Laurence Tubiana va être la « facilitatrice » du débat national sur la transition énergétique, qui a débuté le jeudi 29 novembre. Voici sa dernière prestation* et les commentaires de BIOSPHERE.
LE MONDE : Le débat est abordé par le biais de la demande d’énergie et de son évolution d’ici à 2050. A partir de quels scénarios allez-vous travailler ?
Laurence Tubiana : Un groupe d’experts piloté par l’économiste Alain Grandjean se met en place… Il faut comprendre les données, le type de production qui y est associé, etc.
BIOSPHERE : Alain Grandjean a toute notre confiance, lui qui écrit dans L’apocalypse n’aura pas lieu : « L’ego arrache son autonomie à la nature aux prix d’une envie intérieure : celle de transgresser toute limite, de transgresser tout lien, car tout lien est une limite. La stratégie de l’aveuglement (« on s’en est toujours sorti », « je crois en l’homme, « la technique va nous sauver ») est criminelle : elle nous interdit de nous préparer au pire. .. Pour être concret, c’est en ce moment que s’envisagent des « quotas individuels de CO2 » à l’échelle de la planète, ce qui crée un lien immédiat entre chacun de nous et la planète (Extraits du livre Crise écologique, crise des valeurs – Labor et Fides, 2010). » Mais si les experts étaient écoutés, cela ferait longtemps que la carte carbone serait généralisée, nous n’aurions pas droit à plus de quelques litres d’essence par semaine.
Quant à Tubiana, elle ignore ce que « demande » veut dire, c’est-à-dire limitation des besoins, pour ne parler encore que de production ! Elle ne sait certainement pas ce que carte carbone veut dire…
Allez-vous préciser le calendrier sur le désengagement de la France dans le nucléaire et les options nécessaires pour qu’il ne représente plus que 50 % de la production d’électricité d’ici à 2025 ?
Laurence Tubiana : Le nucléaire est encore avec nous pour longtemps, quelles que soient les décisions qui seront prises après 2017. Le débat va éclairer ce que peut traduire ce chiffre de 50 %. Il dépend notamment beaucoup de la demande d’électricité dans les vingt ans qui viennent. Henri Proglio, le patron d’EDF, explique que la hausse de la demande sera telle que le nucléaire va tomber mécaniquement à 50 % de la production…
BIOSPHERE : Tubiana confirme qu’il s’agit pour elle de nucléariser autant puisqu’elle adopte le postulat des nucléaristes comme Proglio pour qui la demande d’électricité ne peut que croitre : « La demande mondiale d’énergie devrait doubler d’ici à 2050, même avec un effort d’économies d’énergie deux fois plus important que celui réalisé dans l’OCDE des dernières années. »
Quid du gaz de schiste ?
Laurence Tubiana : Évidemment, nous en parlerons. Mais qui peut imaginer qu’on peut informer cette question au milieu de pressions ? N’est-il pas raisonnable de prendre six mois de discussions pour comprendre les enjeux au-delà du moratoire instauré par François Hollande ? Beaucoup de travail reste à faire, sur la réalité du potentiel économique ; sur les effets précis sur l’environnement, notamment les émissions de méthane ou la pollution de l’eau.
BIOSPHERE : Donc Tubiana est non seulement pro-nucléaire, mais pour le gaz de schiste. Car « reparler du gaz de schiste », c’est évidemment l’adopter ! Tout dans sa phrase montre son choix implicite : « Pression (des écolos ?)… « comprendre les enjeux » (le gaz, c’est nécessaire !!)… « au-delà du moratoire » (on commencer à fracturer)… « potentiel économique » (la messe est dite). Nous n’attendons rien du débat national sur la transition énergétique car nous savons qu’il n’est rien ressorti du débat national sur le nucléaire il y a quelques années et des négociations récentes du Grenelle de l’environnement.
* LE MONDE | 29 novembre 2012, « Cessons les postures idéologiques sur l’énergie »
Pourquoi ça bloque ?
Laissons tomber l’ectoplasme Ayrault, la marionnette Parisot, l’ordure de Proglio et l’inénarrable bouffon Montebourg.
L’essentiel du problème n’est pas là.
L’ouvrier de l’automobile voit les ventes du secteur baisser avec angoisse, l’employé de l’industrie pharmaceutique s’indigne que l’on puisse affirmer que celle-ci produit plus de 50% de spécialités inutiles et/ou nocives et le gentil salarié d’EDF se demande bien ce qu’il deviendrait si la consommation d’énergie électrique était divisée par 2.
C’est là que ça bloque. L’aliénation du salariat n’est pas une formule vide de sens.
Je me suis personnellement confronté à cette aliénation de base.
Avec ma compagne, j’ai construit une petite habitation très simple et très peu énergivore. J’ai donc conçu et réalisé une installation électrique simple, fonctionnelle et sûre mais pas aux normes, qui sont, au moins dans ce domaine, au service du suréquipement et de la surconsommation.
Comme toute habitation neuve, le raccordement au réseau électrique est soumis à l’obtention d’un certificat de conformité délivré par un organisme pourri jusqu’à la moelle, le Consuel. Passage du contrôleur (simple salarié), discussion, argumentation et…rien du tout, c’est pas conforme, na! Les discussions, tractations et supplications (très humiliantes) tentées auprès des employés d’ERDF (chargé des mises en service) subirent le même sort : pas de certificat de conformité, pas d’électricité, re na!
Voilà de simples salariés qui ne risquent rien à ne pas appliquer une réglementation dont la seule fonction est d’enrichir la mafia de l’électricité, mais qui l’applique sans broncher et en étant parfaitement conscients de la situation dans laquelle ils me mettaient. C’est fou ce que le très sale état de notre monde doit à une multitude de gens qui ne font que leur métier.
Bilan : passage en autonomie électrique (12000 euros de matos!), ce n’est pas donné à tout le monde de pratiquer résolument l’objection de croissance. A titre d’information, l’habitation, qui n’est pas une grotte, où on ne s’éclaire pas à la bougie et où on ne lave pas son linge à la main au lavoir consomme moins de 3 KWH d’électricité par jour (pour 2/3 personnes). Qui dit mieux ?
Ceci dit le jour où on se sera enfin décidé à agir (collectivement) et qu’il faudra pendre Proglio avec les tripes de Parisot, je suis volontaire.
actualisation:
FNE participera à la réunion de lancement du débat sur la transition énergétique. Mais pour Benoit Hartmann, porte-parole de FNE : « Nous n’imaginons pas de participer à des débats qui seraient conduits à 112 sur seulement 6 jours comme le prévoit le calendrier. Par ailleurs il ne saurait être question de faire un débat qui engage la France pour l’avenir en seulement 2 mois et demi ». Greenpeace et Les Amis de la Terre, ont décidé de boycotter le débat, bien que Mme Batho ait revu la composition du comité.
pourquoi ça bloque :
Pour le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, cette transition « ne devra pas passer par une diminution de notre compétitivité ». Pas question donc de voir le prix de l’électricité s’envoler. « L’objectif de ce débat, c’est de renforcer notre compétitivité », a aussi prévenu la patronne du Medef, Laurence Parisot. Et le ministre du redressemement productif, Arnaud Montebourg, n’a cessé de réaffirmer l’intérêt stratégique du gaz de schiste et l’avenir du nucléaire.