L’éditorial du MONDE s’interroge benoîtement : « Qui va payer le coût de la transition écologique ? Alors que l’espoir d’une adaptation progressive de notre modèle de croissance a longtemps fait illusion, l’idée d’un ajustement brutal émerge. La primaire des écologistes montre à quel point ce langage de vérité est difficile à assumer. De Yannick Jadot à Sandrine Rousseau en passant par Delphine Batho, Eric Piolle et Jean-Marc Governatori, tous s’emploient à populariser une utopie : une société plus inclusive, un rapport apaisé à la nature, une consommation sans gaspillage, etc. Tous restent en revanche coupablement évasifs sur le financement de leurs propositions, même la taxe carbone reste en suspens. Entre le parler-vrai et la promesse d’un monde qui chante, les écologistes ont choisi l’option la plus facile. »
Cet éditorial a choisi la voie la plus facile, taper sur l’écologie institutionnelle. Les commentateurs sur lemonde.fr montrent les lacunes d’une telle approche :
Michel SOURROUILLE : Le financement des investissements en situation de crise économique n’est pas un problème. Depuis Keynes, on sait en effet qu’il suffit de dépenser d’abord, y compris par un déficit budgétaire, et le résultat final de la relance économique va permettre de rembourser largement l’emprunt initial. Le problème actuel, posé à tous les plans de relance du type Green Deal US ou Pacte vert de l’UE, c’est que la croissance économique est définitivement dernière nous par épuisement des ressources naturelles, d’où remboursement des dettes impossibles ! Il va falloir gérer la pénurie, situation que Keynes ne pouvait envisager à son époque d’abondance des ressources fossiles. On ne peut plus miser sur une relance des salaires, des dépenses sociales et des investissements « verts ». Nous allons bientôt retrouver la stagflation en vigueur dans les années 1970, une stagnation des activités économiques (donc un chômage surmultiplié) et une inflation galopante. C’est inéluctable.
Jean Rouergue : Notre gouvernement actuel en voulant sauver l’entreprise a t’il pensé à comment le financer ? « Quoi qu’il en coûte » a t’il été décrété comme si demain il n’y aurait pas d’autres chantiers prioritaires… Il fallait sauver la possibilité d’une éventuelle réélection. Or tout a un prix, même l’air pur qu’on veut respirer.
Sarah Py : Le procédé souvent utilisé dans les médias ces temps-ci, consistant à choisir une cible aussi facile à écrabouiller que nos écologistes, est d’une facilité consternante, à la limite scandaleuse. C’est tirer sur une ambulance pour reprendre la formule de F. Giroud. Comme si le débat central, existentiel que doit être celui de la lutte contre les changements climatiques ne concernait que les écologistes, dont on sait surtout leur inaptitude à gagner l’élection à venir. Non, la question se pose à l’ensemble de nos élites économiques, politiques et autres. Y a t-il eu dans les débats de nos politiques une volonté de donner à la question climatique sa juste place ? Bien évidemment non, et ce serait à ces malheureux écolo d’assumer cette responsabilité ? Soyons sérieux.
Christophe To : Pas un mot du MONDE sur les candidats des autres partis qui proposent une croissance aussi « verte » qu’illusoire.
Frog : Je ne comprends pas pourquoi cet éditorial dit que la facture sera rude, puisque de toutes façons, si on n’essaie pas d’amorcer un tant soit peu la transition, ce ne sera plus un choc rude mais un effondrement ! On ne veut pas de choc rude et on préfère un effondrement brutal, c’est ça ?
Lorange : Lorsque la Terre sera devenue un cloaque invivable pour une partie de ses habitants et à peine viable pour le reste, on appellera encore nos économistes pour savoir si on peut financer le désastre ?
Doudoudodudor : l y a eu les bonnets rouges, puis les gilets jaunes. Que croyez vous qu’il arrivera si les verts appliquent leur programme comme des bleus en politique? Les chemises brunes vont arriver, et tout sera noir.
Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere :
2 octobre 2008, Keynes a tort
8 septembre 2021, La décroissance selon Delphine Batho
C’est malhonnête que d’attaquer ces candidats sur ce genre de «détail». D’autant plus qu’ils ne cachent pas leur utopie, en finir avec ce système. Seulement quand on est finalement bien dans ce système, quand on n’aime pas l’utopie, il faut tuer les utopistes.
En attendant le Pognon n’est pas un problème. YAKA le prendre là où il est !
Si ce premier argument ne vous va pas, je rappelle que pour organiser les J.O et autres conneries du genre, là il n’y a pas de problème. Ni pour innover, toujours plus, dans toutes sortes d’innovations, à la con, bref halte au sketche, au grand n’importe quoi, du Pognon il y en a !
Et d’autant plus avec le «formidable rebond» de notre économie. Plus de 6% de croissance en 2021 et au moins 4% espéré l’an prochain. YABON la Croissance ! Croâ crôa !!
– « tous s’emploient à populariser une utopie : une société plus inclusive, un rapport apaisé à la nature, une consommation sans gaspillage, etc. Tous restent en revanche coupablement évasifs sur le financement de leurs propositions. » (extrait de cet éditorial)
La question : « Qui va payer le coût de la transition écologique ? »
La réponse : «L’emprunt et la mise à contribution des nantis sont en revanche largement mis en avant.»
Seulement cette réponse ne convient pas à l’éditorialiste. Ça sent la mauvaise foi. Comme dit le proverbe, quand on veut tuer son chien on l’accuse de la rage.
Sarah Py fait une bonne analyse et remet la question à sa juste place : « la question se pose à l’ensemble de nos élites économiques, politiques et autres. […] et ce serait à ces malheureux écolos d’assumer cette responsabilité ? Soyons sérieux. »
– « Entre le parler-vrai et la promesse d’un monde qui chante, les écologistes ont choisi l’option la plus facile, mais pas la plus éclairante. »
L’éditorial reproche aux verts de ne pas «parler vrai» et cite Cohn-Bendit : « Si les Verts pouvaient parler vrai, ils diraient : “Votez pour nous, et tout sera plus difficile !“ »
Et si les autres pouvaient parler vrai, qu’est-ce qu’ils diraient ? Là aussi soyons sérieux.