent au détriment d’excellentes terres agricoles. Aucune des grandes agglomérations ne peut, et ne pourra jamais plus constituer une communauté humaine. La vie des citadins est devenue une vie en commun, puis une existence concentrationnaire. Les hommes ont dorénavant à choisir entre un en-casernement dans des « boîtes à loger » ou l’hébergement dans de petites maisons individuelles implantées de plus en plus loin de leur lieu de travail. L’énergie dilapidée en pure perte dépasse toute évaluation. Même si l’homme arrive à se sustenter, les problèmes psychologiques posés par son grouillement demeureront entiers. Le bien-être matériel de l’humanité, mais aussi sa dignité et sa culture, sont compromis dans leurs fondements.
Un premier moyen de régulation est l’émigration. Or cela n’est plus guère possible à l’heure actuelle car toute la planète est strictement compartimentée et coupée de barrière. Un deuxième procédé est l’augmentation du taux de mortalité. Certaines sociétés primitives éliminent les vieillards, tandis que d’autres préconisent l’infanticide. C’est impossible à envisager dans le cas de l’humanité évoluée. Le troisième procédé consiste à une diminution du taux de natalité. Aucune religion, aucune morale et aucun préjugé ne doivent nous en empêcher. Le jour où les peuples se jetteront les uns contre les autres, poussés par des motifs en définitive écologiques, cela serait-il plus hautement moral que d’avoir maintenu les populations humaines en harmonie avec leur milieu ?
Avant que nature meure de Jean Dorst (1965)
Dans ce livre, Jean Dorst évoque l’historique du débat à la page 167:
« Au cours des XVIIIème et XIXème siècles les économistes expriment des opinions très divergentes sur ces questions. Si certains, comme Adam Smith, Jérémie Bentham, James Mill et J.B.Say, partagent dans l’ensemble les idées de Malthus et sont d’avis que l’accroissement de la population doit être limité, les pré-marxistes et les marxistes affirment que la surpopulation disparaîtra d’elle- même avec la société capitaliste.
(…) Nous nous garderons bien d’entrer ici dans ces controverses…mais il faut reconnaître en toute objectivité qu’en dépit d’erreurs manifestes, provenant du développement du machinisme qu’il n’avait pas prévu, Malthus avait raison au moins sur certains points. »
– «[…] Le jour où les peuples se jetteront les uns contre les autres, poussés par des motifs en définitive écologiques, cela serait-il plus hautement moral que d’avoir maintenu les populations humaines en harmonie avec leur milieu ? »
Puisqu’elle nous indique la réponse, peut-on appeler ça une question ? (Question mal posée => faux problème.) Toutefois jouons le jeu. Cette question porte donc sur le niveau MORAL de ce troisième procédé. Est-il meilleur (plus BIEN) ou pire (plus MAL) que etc. ? Le recours aux deux précédents procédés étant jugé par l’auteur, impossible à envisager dans le cas de l’humanité évoluée (sic).
Probablement du fait de mes croyances religieuses et/ ou de mes préjugés, je suis d’accord avec ce point de vue, jugé évolué. Pas question d’éliminer les bébés, ni les pépés ni les mémés !
Si je veux donc éviter qu’un jour des milliards et des milliards de gens se jettent les uns contre les autres, poussés par des motifs en définitive écologiques (sic)… alors je suis invité (ou contraint, ces temps-ci c’est kif-kif) à opter pour ce troisième procédé, la diminution du taux de natalité. Par des moyens jugés dignes d’une humanité évoluée, je présume.
Alors très bien, je l’ai toujours dit, je suis favorable à l’enseignement du port de la capote dès la maternelle. D’autant plus si ça permet d’éviter la Grosse Cata. Et à ce moment là je déclare que la Capote c’est Le BIEN ! Et la Pilule aussi.
Maintenant qu’est-ce qui me dit, m’assure, me garantit, que grâce à cette pédagogie, à tous ces efforts… l’humanité dite évoluée réduite pour le coup d’un certain nombre (?) de spécimens, vivra alors en harmonie avec son milieu? Son milieu, son environnement, et bien sûr les autres.