Les politiques de droite ou de gauche prennent deux attitudes opposées sur l’immigration de masse. L’écologie politique devrait présenter la sienne, vraiment écolo. D’un côté il y a la pensée « de droite », pour la régulation des flux migratoires. Au nom du FN, ce serait plutôt au nom de la défense de la patrie et/ou du racisme. Nicolas Sarkozy, représentant de la droite dure, y va de son discours imagé sur les canalisations qui explosent*. La droite peut avoir un discours plus complexe, envisageant les difficultés socio-économiques de la France, les problèmes de co-existence de cultures différentes, etc. De l’autre il y a Cécile Duflot, députée EELV et représentante d’une ligne d’extrême gauche apparemment contre toute restriction à l’accueil des migrants. L’ex-secrétaire nationale d’Europe Ecologie Les Verts est d’ailleurs plus connue pour son positionnement contre Valls à propos des Roms ou contre les méthodes policières employées vis-à-vis de campements illégaux que pour ses propos sur le réchauffement climatique. Il faut dire aussi que la commission « immigration » d’EELV est une annexe des associations de défense des sans-papiers. C’est une option qui se veut humaniste et chaleureuse, mais dont on ne connaît pas les motivations écologiques. La gauche classique genre PS hésite entre la ligne Sarkozy et les propos de Duflot.
Le point de vue des écologistes véritables n’est ni de droite, ni de gauche. Il s’appuie sur des données scientifiques qui montrent que quand une espèce dépasse la capacité de charge de son milieu, elle régresse obligatoirement en nombre. Mais l’équilibre de l’espèce humaine avec son biotope est extrêmement difficile à définir. Les humains sont une espèce opportuniste qui sait utiliser un grand nombre de stratagèmes pour survivre même dans des milieux très dégradés. Historiquement le procédé le plus utilisé a été la migration quand le nombre d’humains sur un territoire donné arrivait à saturation. Or la situation présente est absolument nouvelle, elle n ‘a jamais été rencontrée dans le passé. Les humains sont partout sur cette planète, en grand nombre, même dans les milieux les plus inhospitaliers. On commence à s’apercevoir que pour l’espèce humaine, c’est la biosphère elle-même qui est devenue close et saturée. C’est ce que montrait un chapitre du livre « Moins nombreux, plus heureux »**.
Dans cette situation, un flux migratoire important dans un pays déséquilibre nécessairement les rapports sociaux, les possibilités économiques, et parfois même l’accès à la nourriture. Malheureusement les humains ne s’attachent pas encore aux possibilités de leur biotope, mais aux frontières artificiellement tracéee. Des conflits plus ou moins sanglants se déroulent dans beaucoup de pays qui accentuent la pression migratoire. Accueillir tous les migrants sans aucune restriction accentue les difficultés du milieu d’accueil sans résoudre structurellement les causes des migrations. Les « écologistes » d’EELV devraient apprendre à connaître l’exemple du mouvement Ecopop qui essaye de réfléchir en Suisse sur l’idée d’une migration acceptable…
*lemonde.fr avec AFP du 19.06.2015, vives réactions après les propos de Sarkozy : « Il n’y a plus d’argent, plus d’emplois, plus de logements, mais ils ont trouvé un truc (…), ils ont considéré que la solution au problème d’immigration c’était pas de réduire, c’était de répartir (..) Dans une maison (…), il y a une canalisation qui explose, elle se déverse dans la cuisine. Le réparateur arrive et dit j’ai une solution : on va garder la moitié pour la cuisine, mettre un quart dans le salon, un quart dans la chambre des parents et si ça ne suffit pas il reste la chambre des enfants. »
** Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie) aux éditions Sang de la Terre (2014)
On ne soigne pas un cancer en déplaçant les cellules.
Il faut rappeler deux choses :
– Le capitalisme dans sa version néolibérale mondialisée se réjouit de l’immigration, elle permet d’exercer une pression (à la baisse) sur les salaires, d’augmenter l’activité (même si c’est au prix de la création d’une classe de semi-esclaves), de casser les résistances, celles du capitalisme familial comme celles des traditions régionales, des savoir-faire locaux, d’une certaine sociabilité, etc. au bénéfice du grand marché mondial qui se déplace au gré des avantages qu’il trouve.
– Beaucoup de citoyens ne prennent pas la mesure du potentiel migratoire et de ses conséquences (elle concernera à terme des centaines de millions d’individus). L’immigration ne peut qu’augmenter (le réchauffement, la dégradation des sols, etc. vont encore aggraver les choses !) Aucun pays ne pourra y faire face sans déstabilisation profonde, économique, écologique, sociale et culturelle. Le plus probable est qu’on sombre dans la violence et des régimes néofascistes bien avant.
Ceci n’empêche ni l’aide d’urgence, ni la nécessité de démanteler les réseaux maffieux qui facilitent la venue de migrants (et les exploitent de façon éhontée tout en les mettant en grand danger).
De la part de Philippe
Je souscris aux analyses de Lydia. Il faut regarder en face les tendances politiques en Europe : succès électoraux des partis frères du FN, y compris dans des pays nordiques (et leur participation croissante aux gouvernements), victoire des conservateurs au Royaume-Uni (due en grande partie au rejet de l’Europe considérée comme la porte de l’immigration – d’ailleurs partiellement à tort), etc. Les réactions à l’immigration ainsi que la précarisation des classes populaires et moyennes se renforcent mutuellement et ouvrent les portes aux populismes et nationalismes. Il n’y a pas que la méchante Europe qui soit concernée, c’est malheureusement un trait assez universel. En Afrique, en Asie, le rejet de l’immigration est parfois très violent.
Personne ne peut aujourd’hui affirmer qu’on pourra s’en sortir avec une biocapacité en chute libre et une demande (ne serait-ce qu’alimentaire) qui augmente, par contre nous n’avons pas d’autre solution que d’essayer. Une société mondiale qui privilégierait la solidarité et la coopération, renonçant à la concurrence et à l’accaparement tout en réduisant de façon planifiée l’empreinte écologique de tous ceux (pays, régions, villes, individus) qui dépassent les capacités locales et de la planète aurait beaucoup plus de chances de réussir. C’est évidemment utopique. Mais cela n’empêche pas d’y travailler. Il y a au moins deux niveaux d’action nécessaires : l’un qui consiste à diminuer le métabolisme (et donc l’empreinte) des pays riches (dans une perspective de partage et d’équité mondiale), l’autre qui doit développer une coopération d’un nouveau type avec les pays d’origine des migrants. C’est bien sûr chez eux qu’il faut apporter en priorité des solutions.
Affirmer que l’on « doit » accueillir massivement des immigrés conduit inévitablement à faire monter les extrêmes (FN en France). J’ai peur qu’EELV soit sur cette position.
de la part de Lydia
J’ai l’impression que l’on ne prends pas la mesure de ce qui est en train de se passer. A ne s’intéresser qu’à sécuriser les droits des migrants et à répéter les chiffres sur leur apport économique est aussi autiste que de ne considérer les migrants que comme un « problème » à qui on dénie toute humanité.
Il s’agit en fait de considérer la progression du phénomène migratoire dans un monde déjà surpeuplé et qui va pourtant s’amplifier tout au long de ce siècle. Les populations d’aujourd’hui ne peuvent plus se déplacer sans tomber sur d’autres personnes déjà installées qui ne veulent pas d’eux. Il n’y a plus d’Amérique, il n’y a plus de terres sous-peuplées. Aujourd’hui il y a des gens partout. Fatalement les gens qui vont venir dans des endroits où il y a déjà du monde en difficulté par rapport a leurs modes de vie antérieur vont se faire rejeter. La « sécurisation des droits » n’aura pas lieu, c’est une vue de l’esprit de penser qu’elle peut être acceptée par une majorité de la population dans le contexte de compétition forcenée qui est le nôtre. Nous rentrons dans un conflit mondialisé pour s’installer sur des terres vivables, un conflit forcement violent car il s’agit de survivre.
Il serait bien que nous analysions tout cela avec notre grille écologiste. Qu’advient t il de nos pays soi disant riches s’ils n’ont plus accès aux ressources non renouvelables que nous pillons depuis des années? Comment accueillir et nourrir une population croissante si nous continuons à faire reculer les terres agricoles ? Va-t-on enfin faire la différence entre » la France est un pays riche » et les » Français sont riches » alors que notre pays compte 5 a 6 millions de chômeurs et de plus en plus d’exclus ? Comment dans cette situation faire accepter des flux migratoires importants ? Comment défendre l’apport économique des migrants quand cet apport se fait de plus en plus souvent en faisant reculer le droit de travail acquis dans notre pays, avec la concurrence avec des salaires faibles au noir, avec des systèmes maffieux ou des sociétés implantées dans d’autres pays d’Europe qui » détachent » des « salariés » ? Les conditions de travail agricole, totalement dépourvues de droits dans certaines exploitations de ma région sont connues et les autorités ferment les yeux au nom de la concurrence internationale.
Un fois de plus on voit bien que le modèle actuel ne peut pas répondre à ces défis humanitaires. Je ne crois pas à des solutions qui, une fois de plus, accompagneraient le fonctionnement actuel, qui se fait en ponctionnant toujours plus non pas les plus riches mais les monsieur et madame lambda qui se tournent de plus en plus vers l’extrême droite.