Michel Desmurget : « Le premier scandale fut celui du tabac. Puis vinrent les pesticides, l’amiante, le réchauffement climatique, etc. Tous ces désastres auraient pu être anticipés. Il faut dire que les industriels firent de gros efforts pour cultiver le scepticisme, le bien commun s’abîma dans les fanges du profit. Aujourd’hui, c’est au tour de l’industrie numérique d’exploiter le filon. Les articles contradictoires se multiplient sans jamais se répondre. On minaude, on tergiverse, on relativise. En un mot, on vend du doute. Tout propos contrariant devient sans délai « alarmiste », « caricatural » ou « anxiogène ». Toute mise en garde est prestement accusée de « diaboliser les écrans » ou de « culpabiliser les parents ». Au final, cette cacophonie remplit pleinement son rôle : maintenir l’équivoque et retarder autant que faire se peut toute prise de conscience collective. Lorsque l’arsenal des outils numériques actuels (tablettes, smartphones, consoles, ordinateurs, etc.) est mis à disposition des enfants et des adolescents, les pratiques ne s’orientent pas vers l’idéal positif fantasmé dont on nous rebat les oreilles (quatorze heures par jour de Wikipédia, tu parles !), mais vers une orgie d’usages récréatifs dommageables. En moyenne, les 8-12 ans consacrent treize fois plus de temps à se divertir qu’à étudier. Constater cela n’est en rien technophobe. Ce n’est ni une opinion personnelle, ni une hypothèse ouverte à controverse ; c’est un fait scientifique aujourd’hui établi. »
FakeDreams sur lemonde.fr : Clair, net, précis et déprimant. En effet le message est contrariant et nous montre le défi de notre temps : comment accepter massivement les faits qui nous dérangent, quand des faits dits alternatifs, des recits…, nous sont disponibles en masse et surtout bien plus plaisants. Rien n’indique que « le vrai » nous est accessible, nos cerveaux ne sont pas faits pour ça.
Jef 974 : Le problème n’est pas le temps passé sur des écrans ludiques. Le problème est la dévalorisation quasi-complète du savoir rationnel, de l’expertise et de cette culture qui ne s’acquiert que par l’effort et l’austérité et qui donne ses significations profondes aux mots Humanité, Citoyenneté ou Exigence. Jugé trop ch***te… Le QI baisse, les causes sont connues, les dénoncer expose au suicide social ou politique. Dans ces situations, les choses finissent généralement par une catastrophe, qui permet aux survivants de repartir sur d’autres bases. Nous y fonçons.
ManuLeMytho : Les smartphones n’auraient jamais du être autorisés aux mineurs, on glisse vers un délire total. La racine du problème est ce libéralisme qui autorise de mettre tout et n’importe quoi sur le marché sans débat ni principe de précaution alors que les dégâts sont irréversibles. C’est valable pour la bagnole, l’amiante, l’agrochimie, les PCB, les OGM, pesticides, la télé-réalité, la chirurgie esthétique, le gangsta rap, les médias appartenant à des grosses fortunes… La liste est sans fin et l’autodestruction globale en marche.
Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :
3 février 2020, Un contexte néfaste à l’intelligence humaine
25 octobre 2019, Écrans, décérébration à grande échelle (synthèse)
Les écrans pour réduire l’intelligence a commencé avec la calculatrice à l’école, les élèves saisissent les données chiffrées dans la calculatrice et la machine fait tout le travail mental à la place des individus. Après, je n’ai rien contre la calculatrice mais avant de fournir cet outil pour calculer plus vite il faut d’abord apprendre aux élèves à compter sans calculatrice afin qu’ils comprennent le cheminement et le raisonnement du calcul ainsi que pour identifier d’éventuels erreurs. Quand j’étais en primaire, mes parents m’avaient interdit d’utiliser la calculatrice pour faire mes devoirs, d’ailleurs j’en avais pas non plus pour me rendre à l’école, ils voulaient que j’apprenne à calculer mentalement, ce qui fut parfaitement réussi il faut bien le dire.
D’ailleurs on le perçoit aussi en entreprise, les comptables se contentent de saisir les données chiffrées dans l’ordinateur et la machine calcule tout, mais s’il y a quelque chose qui ne va pas parce qu’une donnée à été mal saisie ou alors une manœuvre de calcul erronée voir frauduleusement manipulé, ben le comptable ne parvient plus à identifier de tête le cheminement de l’erreur puisqu’il n’est plus habitué à calculer mentalement dès le lycée en comptabilité car on lui fournit un ordinateur et qu’il n’apprend même plus un faire un bilan sans machine.
Bref, les calculatrices et ordinateurs c’est bien, mais à condition que les individus soient formés préalablement à utiliser les outils sans machine. Ensuite après on peut utiliser les machine pour gagner du temps dès lors qu’on a appris à exécuter mentalement les raisonnements et cheminements pour obtenir les résultats
Ah que c’était le bon temps… quand on apprenait par coeur les tables de multiplication… et le calcul mental, et les coups de règles sur les doigts, et le bonnet d’ânes, et Jean Passe.
Blagues à part t’as raison. Imagine un gros bug ou une tempête solaire… et tous ces BAC +10 avec leurs calculettes et leurs ordis HS. Je sais c’est impossible, mais imagine quand même. Les malheureux même pas fichus d’extraire une racine carré, cubique n’en parlons pas. Imagine maintenant que l’un d’entre eux découvre au fond d’un tiroir une vieille règle à calculer… il aurait l’air d’une poule qui trouve un couteau. Je me moque mais en fin de comptes je serais aussi con que lui. Parce que même si je saurais reconnaître l’engin, je suis aujourd’hui infichu de m’en servir. Ni d’extraire une racine carré. Misère misère ! 🙂
En 1979, l’humoriste amoureux des jeux de mots évoquait déjà une « situation catastrophique » en résonance totale avec l’époque actuelle.
– « Est-ce en remettant tout le temps au lendemain la catastrophe que nous pourrions faire le jour même, que nous l’éviterons ? D’ailleurs, je vous signale que si le gouvernement actuel n’est pas capable d’assumer la catastrophe, il est possible que l’opposition s’en empare… »
( sur ina.fr/ : 1979, Raymond Devos, « Parlons de la situation… » )
Comme quoi il y a aussi du bon sur les écrans. 🙂
Jef 974 pointe la dévalorisation du savoir et de l’effort indispensable pour l’acquérir.
C’est vrai que non seulement les écrans nous crétinisent, mais comme toutes les machines, en plus ils nous rendent fainéants. Certes l’un ne va pas sans l’autre.
Les écrans sont sensés nous faciliter la vie en nous évitant certains efforts. Par exemple, si je suis perdu… en quelques clics je peux savoir où je suis et retrouver mon chemin. Plus besoin d’ouvrir une carte, d’ajuster mes lunettes, ni de perdre du temps à demander à des gens. Une charmante voix me dira : «vous êtes ici, tournez à droite, et patati et patata». Merci le GPS, avec ça me voilà sauvé. Même chose si je ne connais pas un mot, une chose, en un rien de temps je deviens un «sachant». Peu m’importe que demain ou dans une heure j’ai déjà oublié le sens du mot ou de la chose, il me suffira de recommencer.
Et le jour où je n’ai plus de batterie je suis complètement perdu. Je redeviens ce que j’ai toujours été, hi-han hi-han ! Comme une conviction, le savoir (la connaissance) exige du temps et des efforts.
Contrairement à ce que dit Jef 974, le temps passé sur des écrans ludiques reste donc un problème. Trois heures à jouer sur un ordinateur ce n’est pas trois heures à jouer avec des copains. Trois heures à par exemple construire une cabane, ou à pêcher, ou à jouer de la musique, ou même à jouer aux billes ou aux cartes et bien rigoler. Et trois heures à jouer sur un ordinateur, ce n’est pas non plus trois heures à lire un bouquin ou à étudier.
– « En moyenne, les 8-12 ans consacrent treize fois plus de temps à se divertir qu’à étudier. […] c’est un fait scientifique aujourd’hui établi. »
Treize fois plus ! Comme bien d’autres choses aujourd’hui établies, il n’y a aucune raison valable d’en douter. Et quand bien même ce ne serait que dix, voire six, le résultat serait le même, une catastrophe. Seulement tout le monde ne le verra pas ainsi, surtout du côté des crétins. Précisons que l’âge des crétins qui consacrent treize fois plus de temps à se divertir qu’à étudier s’étend de 7 à 77 ans. Ceux qui pensent qu’on n’a plus besoin d’étudier passé l’âge de 16 ans (âge légal de scolarisation), ou après avoir quitté les bancs de l’école, sont évidemment des crétins.
En attendant, cela fait des années et des ânées que des scientifiques, des médecins, des profs, mais aussi des parents, alertent sur la nocivité des écrans, notamment chez les enfants. Comme pour le reste, les chiens aboient et la caravane passe.
Et elle n‘a pas fini de passer. Les écrans sont désormais incontournables pour s’informer, étudier, travailler, surveiller, se divertir, s’abrutir etc. Sans oublier vendre et acheter. Business as usual.
– « Au final, cette cacophonie remplit pleinement son rôle : maintenir l’équivoque et retarder autant que faire se peut toute prise de conscience collective. »
Ce serait là mon seul point de désaccord, ce qui de toute façon ne change rien au problème. Je ne crois pas à cette histoire de prise de conscience collective. Cette fameuse prise de con science qui, on ne sait jamais, pourrait être notre seule chance, notre salut.
Je pense que pratiquement tous les cerveaux de 7 à 77 ans (et plus) ont depuis longtemps intégré tout ça. Et que malgré le fait qu’ils soient incapables d’en comprendre les mécanismes et les détails, incapables de comprendre ce qui leur arrive, incapables de se mettre à la place d’un autre, ne serait-ce que pour essayer de voir le monde sous un autre angle etc. je reste convaincu (et encore plus con vaincu) que même les crétins savent ce qui nous pend au nez.